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Des centres-villes face à la « décommercialisation »

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Longtemps vitrine de la vitalité urbaine, le commerce de centre-ville traverse aujourd’hui une crise structurelle. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Selon Codata, le taux de vacance des commerces de pied d’immeuble est passé de 5,94 % en 2004 à 10,85 % en 2024, sur un panel de 390 communes de plus de 15 000 habitants. La fédération Procos confirme : 10,64 % de vacance en 2024, contre 9,73 % l’année précédente. Dans certaines rues, la succession de vitrines vides et poussiéreuses illustre concrètement cette tendance.

L’habillement en première ligne

Le secteur du textile est particulièrement frappé. Codata recense 886 fermetures nettes entre 2004 et 2024. L’Institut français de la mode rappelle qu’en 2024, 29,4 % des ventes d’habillement se sont faites en ligne, dominées par Amazon, Vinted et Shein. Le commerce physique se voit ainsi dépossédé de son cœur de marché.

La restauration en léger regain

Dans ce tableau sombre, quelques contre-tendances existent. Codata observe des ouvertures nettes de cafés et restaurants en 2024. Pour le journaliste Olivier Razemon, cela révèle un besoin persistant de lien social : « il n’y a rien de mieux que le centre-ville pour y parvenir ». Procos tempère en notant un recul de 1,3 % du chiffre d’affaires en restauration, mais reconnaît que le secteur reste un pilier d’attractivité.

Périphérisation et e-commerce : les deux lames de fond

La crise du commerce de centre-ville s’enracine dans un processus ancien. Le géographe Laurent Chalard (via Terram) rappelle que l’étalement urbain a contribué à vider les cœurs de ville. La population croît plus vite dans les communes périurbaines, où s’est installé l’idéal pavillonnaire. Dans ces territoires, les 1 500 zones commerciales périphériques recensées captent désormais 72 % des dépenses en magasin des Français.

À ce phénomène spatial s’ajoute la poussée numérique. Depuis la pandémie, l’achat en ligne est devenu une norme : 73 % des Français commandent au moins une fois par mois, selon OpinionWay. Comme une « néodomesticité électronique », selon le sociologue Julien Damon, qui compare la livraison à domicile aux domestiques d’autrefois.

Les commerçants doivent en outre faire face à des loyers en hausse constante. L’indice des loyers commerciaux (Insee), base 100 en 2008, atteignait 134,4 fin 2024.

Une fracture sociale et territoriale

La décommercialisation produit des effets au-delà du simple tissu économique. Le Conseil d’analyse économique soulignait dès 2020 que la mobilisation des Gilets jaunes avait été particulièrement forte dans les villes moyennes en déclin démographique et commercial. Les fermetures alimentent un sentiment d’abandon et une « vacance relationnelle », comme le décrit Victor Delage de l’Institut Terram : en perdant ses commerces, le centre-ville perd aussi ce tissu informel du quotidien.

La crise ne touche pas seulement les boutiques existantes. Le modèle même de production d’espaces commerciaux est en reflux. Les commissions départementales d’aménagement commercial (CDAC) ont délivré seulement 470 000 m² de surfaces en 2024, contre 1,3 million en 2019. En cinq ans, les autorisations ont chuté de 67 %, un plancher inédit. Le stock de projets recule dans les mêmes proportions : cinq fois moins de surfaces recensées qu’il y a cinq ans.

Les collectivités en première ligne

Les collectivités territoriales se retrouvent au cœur de l’équation. Elles disposent de leviers stratégiques (plans directeurs), fonciers (portage de locaux), financiers (mobilisation d’Action Cœur de Ville, Petites Villes de Demain, Fonds vert), mais aussi politiques. L’association Villes de France réclame une révision de la taxe sur les locaux vacants et la recréation d’un outil similaire à l’ancien Fisac, supprimé en 2019. L’avenir du commerce de proximité passe par une intervention publique structurante, à la hauteur du défi.

Deux trajectoires se dessinent. La première, celle du déclin, prolongerait la vacance et la désertification, accentuant la fracture sociale. La seconde, plus ambitieuse, chercherait à transformer la crise en opportunité : soutenir les indépendants, requalifier, hybrider logements et commerces, faire du numérique un levier d’attractivité. À condition de construire une stratégie collective, le commerce de centre-ville peut redevenir un laboratoire de la transition économique et sociale, ancré dans les territoires et au service du lien urbain.

Les nouvelles attentes des consommateurs dessinent une orientation claire : ils se tournent davantage vers les circuits courts et les produits locaux, privilégiant artisans, producteurs et commerces indépendants. Ce mouvement s’accompagne d’un intérêt croissant pour les enseignes engagées dans la transition écologique, qu’il s’agisse de démarches zéro déchet, d’économie circulaire ou d’éco-conception. Au-delà des produits, l’expérience vécue en magasin prend une importance décisive : conseil personnalisé, fidélisation et création de lien social deviennent autant de critères différenciants, révélant que le commerce de proximité conserve un rôle essentiel dans la vie urbaine.

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Un commentaire

  1. Réhabiliter les logements du centre-ville pour y augmenter le nombre d’habitants de ces quartiers et créer des commerces de bouche sont tout aussi important pour recréer une vraie vie de quartier et maintenir un lien social. On ne peut pas faire vivre le centre-ville qu’avec des commerces de vêtements et des restaurants.
    Puisque nous constatons une hausse forte des commandes internet, pourquoi ne pas réfléchir à contrecarrer ce constat. Il me semble que les gens ne commandent pas tous sur les drives ou sur Amazon 😉 pour remplir leur frigo.

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