Flamenco à Bégon : Juan Carmona se confie avant son concert
Le samedi 12 octobre 2024 à 20h30, la Maison de Bégon à Blois sera un peu andalouse sous les notes de Juan Carmona, l’un des plus grands guitaristes flamencos de notre époque. Plus précisément, c’est un quintet qui sera sur la scène blésoise puisque Juan Carmona sera accompagné de la danseuse Maise Márquez, Domingo Patricio (flute et clavier), Sergio Di Finizio (basse) et Isidro Suarez (percussions). « Ce sont tous des artistes avec lesquels je travaille depuis longtemps, et ils apportent chacun une couleur unique à mes compositions », nous confie Juan Carmona.
En effet, bien qu’ancré dans la tradition, Juan Carmona n’a cessé de repousser les frontières du genre, en fusionnant le flamenco avec des influences jazz, latines et même symphoniques. Né à Lyon dans une famille d’origine andalouse, il a été initié très jeune à la musique flamenca. Il a perfectionné son art à Jerez de la Frontera, où il a vécu pendant près de dix ans, immergé dans la tradition flamenca pure. Au fil de sa carrière, il a collaboré avec de nombreux artistes renommés, tels que Al Di Meola, Paco de Lucía ou Vladimir Cosma par exemple. Ses compositions, toujours ancrées dans le flamenco, se caractérisent par un sens aigu de l’improvisation et des rythmes complexes. Juan Carmona est aussi reconnu pour sa maîtrise technique et son expressivité sur scène. Il a remporté de nombreux prix prestigieux, dont le premier prix Paco de Lucía à Madrid. Aujourd’hui, il continue de se produire sur les plus grandes scènes internationales, en portant haut les couleurs d’un flamenco en constante évolution.
Blois Capitale : Le concert de Blois sera-t-il axé sur l’album Zyriab 6.7 ?
Juan Carmona : Pas du tout, ce sera un medley de tous mes albums, le concert est conçu comme une traversée de toute ma discographie, depuis mes premiers albums des années 90 jusqu’à aujourd’hui. Par exemple, il y aura des morceaux de Perla de Oriente, Orillas, Zyriab, Alchemya. C’est un spectacle monté avec une équipe de musiciens exceptionnels : un danseur, un percussionniste, un bassiste, un flûtiste qui joue également du clavier, et bien sûr une danseuse. L’idée est de revisiter mes compositions à travers les différentes périodes de ma carrière, en les adaptant pour la scène avec cette équipe. Cela permet de créer un concert riche et varié, où chaque morceau peut être réinterprété selon l’énergie du moment.
Blois Capitale : Comment faites-vous pour créer un fil conducteur avec toutes vos œuvres pour ce type de concert ?
Juan Carmona : En réalité, avec le temps, sans vraiment m’en rendre compte, je me suis forgé un style. C’est une fusion entre tradition et modernité. J’ai eu la chance de collaborer avec des artistes extraordinaires tout au long de ma carrière, ce qui m’a permis de découvrir et d’intégrer des influences diverses. Par exemple, j’ai récemment fait une tournée avec Al Di Meola, un immense guitariste de jazz. J’ai aussi eu l’honneur de travailler avec des légendes comme Baden Powell ou de composer pour des films avec Vladimir Cosma (Cuisine et Dépendances, La Belle Histoire). Toutes ces expériences m’ont façonné et ont enrichi mon flamenco, qui reste ancré dans la tradition tout en étant ouvert à d’autres genres comme le jazz, la musique classique ou contemporaine. Le fil conducteur, c’est cette fusion. Dans mes compositions, il y a toujours une base flamenca, mais je laisse de la place à l’improvisation et aux rythmes, qui sont pour moi essentiels. Cela donne une musique à la fois enracinée et moderne.

Blois Capitale : Pensez-vous que le fait d’être né à Lyon et d’avoir grandi en France influence votre musique ?
Juan Carmona : C’est évident. Le fait d’avoir grandi en France m’a exposé à des influences culturelles et musicales très variées. Je suis né à Villeurbanne, près de Lyon, mais j’ai grandi à Marseille, une ville extrêmement cosmopolite. Dès mon plus jeune âge, j’ai été baigné dans un univers musical très riche. J’ai découvert des musiciens africains, du jazz, de la musique brésilienne, et aussi une forte présence orientale. Toutes ces influences ont nourri mon travail. Cela a contrasté avec mon expérience en Espagne, où j’ai vécu pendant près de dix ans à Jerez de la Frontera, le berceau du flamenco. Là-bas, c’était 100 % flamenco, du matin au soir. Donc, en Espagne, j’ai renforcé mes racines flamencas, mais mes années en France m’ont donné cette ouverture sur le monde qui, je pense, est essentielle dans ma musique aujourd’hui.
