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Extension du golf des Bordes : une mobilisation citoyenne face à un projet controversé

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Le vendredi 10 janvier 2025, une réunion publique s’est tenue à la salle municipale Marcel Deschâtres, à Saint-Laurent-Nouan, afin de discuter du projet d’extension du golf des Bordes. Ce projet, initié par le fonds d’investissement anglo-saxon RoundShield Partners, suscite une forte opposition locale si on se fie à la foule qui s’est pressée à la réunion organisée par le collectif « Stop à l’extension du golf des Bordes », soutenu par des associations et des citoyens engagés.

Un projet de luxe dans une zone protégée

Le projet qualifié d’écocidaire prévoit l’artificialisation au global de 150 hectares en pleine forêt de Sologne, dans une zone classée Natura 2000 et inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO. Il s’agit d’un complexe hôtelier et résidentiel de luxe, comprenant notamment : un hôtel 5 étoiles de 85 chambres, 70 résidences hôtelières et 52 villas de luxe de 200 à 600 m², vendues à partir de 3 millions d’euros chacune, 79 villas familiales au prix minimum de 1,7 million d’euros, un spa, des piscines, des magasins privés, des étangs de pêche, des aires de jeux et un centre équestre. Les travaux doivent se dérouler en six phases, dont trois ont déjà obtenu un accord préfectoral en 2020. Les permis de construire ont été délivrés, mais le projet n’a pas encore été pleinement réalisé, notamment en raison de délais administratifs.

Une opposition ferme et organisée

L’opposition au projet est portée par le collectif « Stop à l’extension du golf des Bordes », rassemblant des associations locales comme Sologne Nature Environnement, À Bas le Béton et Luttes Locales Centre, ainsi que des riverains et militants écologistes. Parmi les intervenants de la réunion publique figuraient Yves-Marie Hahusseau, conseiller municipal de Saint-Laurent-Nouan et membre de l’association Engagement Citoyen, Katherine Fauvin, membre fondatrice de Luttes Locales Centre, et Noé Petit, président de l’association À Bas le Béton. L’élu écologiste Nicolas Orgelet faisant le « Monsieur Loyal » à cette occasion.

Yves-Marie Hahusseau : « Informer, échanger et mobiliser »

Habitant de la commune, Yves-Marie Hahusseau a introduit la réunion en rappelant les objectifs de son association : informer la population et créer un espace de réflexion collective sur les projets impactant le territoire. Selon lui, le projet d’extension du golf des Bordes nécessite une mobilisation urgente, car « participer à une enquête publique, c’est d’abord comprendre le dossier en profondeur, et cela peut être très complexe ». Il a souligné l’importance d’apporter de la transparence au débat et d’agir avant que le projet ne devienne irréversible : « Il ne faut surtout pas être défaitiste. Nous avons déjà réussi à stopper le projet de golf des Pommereaux en 2022 grâce à la mobilisation citoyenne. Cela prouve que l’action collective peut porter ses fruits. »

Katherine Fauvin

Katherine Fauvin : « Un projet mal préparé et juridiquement fragile »

Katherine Fauvin a retracé l’historique du golf des Bordes, depuis sa création dans les années 1980 jusqu’à son rachat par le fonds d’investissement RoundShield Partners en 2019. Elle a rappelé que ce projet d’extension avait déjà échoué une première fois en 2012, faute de rentabilité.

Elle a ensuite évoqué l’avis rendu en mars 2020 par la Mission Régionale de l’Autorité Environnementale (MRAe) sur la première demande de défrichement. Selon Katherine Fauvin, cet avis, bien que favorable au projet dans sa globalité, comportait de nombreuses réserves importantes. La MRAe avait notamment relevé des lacunes dans l’évaluation de l’état initial de la biodiversité et pointé une analyse insuffisante des impacts du projet sur l’environnement. Elle avait également critiqué la description trop sommaire des principaux effets du projet et la légèreté de l’étude concernant les mesures compensatoires proposées. Par ailleurs, des préoccupations avaient été exprimées sur des questions aussi cruciales que la consommation en eau, le risque accru d’incendie et les conséquences sur les transports.

Pour Katherine Fauvin, ces réserves montrent bien que le dossier présente d’importantes fragilités juridiques. Celles-ci peuvent devenir des leviers d’action efficaces pour contester le projet. Elle a insisté sur le fait que, malgré l’apparente solidité du projet sur le plan administratif, il reste encore de nombreuses possibilités de lutte, d’autant que les failles relevées par la MRAe ne semblent pas avoir été corrigées dans la nouvelle demande d’extension de 91 hectares déposée en 2024.

