Centre-ville et commerce… Nicolas Orgelet propose une mutation

L’aménagement des centres-villes est au cœur des débats urbanistiques. Nicolas Orgelet, vice-président d’Agglopolys à la transition écologique, co-président du groupe écologiste, et conseiller municipal, nous éclaire sur la vision qu’il porte sur la densité en centre-ville et au sujet de la place du commerce dans cet espace.
« Beaucoup de villes fonctionnent sur ce système : un centre-ville piéton avec en rez-de-chaussée des magasins de grandes enseignes internationales, des restaurants, des banques, assurances ou agences immobilières, et à l’étage des façades historiques restaurées cachant des habitations vides et insalubres. Ce qui fait parfois ressembler les centres-villes à une sorte de décor de cinéma et non pas à des quartiers vivants, observe Nicolas Orgelet. Force est de constater que ce système bien imparfait est éloigné des principes du droit au logement, de l’accessibilité des loyers, ou encore de la préservation des services publics de proximité (poste, médecins, etc.). » L’élu invite donc à réfléchir dès maintenant au centre-ville que nous désirons voir advenir demain.
« Coté densification, il y a des enjeux dans de nombreux quartiers où il faut faciliter le rehaussement des logements, le sarking des toitures (isolation par l’extérieur), la division des grands logements. Les parcs d’activités aussi doivent se réinventer, pour mutualiser les parkings, les bureaux, repenser des usines qui ne soient pas toujours de plein pied, là encore les possibilités sont nombreuses et peuvent être inventives, assure l’écologiste. Le droit à expérimenter me semble une perspective enthousiasmante. »
« Nous nous heurtons souvent à l’indifférence des propriétaires »
Mais une chose est claire à ses yeux, le cap n’est pas à la densification d’un centre-ville déjà dense. Surtout « qu’il faut aussi y préserver des espaces de nature, d’autant plus essentiels dans une ville dense pour le bien-être des habitants comme pour la préservation de la biodiversité, du cycle de l’eau, etc. » souligne Nicolas Orgelet. « Il s’agit plutôt dans le centre de remettre sur le marché les logements vacants, insalubres, ou captés en trop grosse quantité par le tourisme. Il faudrait réhabiliter les logements vacants pour que des habitants puissent venir vivre en centre ville. Nombre d’entre eux ne sont pas occupés parce qu’ils sont délaissés par leurs propriétaires. Un gros travail de recensement et de sensibilisation est en cours depuis près de deux ans pour retrouver de l’espace habitable en centre-ville mais nous nous heurtons souvent à l’indifférence des propriétaires.«
Et d’ajouter : « Sans doute, n’échapperons-nous pas à des mesures plus coercitives en direction des spéculateurs immobiliers, qui devront aussi s’accompagner de mesures incitatives. Cela pour simplifier et massifier les démarches de rénovation et de remise sur le marché des logements. »
Une révolution en termes de commerce
Mais la mutation ne se limite pas à l’habitat. La dynamisation commerciale est aussi un enjeu majeur. « Le même travail doit être fait sur les commerces pour redonner accès aux commerçants de proximité à des cellules commerciales à loyer accessible« , nous dit Nicolas Orgelet. « Le système de grandes enseignes installées en périphérie dans d’immenses hangars avec de grands parkings et qui imposent l’usage de la voiture conjugué à une artificialisation foncière démesurée, n’est pas souhaitable. Pour ralentir la fuite des consommateurs vers les périphéries, il faudrait qu’un centre-ville puisse proposer produits et services dans de plus nombreux domaines, à des prix raisonnables. Pour que de tels commerces puissent s’installer en centre-ville, il est indispensable que les loyers proposés soient eux aussi raisonnables, or aujourd’hui ce n’est pas le cas pour tous les locaux commerciaux. Logements, commerces, je crois que dans un cas comme dans l’autre, les pouvoirs publics doivent se donner les moyens d’acheter des logements, commerces ou immeubles, pour les rénover, les remettre sur le marché et faciliter l’accès des opportunités du centre-ville au plus grand nombre.«
Réinventer des héritages
Il finit sur une note positive et prospective, évoquant l’importance de préserver certains héritages : « La difficulté du commerce est aussi que tout change très vite. La concurrence de l’e-commerce et la modification des modes de consommation contribuent à tuer le commerce de proximité, mais les tensions géopolitiques, le coût de l’énergie et les enjeux climatiques pourraient tout à fait nous inciter à revenir vers des commerces d’hyper proximité. Vivra-t-on un jour le retour en force des couturiers, cordonniers, et de l’artisanat local ? Peut-être dans une forme nouvelle, la vie n’étant que cycle et réinvention. Il y a, à mon sens, certains héritages historiques propres à la France qu’il faut prioritairement favoriser tels que les marchés. Ces moments de vente éphémères permettent à de nombreux petits commerces de faire de la vente directe. Ce sont aussi des lieux d’échanges, de lien social. »