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Pierre Allorant : « Le CESER doit être un levier de démocratie régionale »

Les futurs professionnels de santé du Loir-et-Cher sont déjà parmi vos proches !

Président du CESER Centre-Val de Loire, Pierre Allorant était en déplacement jeudi à Blois pour rencontrer des acteurs institutionnels du département. Dans cet entretien approfondi, il revient sur le rôle de cette assemblée consultative, son influence sur les décisions publiques, la participation citoyenne et les enjeux prioritaires pour la région.


« Une instance consultative qui éclaire les politiques publiques »


Blois Capitale : Le CESER est une institution méconnue du grand public. Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste son rôle ?

Pierre Allorant : Le Conseil économique, social et environnemental régional (CESER) est la seconde assemblée régionale après le Conseil régional. C’est une instance consultative composée de 100 membres, issus de quatre collèges : représentants des employeurs, syndicats de salariés, associations et personnalités qualifiées nommées par la préfecture. Notre rôle est d’émettre des avis et des recommandations sur les grandes décisions qui touchent notre territoire. Ces avis concernent des sujets très variés : l’économie, l’environnement, la formation, la santé, les mobilités, la culture, la transition écologique…

Nous sommes systématiquement consultés sur certaines décisions du Conseil régional, comme le budget ou les grands schémas d’aménagement. Nos avis ne sont pas contraignants, mais sans eux, ces décisions ne peuvent pas être adoptées légalement. Nous avons également la possibilité de nous autosaisir sur certains sujets lorsque nous estimons qu’ils nécessitent une réflexion approfondie. Enfin, nous jouons un rôle d’interface entre les citoyens, les institutions et les élus. Nous travaillons également en collaboration avec d’autres CESER en France, le CESE national et même le CESE européen pour apporter une vision plus large des enjeux territoriaux.


« La saisine citoyenne, un levier de démocratie participative »


– Blois Capitale : Vous parliez d’une possibilité de saisine citoyenne. Comment fonctionne ce dispositif ?

Pierre Allorant : Nous avons mis en place un mécanisme de participation citoyenne, permettant aux habitants de nous saisir directement. Pour qu’une demande soit étudiée, elle doit être accompagnée d’une pétition rassemblant 4 000 signatures, réparties sur au moins six départements de la région. Cette répartition garantit que la question posée concerne bien un enjeu régional et non une problématique strictement locale. Dès lors que ce seuil est atteint, nous examinons la demande au sein du bureau du CESER, qui est notre organe de gouvernance. Nous vérifions si le sujet relève bien de nos compétences et s’il présente un intérêt général pour la région. Si c’est le cas, nous lançons une étude qui peut durer de trois à six mois et aboutir à des recommandations concrètes.

– Blois Capitale : Avez-vous des exemples de saisines citoyennes qui ont eu un impact concret ?

Pierre Allorant : Oui, un des cas les plus marquants a été la saisine sur les hôpitaux en 2018. La pétition a recueilli plus de 60 000 signatures, portée notamment par la CGT hospitalière, et a mis en lumière les problèmes des déserts médicaux et la souffrance des soignants. Ce travail a contribué à une prise de conscience et à une mobilisation régionale, débouchant sur la décision de créer un deuxième CHU et une seconde faculté de médecine à Orléans.

Autre exemple, nous avons été saisis sur le projet d’autoroute A154 (Orléans-Chartres-Dreux). Avec 5 000 signatures, la pétition nous a permis de nous emparer du dossier et d’analyser ses impacts sur l’environnement et la mobilité. En revanche, nous constatons une baisse des saisines citoyennes ces dernières années. C’est dommage, car 4 000 signatures, ce n’est pas énorme. Et il suffit d’en obtenir 3 995 dans un département et 5 autres réparties dans le reste de la région pour qu’une demande soit recevable.

– Blois Capitale : Le maintien de l’offre culturelle pourrait faire l’objet d’une saisine citoyenne ?

Pierre Allorant : Tout à fait. La culture est une compétence partagée entre plusieurs niveaux de collectivités : la Région, les Départements et les Communes. Ce qui pose parfois des problèmes, car chacun peut se désengager en comptant sur les autres. Si un collectif citoyen mobilise 4 000 signatures pour demander une étude sur l’impact des politiques culturelles en région, nous nous en saisirions très probablement. Cependant, nous devons faire la distinction entre un problème local et une problématique régionale. Par exemple, si la demande concerne le maintien d’une salle de spectacle municipale, cela relève de l’échelon local. Mais si la question porte sur le financement des associations culturelles dans toute la région, la diffusion de la culture en milieu rural ou l’avenir des festivals, alors c’est une problématique qui peut être traitée à notre niveau.


« Travailler en synergie pour une meilleure gouvernance »


– Blois Capitale : Le CESER a-t-il une influence réelle sur les décisions politiques ?