Elle a également souligné un point particulièrement polémique : la participation financière de la Banque des Territoires, qui soutient le projet à hauteur de 40 % des 180 millions d’euros nécessaires à sa réalisation. Katherine Fauvin a dénoncé cette implication publique dans un projet purement privé, destiné à une clientèle ultra-privilégiée. Elle a rappelé que cet argent public aurait pu être investi dans des projets véritablement utiles à la population locale, comme la rénovation des écoles ou des infrastructures liées à la transition écologique. Pour elle, il est incompréhensible qu’un tel montant, destiné en principe à des projets d’intérêt général, soit mobilisé pour un complexe de luxe réservé à une élite.

En outre, les 91 hectares concernés par cette nouvelle demande de défrichement se trouvent en pleine forêt de Sologne, dans des secteurs classés Natura 2000 et intégrés au périmètre du patrimoine mondial de l’UNESCO. Ces zones bénéficient en théorie d’un haut niveau de protection en raison de leur rôle essentiel dans la préservation de la biodiversité. Elle a rappelé que le réseau Natura 2000, mis en place par les États membres de l’Union européenne, vise à protéger les habitats naturels et les espèces animales et végétales les plus menacées. Même si ce dispositif n’interdit pas les activités humaines, celles-ci doivent obligatoirement intégrer le principe de développement durable, ce qui, selon elle, n’est pas le cas ici.

Noé Petit

Noé Petit : « Un projet démagogique sous couvert de création d’emplois »

Noé Petit, président de l’association À Bas le Béton, a commencé son intervention en dénonçant l’argument souvent avancé par les porteurs de projet : la création d’emplois. Selon lui, cet argument est régulièrement utilisé de manière démagogique pour justifier des projets qui vont à l’encontre de l’intérêt général. Il a insisté sur le fait que l’emploi est un sujet sensible, surtout dans des territoires marqués par des crises économiques et un fort taux de chômage, où chaque opportunité de travail peut sembler attrayante. « On nous dit que ce projet va créer des emplois, et pour des personnes en recherche d’emploi, c’est compréhensible de se dire que cela peut être une chance. Mais il faut distinguer les promesses des faits. Les promesses ne sont jamais tenues dans leur totalité », a-t-il expliqué.

Pour appuyer son propos, il a pris l’exemple des plateformes logistiques de e-commerce qui fleurissent dans la territoire. À chaque nouveau projet, les promoteurs annoncent des centaines d’emplois. Pourtant, une fois les infrastructures construites, la réalité est bien différente : « On nous promet 400 emplois, et cinq ans plus tard, quand on visite l’entrepôt, il y a à peine 80 personnes qui y travaillent. Est-ce que 80 emplois, c’est rien ? Non, bien sûr, c’est toujours quelque chose. Mais ce n’est pas ce qu’on nous avait vendu au départ. Il y a toujours un écart énorme entre les chiffres avancés et la réalité. »

Pour lui, les chiffres avancés pour le golf des Bordes sont tout aussi infondés. Il considère totalement déraisonnable d’affirmer que ce projet pourrait compenser la fermeture de la centrale nucléaire voisine en termes d’emplois, et il voit dans cet argument une pure stratégie de communication destinée à jouer sur les peurs. « On nous agite le spectre du chômage, comme si c’était la plus grande menace qui pèse sur le territoire. Mais on devrait aussi s’interroger sur une autre menace, tout aussi importante : que fera-t-on demain s’il n’y a plus de forêt ? »

Il a également tenu à rappeler que le projet d’extension représente un investissement colossal de 180 millions d’euros, financé en grande partie par de l’argent public via la Banque des Territoires, à hauteur de 40 %. « Avec une telle somme, on aurait pu financer des projets d’intérêt collectif : la rénovation des écoles, la réhabilitation des bâtiments publics, ou encore des initiatives en faveur de la transition écologique. Au lieu de cela, on choisit de construire un golf de luxe réservé à une poignée d’ultra-riches. C’est un choix absurde et profondément injuste. »

