Familles à la rue : la préfecture reste sourde, la Ville de Blois réagit

Ce mardi 11 février après-midi, une soixantaine de personnes se sont réunies devant la préfecture de Loir-et-Cher, à Blois, à l’appel de l’association Pas d’Enfant à la Rue 41. Objectif : obtenir une audience avec le préfet et dénoncer l’absence de solution pour six familles, dont des bébés de six mois, que l’association ne peut plus héberger faute de moyens.
Depuis des semaines, Pas d’Enfant à la Rue 41 assure la mise à l’abri de personnes en grande précarité, notamment en payant des nuitées d’hôtel. Mais la cagnotte citoyenne, seule ressource pour financer cet hébergement, est désormais quasiment épuisée. Stéphane Ricordeau, co-secrétaire de l’association, résume la situation sans détour : « Nous hébergeons 21 personnes à l’hôtel depuis deux ou trois semaines, pour une somme de 3 500 à 4 000 euros. On ne peut plus continuer. »
L’association avait pourtant alerté la préfecture précédemment, demandant à l’État d’assumer sa responsabilité en réquisitionnant des logements vides. « Personne ne pourrait comprendre que le premier représentant de l’État en Loir-et-Cher prenne la responsabilité de la surdité et de l’inaction », écrivait-elle alors. Face à l’urgence, une nouvelle demande d’audience a été envoyée lundi 10 février, soulignant que la date proposée par la préfecture – le 7 mai – était totalement inacceptable. « Il y a un temps pour discuter de situations urgentes, et un temps pour évoquer d’autres sujets à plus long terme. »
Des portes closes
Mais ce mardi après-midi, les portes étaient closes, et aucune réponse n’est venue de la préfecture. Ni le préfet ni le sous-préfet n’ont reçu les membres de Pas d’Enfant à la Rue 41, malgré leur insistance. « J’ai joint le secrétariat deux fois. Il n’y a strictement aucune réaction du sous-préfet ou de Monsieur le Préfet », rapportait Stéphane Ricordeau, amer, mais pas étonné. Et pas de message officiel, comme l’avait laissé entendre une source.

Aucune discussion n’a donc eu lieu entre la préfecture et les organisateurs du rassemblement. « Les plus pessimistes diront que ce n’est que la continuité de ce qui se passe depuis des semaines et des mois », lâche le co-secrétaire. Mais, malgré cette fin de non-recevoir, il assure que la mobilisation ne faiblira pas : « Il faut que Monsieur le Préfet sache – et nous le disons à la presse – qu’il n’y aura pas de trêve. Nous continuerons, malgré énormément de difficultés que nous ne cachons à personne. »
Une solution temporaire grâce à la municipalité
Face à l’inaction de l’État, la mairie de Blois a pris l’initiative de mettre à disposition une salle jusqu’à la fin du mois de février. « Elle a travaillé de son côté et nous a proposé cette salle pour éviter que ces familles ne se retrouvent dehors ce soir », précise Stéphane Ricordeau. Une solution minimale, qui ne règle pas les besoins essentiels des personnes concernées. Mais sans cette alternative, ces 21 personnes, six familles et onze enfants, dormiraient dehors dès ce soir.
Un refus de la Région sur les logements inoccupés
L’association a également exploré une autre piste pour loger ces familles : la mise à disposition des logements de fonction inoccupés dans certains lycées de Blois. Une demande portée auprès du Conseil régional, qui en a la compétence. Mais la rencontre avec une élue régionale, qui se tenait en parallèle du rassemblement, n’a rien donné. « Une entrevue non concluante, avec un refus gêné et embarrassé », relate Stéphane Ricordeau. « Nos interlocuteurs sont tétanisés par des questions de responsabilité, de légalité… ou plutôt d’illégalité, qu’ils n’arrivent pas à dépasser. » Un argument qu’il peine à comprendre, rappelant qu’au moment de l’accueil des réfugiés ukrainiens, ces considérations avaient été mises de côté. « Nous ne cherchons pas à opposer les situations, mais il faut reconnaître qu’à ce moment-là, les blocages juridiques n’existaient pas. »
Malgré les difficultés et les blocages institutionnels, l’association ne compte pas abandonner. « Nous allons continuer à nous appuyer sur tous ceux qui veulent bien nous aider. »
Dernière minute : Réponse du Service Départemental de la Communication Interministérielle
Dans un courrier adressé à l’association Pas d’Enfant à la Rue 41, le Service Départemental de la Communication Interministérielle a voulu préciser les compétences du préfet en matière d’hébergement d’urgence. Selon ce service, ces compétences s’exercent de manière subsidiaire par rapport à celles d’autres institutions publiques chargées de publics spécifiques, tels que les demandeurs d’asile ou les femmes enceintes ou isolées avec enfant de moins de trois ans.
Le courrier souligne également que, selon la jurisprudence du Conseil d’État, les ressortissants étrangers faisant l’objet d’une obligation de quitter le territoire français ou dont la demande d’asile a été définitivement rejetée n’ont, en principe, pas vocation à bénéficier du dispositif d’hébergement d’urgence.
On lit que malgré une augmentation de 147 % du nombre de places d’hébergement d’urgence financées par l’État entre 2017 et 2024, ces places sont actuellement entièrement saturées. Le service observe que des conditions de prise en charge plus souples que dans d’autres départements entraînent un afflux important vers l’agglomération blésoise de populations n’ayant aucun lien avec le Loir-et-Cher, venant dans le seul but de bénéficier de ces conditions plus généreuses.
Le courrier précise que des moyens complémentaires peuvent être mobilisés à titre exceptionnel pour faire face à des températures rigoureuses, conformément aux circulaires interministérielles relatives à la prévention et la gestion des impacts sanitaires et sociaux liés aux vagues de froid. Chaque année, il est dit qu’un comité de veille sociale réunissant l’ensemble des partenaires compétents est organisé, fin octobre ou début novembre, pour rappeler le dispositif envisagé pour la période hivernale.
Enfin, il est indiqué que, de manière générale et sous réserve du pouvoir d’appréciation du préfet, une vigilance « grand froid » jaune entraîne la mise en place de maraudes et de mises à l’abri ponctuelles des personnes les plus vulnérables. Les températures ressenties n’ont pas dépassé, à ce stade, lit-on, ce niveau au cours de l’hiver 2024/2025. À partir d’une vigilance orange, une mise à l’abri systématique et générale est envisagée, par exemple en mobilisant un gymnase, comme ce fut le cas l’hiver dernier.