Blois Capitale : Paco de Lucía est l’une de vos grandes influences ?
Juan Carmona : Oui, absolument. Paco de Lucía est une référence incontournable pour tous les guitaristes, et pas seulement dans le flamenco. Il a marqué tous les guitaristes, peu importe leur style. J’ai eu la chance de le rencontrer et de jouer avec lui après avoir remporté le premier prix Paco de Lucía à Madrid dans les années 90. Il a non seulement influencé mon jeu, mais aussi ma vision de la musique. C’était un grand maître, et son influence se ressent encore aujourd’hui dans mon travail.
Blois Capitale : Vous apportez une touche de modernité au flamenco, mais Zyriab 6.7 est un hommage à son origine. Comment conciliez-vous tradition et modernité ?
Juan Carmona : Pour moi, la tradition est essentielle. Comme je dis souvent, « cela ne sert à rien de courir si on ne sait pas marcher ». Il faut connaître la tradition avant de pouvoir la moderniser. C’est ce que représente Zyriab 6.7. Cet album est un hommage à Zyriab, l’inventeur de la musique arabo-andalouse, qui a profondément influencé le flamenco. J’ai voulu marquer ce lien avec la tradition, tout en lui apportant une touche moderne, notamment avec des collaborations comme celle d’Ibrahim Maalouf. Mais à chaque fois que je fais un pas vers la modernité, je reviens toujours à la tradition. C’est comme une ancre qui me permet de rester fidèle à mes racines tout en explorant de nouveaux horizons.
Blois Capitale : Pouvez-vous nous parler de votre prochain album ?
Juan Carmona : Mon prochain album sera très moderne, avec une forte influence jazz latino. À Madrid, il y a actuellement une communauté de musiciens cubains très active, qui se sont naturellement intéressés au flamenco. Cela m’a beaucoup inspiré. J’ai composé des morceaux pour eux, et dans cet album, il y aura des musiciens extraordinaires comme Horacio El Negro, le batteur de Santana. L’album sera marqué par cette fusion entre le jazz latino et le flamenco. J’ai aussi eu la chance de tourner avec le percussionniste de Miles Davis, et cela a encore plus enrichi ma musique. C’est un projet qui me tient à cœur, et j’ai hâte de le partager.
Blois Capitale : Comment les puristes du flamenco réagissent-ils à votre musique ?
Juan Carmona : C’est une question intéressante. Il y a toujours des puristes qui sont un peu sceptiques quand on s’éloigne des sentiers battus, mais j’ai eu la chance de collaborer avec les plus grands chanteurs flamencos, ce qui m’a permis de gagner leur respect. Par exemple, Zyriab 6.7 a été salué par la critique, certains l’ont même qualifié d’album du siècle. Cela montre que l’on peut innover tout en respectant la tradition. Mais j’aime aussi explorer de nouvelles directions, et c’est ce que je compte faire avec mon prochain album, qui sera très moderne. Pour moi, il est essentiel de vivre avec son époque tout en respectant l’héritage musical.
Blois Capitale : Vous jouez devant des publics très variés. Comment vous adaptez-vous, par exemple, entre un public andalou et un public potentiellement novice, comme à Blois ?
Juan Carmona : Je ne fais pas de différence. Quand je monte sur scène, je donne toujours 100 %, que ce soit en Andalousie, où le public connaît parfaitement les codes du flamenco, ou à Blois, où les gens sont peut-être moins initiés. Mon approche reste la même. Je pense que la modernité de ma musique attire les novices, tandis que la tradition rassure les connaisseurs. Cela crée un équilibre, et c’est ce qui me permet de toucher différents types de publics à travers le monde.
JUAN CARMONA QUINTET [flamenco] +1ère partie : Mirtohid RADFAR [musiques iraniennes]
SAMEDI 12 OCTOBRE // 20H30 // MAISON de BEGON
Tarif adhérent : 8€ // Tarif réduit : 12€ // Plein tarif : 16€