Noé Petit a ensuite pointé un autre problème majeur lié à ce type de projet : le ratio d’emplois créés par hectare artificialisé, qu’il juge dérisoire. Il a expliqué que dans le cas d’une usine ou d’une plateforme de production, une surface relativement limitée peut générer de nombreux emplois. En revanche, dans le cas d’un complexe de golf, on étend les infrastructures sur des dizaines, voire des centaines d’hectares, pour créer très peu de postes. « Le ratio d’emplois par hectare est ridiculement faible. Ici, on parle d’un projet qui va s’étendre sur 150 hectares, et tout ce qu’on va obtenir, ce sont quelques postes pour entretenir les pelouses, arroser le gazon et servir des cocktails à une clientèle ultra-privilégiée. Ce n’est pas ce qu’on peut appeler une création d’emplois utile pour la société. »

Sur la partie commerciale du projet, Noé Petit a dénoncé le caractère exclusif de ce « village » censé créer du dynamisme local. Selon lui, cette infrastructure ne profitera pas aux habitants de la commune, mais sera réservée à une clientèle extérieure très aisée : « On parle de création de commerces, mais il ne faut pas se méprendre. Ce village ne bénéficiera pas aux habitants. Ce sera un lieu fermé, totalement excluant, réservé aux ultra-riches. Les citoyens de Saint-Laurent-Nouan ne verront aucun bénéfice de ces commerces. »

Il a conclu son intervention en rappelant que malgré l’apparente avance du projet, il est encore possible de le stopper, à condition de ne pas se résigner. « À chaque fois qu’un projet de ce type émerge, on nous dit que tout est déjà signé, qu’il n’y a rien à faire. Mais c’est faux. Il est possible de déposer des recours juridiques, et on peut gagner. Nous vivons encore dans un État de droit, et les lois existent pour protéger l’intérêt général. Mais elles ne s’appliquent pas toutes seules : il faut des citoyens engagés, qui surveillent, dénoncent et agissent. »

Il a également insisté sur la nécessité d’une forte participation à l’enquête publique à venir, en soulignant que les avis citoyens comptent dans ce type de procédure : « Ce soir, nous sommes presque aussi nombreux que les futurs propriétaires des villas de luxe prévues dans ce projet. Si nous restons mobilisés, nous pouvons réellement faire pression et empêcher ce projet de voir le jour. »


Des voix dissonantes

Dans le nombreux public de cette réunion publique, deux têtes ont émergé pour prendre la parole. D’abord, Isabelle Sautenet, directrice des relations extérieures de la société Les Bordes Golf International, se présentant comme une simple salariée. Elle a voulu insister sur les efforts réalisés en matière de gestion environnementale. Elle a précisé qu’un écologue travaillait à temps plein sur le site et que des actions concrètes avaient été entreprises, notamment la réhabilitation de zones humides et la réalisation régulière d’inventaires faunistiques et floristiques : « Récemment, nous avons constaté une augmentation du nombre d’espèces d’oiseaux présentes sur le site, passant de 58 à 78 espèces. Nous avons également découvert 10 nouvelles espèces de libellules. Si le site était véritablement un désastre écologique, ces résultats ne seraient pas possibles. Je vous invite à venir voir par vous-même. »

Face aux interruptions et accusations de greenwashing lancées par des membres du public, elle a répondu : « Je ne dis pas que le projet est parfait, je vous donne simplement des faits. » Sur le projet d’hôtel cinq étoiles, Isabelle Sautenet a confirmé que les travaux allaient débuter prochainement, les permis ayant été validés : « Il s’agit d’un hôtel de type écolodge, conçu pour minimiser l’impact environnemental. Il n’y aura pas de bétonnage massif, ce sont des constructions légères qui s’intègreront dans le paysage. »

C’est ensuite François Perronnet, géomètre impliqué dans ce projet qui a souhaité intervenir : « Les investisseurs ont choisi une station d’épuration respectueuse de l’environnement, et elle a été réalisée. Cela montre une vraie volonté d’évoluer vers des solutions plus écologiques. » Sur la question du défrichement des 91 hectares, il a opposé qu’il ne s’agirait pas d’une coupe à blanc, mais d’une démarche encadrée visant à préserver une partie de la végétation. François Perronnet a ensuite souligné que le golf des Bordes avait un standing : « Ce n’est pas un golf quelconque. Il est reconnu comme le meilleur en Europe depuis plus de 12 ans. Cela peut attirer une clientèle internationale et avoir des retombées économiques significatives pour le territoire. » Face aux critiques du public concernant le bilan carbone et l’arrivée de riches golfeurs en avion ou en hélicoptère, il a répondu qu’il ne fallait « pas tout mélanger »« Je ne vais pas vous parler de bilan carbone. Ce n’est pas mon rôle. Mais il faut reconnaître que ce projet, même s’il suscite des débats, peut apporter des bénéfices économiques réels. »

