40 ans après la découverte du VIH : la sérophobie persiste en France

En 2024, 40 ans après la fondation d’AIDES et la découverte du VIH, l’association a commandé une étude auprès de l’Ifop pour mieux comprendre les perceptions des Français sur le VIH/sida et les personnes séropositives. Malgré les avancées médicales, cette enquête montre que la sérophobie, un terme désignant la peur ou l’aversion envers les personnes séropositives, persiste encore fortement dans la société française.
Une méconnaissance persistante et inquiétante
L’étude, menée en juin 2024 auprès d’un échantillon représentatif de la population française, révèle un paradoxe saisissant : malgré des décennies de campagnes de sensibilisation et d’avancées médicales, la peur du VIH reste ancrée dans les mentalités. Ainsi, alors que les traitements modernes permettent aujourd’hui aux personnes séropositives de vivre avec une espérance de vie similaire à celle des personnes séronégatives et de ne plus transmettre le virus lorsqu’elles sont sous traitement, 77 % des Français pensent encore qu’il est possible d’être infecté par le VIH lors d’un rapport sexuel non protégé avec une personne séropositive sous traitement. Ce chiffre illustre une méconnaissance significative des réalités scientifiques actuelles.
Pire encore, moins de la moitié (49 %) des Français sont capables de faire la différence entre une personne séropositive et une personne atteinte du sida, contre 61 % en 1988. Cette confusion persiste malgré les efforts de vulgarisation autour des notions de « VIH » et de « sida ». L’étude révèle également que 24 % des sondés ignorent que les personnes sous traitement peuvent vivre aussi longtemps que les personnes séronégatives.
Des peurs inchangées depuis 1988
Les Français continuent d’associer le VIH à la peur de la contamination. En 2024, 38 % des personnes interrogées disent avoir peur « d’attraper le sida », un chiffre presque identique à celui de 1988 (39 %). Ce constat est d’autant plus troublant que les traitements actuels permettent de réduire drastiquement la transmission du virus. La méconnaissance sur l’efficacité des traitements reste un frein à la compréhension et à la normalisation de la séropositivité.
Stigmatisations et discriminations toujours présentes
En dépit des progrès thérapeutiques, les préjugés et stigmatisations envers les personnes séropositives demeurent. Selon l’étude, 14 % des Français déclarent être mal à l’aise à l’idée de fréquenter le même cabinet médical qu’une personne séropositive, 16 % à l’idée d’avoir un-e collègue séropositif-ve, et 21 % ressentiraient une gêne à l’idée que l’enseignant-e de leur enfant soit porteur-se du virus. Ces résultats soulignent un rejet latent et persistant dans la société.
Plus alarmant encore, 11 % des Français pensent qu’il serait nécessaire d’isoler les personnes atteintes du sida, un taux certes en baisse comparé à 1988 (24 %), mais qui reste préoccupant. Cette stigmatisation touche particulièrement les plus jeunes, avec 17 % des moins de 35 ans soutenant cette idée. La sérophobie est ainsi un véritable frein à l’intégration sociale des personnes vivant avec le VIH et nourrit un sentiment d’exclusion.
Le rôle central de l’information
Pour Camille Spire, présidente de AIDES, ces résultats sont un signal d’alarme : « Les Français manquent encore cruellement de connaissances sur le VIH/sida et sur la vie avec le virus. Grâce à l’efficacité des traitements, nous savons aujourd’hui qu’une personne séropositive sous traitement et qui a une charge virale indétectable ne transmet pas le virus à ses partenaires, même lors d’un rapport sexuel non protégé par un préservatif ! ». Elle rappelle que cette méconnaissance contribue à la persistance des discriminations et freine le dépistage, pourtant essentiel pour éradiquer l’épidémie.
40 ans de lutte : quels enjeux pour demain ?
Alors que l’épidémie de VIH/sida en France est contenue, elle n’est pas encore vaincue : près de 200 000 personnes vivent avec le VIH, dont 24 000 qui ignorent encore leur statut. Les progrès scientifiques ont permis d’améliorer la qualité de vie des personnes séropositives, mais la société n’a pas évolué au même rythme que la recherche. L’étude montre qu’il reste beaucoup à faire pour combattre les idées reçues et normaliser la séropositivité.
À l’occasion de ses 40 ans, AIDES appelle à une mobilisation renforcée de l’État et des acteurs publics pour en finir avec le VIH et mettre un terme aux discriminations. « Nous disposons des outils pour remporter cette bataille », affirme Camille Spire, appelant à une action immédiate et à une volonté politique forte pour mettre fin à l’épidémie d’ici les prochaines décennies.
L’étude donc met en lumière des défis : rétablir la vérité sur le VIH, sensibiliser et informer une population encore mal informée, et surtout, lutter contre la sérophobie, qui reste un obstacle important à l’intégration des personnes séropositives dans la société.