Collage sauvage à Blois : la loi Duplomb dans le viseur

Dans la nuit du lundi 15 au mardi 16 juillet, des affiches ont été placardées dans plusieurs rues de Blois. Que ce soit sur la passerelle de la gare, en hypercentre ou vers la Halle aux grains, ces collages sauvages veulent rappeller aux passants quels députés ont soutenu la loi dite Duplomb, récemment adoptée par l’Assemblée nationale. À Blois, l’action cible notamment Marc Fesneau, ex ministre de l’Agriculture et député MoDem du Loir-et-Cher (1er circonscription), identifié comme l’un des artisans de ce texte controversé. Comme lui, les deux autres députés du département, Christophe Marion (Ensemble pour la République) et Roger Chudeau (Rassemblement National), ont également voté pour.
La loi, définitivement adoptée le 8 juillet après un vote majoritaire des députés, autorise à nouveau l’utilisation de l’acétamipride, un pesticide de la famille des néonicotinoïdes interdit en France depuis 2020. Elle entend, selon ses promoteurs, alléger les contraintes pesant sur les agriculteurs, mais provoque une levée de boucliers dans le monde scientifique, médical, environnemental et au sein même du secteur agricole. Dans un climat d’alerte écologique, cette réintroduction est perçue par ses opposants comme une régression assumée.
Le texte est également critiqué pour son impact sur la biodiversité, en particulier sur les milieux aquatiques. La Fédération nationale de la pêche en France alerte sur le risque accru de pollution des nappes phréatiques, la fragilisation des cours d’eau déjà en mauvais état, et les conséquences de certaines dispositions sur la gestion de l’eau. L’organisation s’inquiète d’un affaiblissement des garde-fous environnementaux, notamment en matière de projets de stockage comme les méga-bassines.
Peu après l’adoption du texte, un décret du Premier ministre est venu confirmer les craintes d’un contournement de la régulation scientifique. Ce texte réglementaire confère au ministère de l’Agriculture la possibilité de fixer une liste de substances à étudier en priorité par l’Anses, l’agence nationale de sécurité sanitaire en charge de l’évaluation des pesticides. Bien qu’encadrée par un plafond de 15 % des usages référencés, cette nouvelle architecture soulève de vives inquiétudes sur l’indépendance de l’évaluation, plusieurs scientifiques dénonçant une influence politique directe sur un organe censé être autonome.
La loi Duplomb fait par ailleurs l’objet d’une double saisine du Conseil constitutionnel. Plusieurs groupes parlementaires de gauche ont déposé un recours le 11 juillet. Ils contestent à la fois la procédure d’adoption du texte, marquée par une motion de rejet préalable qui a court-circuité le débat parlementaire, et le fond de plusieurs dispositions qu’ils jugent contraires à la Charte de l’environnement et aux principes constitutionnels de précaution, de non-régression et de protection de la santé publique.

Ces recours dénoncent également l’absence de cadre juridique strict pour les dérogations autorisant l’usage de l’acétamipride, ainsi que des atteintes à la participation du public dans les enquêtes environnementales, notamment en matière d’élevage et d’irrigation. Le Conseil constitutionnel dispose d’un mois pour se prononcer.

À Blois comme ailleurs, les réactions prennent une forme directe et visible. Ce type de collage sauvage, s’il est marginal, témoigne d’une opposition diffuse mais déterminée. Il s’inscrit dans une mobilisation plus large, portée par des citoyens, des collectifs professionnels, des ONG, et un nombre croissant de scientifiques qui dénoncent la réorientation assumée de la politique agricole au profit d’un modèle productiviste, au détriment de la protection de l’environnement et de la santé.
