Jean-Marc Aviolat : un maître du collage entre critique sociale et poésie visuelle

Jusqu’au 26 novembre 2024, la Galerie Dominique, 8 rue du Commerce à Blois, propose une exposition dédiée à l’art du collage (lire ici). À travers les œuvres de Nathalie Leroy et Jean-Marc Aviolat, deux artistes aux démarches aussi singulières que complémentaires, cette exposition explore le thème de l’humain au sein de son environnement.
Jean-Marc Aviolat, artiste basé à Chamonix, consacre son travail au collage, une technique qu’il élève au rang de langage artistique. À travers des œuvres réalisées à la main avec une minutie exceptionnelle, il explore des thèmes aussi divers que la ville, la mémoire et les métiers de montagne. Ses créations, chargées de symbolisme, questionnent sur les contradictions du monde moderne tout en proposant une réflexion poétique sur l’avenir.
Une technique artisanale et intuitive
Jean-Marc Aviolat privilégie une approche exclusivement manuelle pour ses collages. Chaque élément est découpé au cutter avec une précision extrême et intégré dans des compositions méticuleusement réfléchies. « Aujourd’hui, beaucoup de collages sont faits numériquement. Je tiens à ce que mes œuvres restent 100 % manuelles », explique-t-il. Cette démarche traduit son attachement à l’authenticité et au contact direct avec les matériaux.
Les fonds de ses collages sont souvent composés de ses propres photographies, prises au fil des années ou offertes par ses proches. Quant aux personnages, ils proviennent principalement de gravures anciennes, issues de magazines comme L’Illustration. « J’aime redonner vie à ces figures historiques. Elles contrastent avec mes fonds modernes et créent un dialogue entre passé et présent », précise l’artiste.
Le thème de la ville
Galerie Dominique, Jean-Marc Aviolat propose une série consacrée à la ville, thème des derniers Rendez-vous de l’histoire. L’artiste y explore les tensions entre l’urbanisation galopante et le bien-être humain. « Je ne suis pas un grand fan des villes. Elles sont souvent bruyantes, oppressantes, et parfois violentes », confie-t-il. Ses collages traduisent cette critique avec des compositions souvent sombres, où les couleurs vives se font rares. Cependant, il introduit aussi des éléments poétiques et oniriques pour tempérer cette vision. La lune, par exemple, revient fréquemment dans ses œuvres. « Pour moi, la lune représente un ailleurs possible, une espérance. Elle offre une échappatoire à l’oppression de la ville », explique-t-il.

Son œuvre Citadins en burn-out illustre parfaitement cette tension. On y voit un homme assis sur une chaise à deux pieds, en équilibre précaire, regardant une lune ou un globe posé à ses pieds. Derrière lui, la ville se dresse comme une entité menaçante. « Ce collage exprime une forme de mal-être urbain, mais laisse aussi place à l’interprétation », précise l’artiste.
Une inspiration guidée par les rêves
L’artiste puise une grande partie de son inspiration dans ses rêves. Certaines nuits lui dictent littéralement des idées qu’il réalise dès le lendemain, si les matériaux nécessaires sont disponibles. « Parfois, je rêve d’un tableau, et il faut que je le fasse. Si j’ai tous les éléments dans mes réserves, l’œuvre se fait presque automatiquement », raconte-t-il.
Cette intuition se mêle à une mémoire impressionnante de ses archives. Avec des milliers de photos et de documents dans son ordinateur, Jean-Marc Aviolat est capable de retrouver rapidement les éléments nécessaires à ses compositions. « Quand j’ai un thème, il y a quelque chose qui se passe, et je me rappelle immédiatement d’une photo ou d’un document qui correspond », explique-t-il.
Une réflexion critique sur l’environnement et l’histoire
Lors d’une exposition en haute montagne, le Savoyard a exploré les métiers liés à la montagne, questionnant leur avenir dans un contexte de changement climatique. « J’avais choisi des métiers emblématiques, comme celui de guide de montagne, mais je posais aussi des questions sur leur futur, alors que les glaciers fondent et que les paysages se transforment », explique-t-il.
Cette réflexion critique se retrouve également dans ses collages sur la ville. Parfois empreints d’ironie, ils dénoncent les excès de l’urbanisation tout en introduisant une dimension poétique. « J’aime avoir ce décalage entre mes collages et mes personnages. Ils viennent souvent de gravures anciennes, ce qui ajoute une dimension intemporelle à mes œuvres », souligne-t-il.
Un héritage familial et une tradition suisse
Jean-Marc Aviolat associe son goût pour le découpage à ses origines suisses. Sa famille, originaire du Pays d’Enhaut, une région célèbre pour ses découpages traditionnels, a peut-être influencé son approche artistique. « Ces découpages représentent des scènes rurales avec une minutie incroyable. Peut-être que cet héritage joue un rôle dans ma pratique », admet-il. Outre le collage, Jean-Marc a également exploré d’autres formes d’assemblages, notamment la sculpture sur bois. Cette pratique, fondée sur l’assemblage de différents matériaux, traverse toute son œuvre et reflète une recherche constante d’harmonie entre les éléments.
Un art entre mémoire et innovation
Chaque collage de Jean-Marc Aviolat est une mosaïque de souvenirs et de nouvelles histoires. « Quand je regarde mes œuvres, je voyage dans le temps. Chaque morceau me rappelle où j’ai pris la photo ou trouvé le document. Ces fragments deviennent des ponts entre mon passé et l’imaginaire », explique-t-il.
L’artiste aime également jouer sur la confusion des perceptions. Dans certaines œuvres, il est difficile de distinguer ce qui appartient à la réalité de ce qui relève de la composition artistique. « J’aime perturber le spectateur, brouiller les limites entre le vrai et l’imaginaire », confie-t-il.
L’exposition est visible jusqu’au 26 novembre 2024 à la Galerie Dominique.