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Gaston d’Orléans : le prince entre éclat et inachèvement

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Il fut à la fois l’enfant préféré, l’héritier espéré, le frère redouté, l’ennemi politique, le mécène fastueux, et le prince sans royaume. Gaston Jean-Baptiste de France, duc d’Orléans, naquit le 25 avril 1608, troisième fils d’Henri IV et de Marie de Médicis. À la mort d’Henri IV en 1610, son frère aîné Louis XIII n’avait que neuf ans. Le jeune Gaston devenait alors l’unique frère du roi, et, de ce fait, l’héritier présomptif de la couronne pendant près de trois décennies. L’absence de descendance royale lui conférait une position politique stratégique, à la fois honorée et jalousée. Dans l’ombre du trône, il incarna durant toute sa vie cette tension entre la proximité du pouvoir et l’impossibilité de l’exercer pleinement.

Héritier sans couronne

Ce statut d’héritier, Gaston le porta comme une promesse incertaine. La mésentente conjugale entre Louis XIII et Anne d’Autriche nourrissait l’espoir que jamais un dauphin ne viendrait rompre l’équilibre instable dont il tirait prestige et légitimité. En 1626, dans une tentative de le fixer dans l’ordre dynastique, Louis XIII lui octroya le duché d’Orléans et le comté de Blois à l’occasion de son mariage avec Marie de Bourbon, duchesse de Montpensier. De cette union naîtra Anne-Marie-Louise d’Orléans, la célèbre Grande Mademoiselle. Mais la mort précoce de son épouse en 1627 ne suffit pas à calmer les inclinations frondeuses d’un prince nourri d’idéaux d’indépendance.

Ce frère cadet, soutenu par sa mère Marie de Médicis, restait une figure centrale des intrigues de cour. À la fois choyé et manipulé, Gaston fut successivement utilisé, surveillé et écarté par son frère Louis XIII et surtout par le cardinal de Richelieu. Son opposition au régime du ministre favori le poussa à plusieurs conspirations. En 1632, il tenta de rallier à sa cause le duc de Montmorency contre Richelieu : la tentative échoua à Castelnaudary, Montmorency fut exécuté, et Gaston, gracié par son frère, s’en tira avec une réputation de traître irrésolu.

Un prince en exil

De cette aventure politique avortée naquit une réputation durable : celle d’un homme velléitaire, prompt à fomenter sans savoir soutenir, à se compromettre sans jamais triompher. Cette image, fixée notamment par les Mémoires du cardinal de Retz — qui voit en lui un « honnête homme sans courage » —, fut largement relayée par les historiens du pouvoir royal. Gaston d’Orléans devient alors l’antithèse du souverain : indécis, influençable, incapable de tenir tête à l’adversité.

Pourtant, la réalité de son action politique et culturelle mérite une lecture plus nuancée. Deux fois exilé en Lorraine et à Bruxelles, Gaston incarne avant tout une certaine idée du contre-pouvoir : il se marie sans l’aval du roi, revendique la liberté des Grands contre la centralisation monarchique, dénonce la « tyrannie » du cardinal et reste fidèle à une noblesse attachée à ses privilèges. En cela, il est moins un agitateur qu’un prince d’Ancien Régime, tiraillé entre tradition féodale et naissance d’un État moderne.

Le mécène de Blois

C’est dans son repli à Blois que Gaston d’Orléans laisse son empreinte la plus durable. Il s’installe dans le château dès 1634, et fait appel à l’architecte François Mansart pour en transformer la physionomie. L’aile qui porte son nom, édifiée en seulement trois ans, est l’un des premiers chefs-d’œuvre de l’architecture classique française : un pavillon central d’une grande rigueur géométrique, couronné d’un buste monumental, et un vestibule à coupoles emboîtées dont le raffinement sculptural est attribué à l’atelier de Michel Anguier et Simon Guillain. Mais en novembre 1638, peu après la naissance du futur Louis XIV, le chantier est interrompu. Gaston, désormais privé de toute ambition dynastique, voit les entrepreneurs fuir face aux retards de paiement d’un prince politiquement marginalisé.

