Samuel Tasinaje : une peinture entre lumière et mystère à la Galerie Wilson

En ce mois de février 2025, la Galerie Wilson à Blois accueille les œuvres de Samuel Tasinaje, artiste aux multiples facettes. Longtemps absorbé par le théâtre et l’audiovisuel, il fait de la place à la peinture, renouant ainsi avec une passion née dans son enfance. Son travail actuel, exclusivement en noir et blanc, interroge le rapport entre lumière et obscurité, perception et réalité.
Dès l’entrée dans l’alcôve qui lui est dédiée à la Galerie Wilson, on est frappé par l’atmosphère singulière qui se dégage des toiles de Samuel Tasinaje. Ses œuvres, peintes sur des fonds noirs où seule la lumière est matérialisée à la peinture blanche, plongent immédiatement le regard dans un jeu subtil d’ombre et de clarté. Cette approche est le fruit d’une réflexion profonde sur la manière dont nous percevons le monde.

Une quête de lumière sur fond d’obscurité
Pour Samuel Tasinaje, la lumière n’est pas seulement un élément technique ou esthétique : elle est un sujet en soi, un phénomène à scruter, à déconstruire. « En fait, ce qui me fascine toujours, que ce soit dans la vie ou lorsque je réfléchis à l’univers, c’est qu’il y a très peu de lumière. Il y en a encore moins que ce que je mets dans mes toiles », explique-t-il.
L’obscurité, souvent perçue comme une absence, est pour lui un espace de réflexion. « La matière existe sans lumière. Ça, ça me fascine. Comme lorsqu’on pense à nos organes : on les imagine éclairés, alors qu’ils sont dans une obscurité totale. Tout ce qui est dans l’ombre conserve une part de mystère. »
Ce mystère, il le cultive dans ses peintures. Au lieu de dessiner l’ombre, comme il l’a fait pendant des années en crayonnant sur du papier blanc, il adopte aujourd’hui l’approche inverse. « Je peins la lumière. Je noircis mes toiles, ou j’achète des feuilles de papier Canson noires, et je ne peins que ce qui est éclairé. Comme il y a très peu de lumière dans l’univers, il reste beaucoup de zones d’ombre, et ces ombres conservent une part de mystère, où chacun peut projeter ce qu’il souhaite. »
L’influence du noir et blanc, Samuel Tasinaje la retrouve aussi dans le cinéma et la photographie, deux médiums qui ont marqué son parcours artistique. « J’ai toujours été attiré par les contrastes forts, par les chefs opérateurs qui travaillent en mono-source, avec une lumière unique qui sculpte l’image. » Ce goût du contraste est manifeste dans ses œuvres, où la lumière découpe les formes avec précision et confère aux scènes une aura presque cinématographique.

De la ville à la forêt : une exploration de l’imaginaire
Si ses premières toiles représentaient essentiellement des visages et des corps, aujourd’hui, Samuel Tasinaje s’oriente vers un tout autre univers : celui de la forêt et des êtres fantastiques qui l’habitent. Cette évolution s’ancre dans un changement personnel. « Moi qui suis un pur produit du bitume, je me ré-ancre aujourd’hui dans la terre. » Ses tableaux actuels mettent en scène des figures hybrides, à la lisière de l’humain et de l’animal. « J’ai eu envie de peindre des petits personnages qui réapprennent à vivre dans la nature, qui deviennent peut-être un peu des animaux. Ils ont des cornes, ce ne sont plus tout à fait des humains. »
Loin d’être une simple fantaisie, cette vision résonne avec des questionnements profonds sur notre rapport à l’environnement. « Il y a beaucoup de gens qui veulent sauver cette planète et qui passent par un retour à la nature. Notre civilisation est très « hors sol ». J’aime l’idée de représenter des personnages qui sont à la lisière de la forêt, qui ne peuvent plus en sortir, qui en font désormais partie intégrante. » La forêt devient ainsi un miroir de l’univers, un espace où s’entrelacent lumière et ténèbres, connu et inconnu. « Ce n’est pas forcément là que tout est né, mais c’est là que tout a évolué. Et puis, la forêt garde une part d’inexploré, tout comme les profondeurs marines, où la lumière joue un rôle clé. »
Une réflexion cosmique et philosophique
Par delà cette réflexion sur la nature, la peinture de Samuel Tasinaje touche à des interrogations plus vastes, sur la perception et la compréhension de l’univers. « Finalement, nous avons une vision très limitée de la réalité. Nous ne percevons que trois dimensions, alors que les scientifiques travaillent déjà sur l’existence d’autres dimensions. Il y en aurait peut-être 11 ou 12, voire plus. »
D’où l’importance de ce qu’il appelle le « mystère ». « J’aime le mystère, et j’aime qu’il reste mystérieux. Il ne faut pas forcément chercher à tout dévoiler. » Cette approche explique pourquoi ses œuvres laissent une grande place à l’interprétation. « J’aime que le spectateur puisse imaginer ce qui se cache dans l’ombre, se projeter dans ces silhouettes inachevées. »
Peindre la nuit, peindre la nuit
La démarche de Samuel Tasinaje s’ancre dans son quotidien. « Je peins la nuit… et je peins des nuits. » Cela lui impose une lumière artificielle qu’il apprécie. « La lumière du jour modifie trop ma perception des contrastes. Je préfère peindre avec une lumière stable. » Cette temporalité nocturne résonne avec son travail : ses toiles semblent suspendues entre veille et sommeil, entre réel et imaginaire.
L’exposition de Samuel Tasinaje est visible à la Galerie Wilson à Blois jusqu’au 1er mars 2025. Accès libre du mercredi au vendredi, de 14h à 19h, et le samedi de 10h à 19h. La galerie est accessible aux personnes à mobilité réduite.