Pierre Allorant : Nous avons un rôle consultatif, donc nos avis ne sont pas contraignants. Cependant, lorsque nous sommes associés en amont aux réflexions régionales, notre impact est significatif. Par exemple, sur la stratégie de l’économie sociale et solidaire, les circuits courts ou encore la formation aux métiers culturels dans le cadre de Bourges 2028, nos contributions ont été prises en compte. Sur certains sujets, notre expertise oriente directement les politiques publiques. C’est notamment le cas en matière de transition écologique, de mobilité ou d’attractivité économique. Nous avons produit plusieurs études sur la réindustrialisation, le ZAN (zéro artificialisation nette) et la gestion des ressources.

– Blois Capitale : Vous évoquez le ZAN. Quelle est la position du CESER sur cette question ?

Pierre Allorant : Le ZAN est un sujet délicat, car il faut concilier la préservation des terres agricoles et le développement économique. Nous plaidons pour une meilleure utilisation des friches industrielles et urbaines, plutôt que de consommer de nouveaux espaces naturels. Nous avons aussi pris position sur la logistique, en demandant qu’elle soit mieux intégrée aux infrastructures ferroviaires, plutôt que de multiplier les plateformes logistiques générant du trafic routier et de l’artificialisation des sols.

Pierre Allorant

« Une nécessaire coopération entre collectivités »


– Blois Capitale : On constate parfois un manque de coordination entre les collectivités. Quels sont les blocages ?

Pierre Allorant : Le véritable problème du millefeuille territorial, ce n’est pas tant qu’il y ait plusieurs niveaux de décision, mais que les différentes strates ne travaillent pas assez ensemble. Prenons l’exemple de la mobilité : nous avons travaillé sur le projet de services express régionaux métropolitains (SERM) de Tours et Orléans, qui devraient structurer les déplacements en région. Or, ce projet impacte aussi le Loir-et-Cher, avec des liaisons importantes vers Blois, Mer et Onzain. Pourtant, le Conseil départemental et Agglopolys ne sont pas pleinement intégrés aux discussions. Même constat sur la santé : nous étions la seule région à ne pas avoir de gérontopôle, une structure qui met en réseau les CHU, les facultés de médecine et les collectivités. Grâce à une initiative conjointe de la Région et des Départements, nous avons pu y remédier.


« Faire connaître le CESER et renforcer le lien avec les citoyens »


– Blois Capitale : Comment mieux faire connaître le CESER ?

Pierre Allorant : Notre priorité est de renforcer notre communication auprès des élus locaux. Nous avons déjà rencontré tous les parlementaires de la région et nous poursuivons notre travail auprès des maires et des associations. Nous voulons aussi que les acteurs économiques, sociaux et culturels sachent qu’ils peuvent nous saisir. Nous allons multiplier les outils numériques pour diffuser nos travaux et mieux expliquer notre rôle. Notre objectif n’est pas que chaque citoyen connaisse le CESER en détail, mais que ceux qui portent des projets ou des revendications régionales sachent qu’ils peuvent s’adresser à nous et mobiliser la démocratie participative à travers les saisines citoyennes.

– Blois Capitale : Quels sont les grands dossiers que le CESER traite actuellement ?

Nous avons plusieurs axes de travail prioritaires en ce moment. L’un d’eux concerne la réindustrialisation et la reconquête de souveraineté. Nous avons déjà travaillé sur l’économie circulaire et l’économie sociale et solidaire, et nous poursuivons nos réflexions sur comment encourager la production locale et l’innovation industrielle.

Nous menons également des études sur la mobilité régionale, notamment en lien avec les étoiles ferroviaires de Tours et d’Orléans et les projets de SERM (Services express régionaux métropolitains). Notre approche consiste à voir comment ces projets peuvent bénéficier à l’ensemble du territoire régional, y compris des villes intermédiaires comme Blois, Vendôme ou Romorantin.

Nous avons aussi engagé des travaux sur la stratégie de coopération internationale de la Région. L’idée est de maintenir des relations culturelles, éducatives et économiques avec des pays partenaires, même lorsque certaines de ces nations connaissent des crises politiques ou des dérives autoritaires. Il ne s’agit pas d’ignorer les réalités géopolitiques, mais de préserver les liens entre sociétés civiles, notamment dans les domaines de la culture, du sport et de l’éducation.

Enfin, un sujet important concerne l’attractivité du Centre-Val de Loire pour les jeunes diplômés. Beaucoup partent faire leurs études à Paris, Bordeaux ou Nantes, mais comment leur donner envie de revenir s’installer ici pour travailler et fonder une famille ? Cela passe par l’emploi, le logement, la qualité des services publics, l’accès aux loisirs… Nous avons une approche globale, car l’installation dans un territoire repose sur plusieurs facteurs.

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