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« La nuit du mouvement » à Point Zéro : une conversation en temps réel entre danse et peinture

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Vendredi soir, Point Zéro (263 rue Laënnec à Vineuil) a accueilli « La nuit du mouvement », une performance où la danseuse Clémence Beaufrère et le peintre Pierre Beaufils ont travaillé à vue, l’une dans l’improvisation chorégraphique, l’autre dans l’improvisation picturale. Ils ne se connaissaient que depuis trois ou quatre jours et ont réglé ensemble une partition simple : des temps de musique douce « où elle sait qu’elle peut prendre une pause, une pause figée », et des temps plus dynamiques « où elle a l’habitude d’improviser », explique Pierre Beaufils.

La danse : une grammaire vécue, un vocabulaire commun

Clémence Beaufrère a commencé « à l’âge de 3 ans » par la danse classique, avant d’explorer « les danses africaines, le dancehall, plus des choses urbaines ». À quinze ans, elle découvre la danse orientale : « je suis un peu tombée en amour de la danse orientale », dit-elle, et elle n’a « jamais arrêté ». Aujourd’hui, son terrain est multiple : tribal fusion« où l’on mélange la danse orientale et le contemporain », avec « les vagues de bras, les pop and lock » — et Fat Chance Bellydance, « né dans les années 80 aux États-Unis ». Ce dernier lui offre un vocabulaire de mouvements codés qui permet la semi-improvisation : « si demain je rencontre une danseuse mexicaine… on peut danser ensemble, parce qu’on a appris les mêmes mouvements et les mêmes clés ».

Point Zéro Vineuil

Ce qui l’a retenue dans la danse orientale tient à l’ancrage : « tous les mouvements de bassin qui viennent masser les entrailles… ce sont des danses qui font du bien au bassin, aux hanches, à l’intestin… Il y a vraiment un rapport à la féminité… pas seulement à ce qu’on montre : aussi à l’intérieur. » Son parcours a aussi laissé des traces flamenco : « j’aime bien toutes ces danses où on est un peu forte, ancrée en terre, ancrée dans son bassin… il y a la présence, on est un peu intimidante. »

Ce soir-là, dans l’école d’art qui a fait le plein, tout est impro. Toutefois, Clémence Beaufrère a choisi « les musiques sur lesquelles [elle] danse », des titres qu’elle « connaît bien », dont elle maîtrise « les rythmes » et « les enchaînements ». Elle joue d’outils — le sabre, le tambourin, les éventails — qui sont « un dialecte » ajouté au langage du corps. L’adresse au public demeure centrale : « on joue avec lui… on vient alpaguer le regard ». Mais la présence du peintre modifie l’orientation. Elle évite pourtant de regarder la peinture en cours : « ça m’a un peu déconcentrée une fois… il faut rester focus. »

Clémence Beaufrère

Au cœur de l’expérience, un état de flow : « on sait où sont placés les temps forts… on accentue un mouvement, on fait un clin d’œil au public », et, avec les fan veils, « on est dans le flow, on a plus tendance à lâcher prise ». Verdict : « c’était une expérience unique… si demain Pierre dit “on recommence”, je recommence. »

La peinture : quand le geste devient forme, lumière et accident

Côté peinture, Pierre Beaufils assume l’inconnu inhérent à ce type de performance : « J’aime bien, mais pas trop souvent, parce que ça demande de l’énergie, du stress, de la préparation mentale… et de l’inconnu. » Il parle d’une ascension : « Ça va faire un petit peu comme les coureurs cyclistes, avec des cols à monter… je crois que j’essaierai de faire mieux la prochaine fois… Je pense que j’ai perdu un kilo ! » Il arrive page blanche : « il n’y a rien en tête », seulement la perspective de « moments de pause » pour « capturer le détail » et d’autres, « de dynamique », où il tente de capturer l’énergie.

Sa méthode tient en deux focales : « soit le détail, l’ombre et la lumière, où sont les proportions ; soit le mouvement. Où est la dynamique, la courbe principale ? Ça va partir de la tête, de la colonne vertébrale, des hanches et d’une jambe, d’une posture… » Ce qu’il nomme Gesture Drawing : « capter le geste le plus essentiel, le plus significatif de la posture, de la danse. » Dans la contrainte du temps réel, il cherche à photographier et à mémoriser des bribes : « des parcelles de corps » qu’il assemble.

Pierre Beaufils revendique la part d’accident : « la leçon de Kim En Joong : on accepte les accidents, l’imperfection et on essaie de jouer avec… La contrainte de limite m’oblige à faire plus simple… je gagne en dynamisme, en spontanéité et en surprise. » Et, dans l’instant de la performance, l’atelier devient lutte très concrète : « je me bats avec des pinceaux qui dégoulinent, qui se mélangent… je suis à la fois dans des problèmes très terre-à-terre… et en même temps, il faut avancer… il y a cette espèce de continuum qui se crée, d’énergie. On se coordonne. » La danse y contribue : « Clémence est dans la musique, elle est dans cette dynamique que j’essaie d’épouser, de suivre. »

Pierre Beaufils

Après coup, son ressenti tient en un éclat : « C’est ouf ! Je préfère pas trop regarder, parce que je vais avoir des regrets… Mais globalement, ça s’approche un petit peu de mon intention… »

Une ligne de force

Une phrase sert d’axiome. Pierre Beaufils cite François Cheng : « Un trait n’est pas une simple ligne. Il est l’incarnation même du Souffle. Par ses pleins et ses déliés, par les infinies inflexions qu’il implique, il est à la fois volume et teinte, forme et mouvement. ». A partir de là, “il n’y a plus qu’à.” Tout s’offre en effet : la danse de Clémence, « ancrée » et adressée, nourrie d’un vocabulaire commun et d’outils ; la peinture de Pierre, qui cherche « la courbe principale », assemble des fragments saisis au vol et laisse le trait faire advenir la forme et le rythme.

Pierre Beaufils et Clémence Beaufrère

Dans cette conversation sans filet, chacun a gardé sa ligne. La rencontre, elle, s’est écrite dans l’improvisation et la préparation du nécessaire : un cadre, des choix musicaux, un dispositif de lumière, et la disponibilité de deux artistes à se laisser traverser. Point Zéro, ce soir-là, a été le lieu de ce pacte : faire naître, sous les yeux, les formes d’un même mouvement.

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