Château royal de Blois
Château royal de Blois

Il n’en continue pas moins d’investir dans la ville : il fonde en 1657 l’Hôpital général du faubourg de Vienne, rénove l’Hôtel-Dieu et fait construire la chapelle des Jésuites, aujourd’hui église Saint-Vincent-de-Paul. Ces gestes sont autant philanthropiques que politiques : il y affirme sa proximité avec le peuple, sa foi catholique (non sans affinités jansénistes), et son désir de gouverner autrement.

Une passion pour les arts et les savoirs

Homme de goût et de culture, Gaston d’Orléans fut aussi un grand bibliophile, collectionneur et amateur de sciences. Il rassembla une bibliothèque d’au moins 1 300 ouvrages, enrichie de manuscrits rares, de médailles, de cartes et de curiosités naturelles. Il fit copier de nombreuses espèces de plantes sur vélin par le miniaturiste Nicolas Robert, et favorisa l’introduction dans ses jardins de cultures rares : tomates, tabac, pommes de terre. Dès 1635, son jardin botanique de Blois — supervisé par le savant Abel Bruyner — abritait plus de deux mille espèces.

Il protégea écrivains et dramaturges : Vincent Voiture, Claude Favre de Vaugelas, Tristan l’Hermite, l’abbé d’Ailly ou Madeleine Béjart figurent dans son entourage. Il assista à la création de La Mariane en 1636. Son mécénat ne se limitait pas à la dédicace : il créait autour de lui une véritable cour lettrée, où se croisaient jésuites, libertins, musiciens, poètes, botanistes. Le ballet, les fêtes et les mascarades faisaient partie de cette stratégie de représentation, héritée des fastes de la Renaissance, et prolongée jusque dans l’éphémère.

Un exil doré et mélancolique

Après l’échec de la Fronde, dont il fut l’un des animateurs ambigus, Gaston est assigné à résidence à Blois en 1652. Il ne tentera plus de revenir au pouvoir. De ce demi-exil, il fait un lieu de retraite active, de lectures, de soins aux plus humbles, de correspondance et de jardinage. Il s’installe dans l’aile François Ier du château, laissant l’aile Mansart comme une coquille vide. C’est là qu’il meurt, le 2 février 1660, âgé de 51 ans. À la fin de sa vie, il lègue sa bibliothèque et ses collections à Louis XIV. Ce legs enrichit la Bibliothèque royale, le Cabinet des médailles et le Muséum national d’histoire naturelle.

Une mémoire disputée

L’histoire ne fut pas tendre avec Gaston d’Orléans. Dès le XVIIIe siècle, il devient un anti-héros politique, caricaturé dans les mémoires apocryphes ou méprisé par Voltaire. Il faut attendre la monarchie de Juillet pour que son image soit réhabilitée : Louis-Philippe, soucieux de glorifier sa lignée orléaniste, fait exposer au château de Versailles son portrait par Van Dyck et le présente comme un précurseur libéral. Pourtant, Gaston n’a rien d’un révolutionnaire : il reste un prince d’Ancien Régime, attaché aux honneurs, aux formes, et à la dignité du rang.

Mais il incarne une autre figure du politique : celle du prince mécène, du protecteur éclairé, du souverain sans sceptre mais non sans grandeur. Dans les lettres de Jean de La Fontaine, il reste « ce bon duc d’Orléans que le peuple pleure encore », dont le règne fut « doux, tranquille et heureux ».


Sources : Pierre Gatulle, Gaston d’Orléans. Entre mécénat et impatience du pouvoir, Champ Vallon, 2012 ; Jean-Marie Constant (dir.), Gaston d’Orléans, Presses universitaires de Rennes, 2017 ; Georges Dethan, La Vie de Gaston d’Orléans, De Fallois, 1992 ; Cardinal de Retz, Mémoires, éd. Simone Bertière, Classiques Garnier, 1998 ;

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