Concernant le financement par la Banque des Territoires, il a insisté sur le fait qu’il ne s’agissait pas d’une subvention, mais d’un investissement destiné à générer des bénéfices : « La Banque des Territoires n’est pas une organisation philanthropique. Si elle investit, c’est qu’elle a jugé le projet rentable après avoir mené des études approfondies. Et jusqu’à présent, aucun euro d’argent public n’a été dépensé sur ce projet. »

Un choix de civilisation

Suite à ces propos, Nicolas Orgelet, élu écologiste blésois, a proposé une réflexion à la fois sociale et écologique sur le projet d’extension du golf des Bordes. Il a commencé par dénoncer le sentiment d’injustice sociale que suscite ce type de projet. À ses yeux, il y a un contraste saisissant entre les exigences imposées aux habitants locaux en matière de gestion du foncier et les privilèges accordés aux futurs propriétaires des résidences de luxe : « On demande aux habitants des territoires d’apprendre à vivre sur des parcelles de 500 ou 600 m², en réduisant leur consommation de foncier, tandis que ceux qui ont les moyens peuvent s’offrir des résidences secondaires s’étendant sur plusieurs milliers de mètres carrés. Cela crée un profond sentiment d’injustice. »

Selon lui, cette différence de traitement contribue à alimenter des tensions sociales croissantes. Il a mis en garde contre les conséquences à long terme de telles inégalités : « Ce genre d’injustice sociale nourrit les incompréhensions et les frustrations. À terme, cela engendre des divisions profondes dans la société, et peut même conduire à des formes de rejet et de radicalisation. »

Sur le plan environnemental, Nicolas Orgelet a reconnu que l’artificialisation des 150 hectares ne signifiait pas nécessairement une coupe rase de l’ensemble de la surface concernée. Cependant, il a souligné que, même en l’absence d’un défrichement complet, l’impact écologique restait majeur : « On nous dit que ce ne sont pas 150 hectares qui vont être rasés, mais 150 hectares qui seront impactés. Même si on ne bétonne pas tout, ces impacts incluent la création de réseaux, de voiries, et la présence d’usagers qui vont venir perturber un site jusqu’alors naturel. Cela engendre un phénomène de mitage, c’est-à-dire une fragmentation des milieux naturels qui finit par les rendre moins fonctionnels. »

Il a insisté sur l’importance de la séquence ERC (Éviter, Réduire, Compenser), une démarche réglementaire à suivre dans tout projet d’aménagement pour limiter les impacts sur l’environnement. Selon lui, ce principe n’a pas été respecté dans le cas du golf des Bordes : « La première étape, c’est d’éviter de détruire un site. Or, ici, on aurait pu éviter de s’étaler sur autant d’hectares. » En ce qui concerne la compensation écologique, il a pointé les limites de cette approche souvent mise en avant par les promoteurs : « On nous dit qu’on va recréer des zones humides en compensation de celles détruites. Mais ce n’est pas aussi simple. Une zone humide recréée met des décennies à retrouver son équilibre écologique. En attendant, on détruit des milieux naturels dont nous avons besoin dès aujourd’hui, notamment pour des fonctions cruciales comme la rétention d’eau. »

Nicolas Orgelet a conclu son intervention en soulignant que ce type de projet reflète des visions de société divergentes. À ses yeux, il ne s’agit pas uniquement d’un débat sur un projet local, mais d’un choix de modèle de développement : « Ce projet semble anachronique à l’heure où l’on demande à chacun de réduire son empreinte écologique. Cela ne signifie pas que les porteurs du projet ne sont pas sincères ou ne croient pas en ce qu’ils font. Mais aujourd’hui, les temps ont changé, et nous devons repenser nos priorités en matière d’aménagement du territoire. »

Enfin, il a affirmé que, face à l’ampleur de l’impact environnemental prévu, un recours juridique serait déposé par les opposants au projet, non par esprit de confrontation, mais parce qu’il considère que l’artificialisation à grande échelle de milieux naturels ne peut plus être tolérée dans le contexte actuel d’urgence écologique.

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