Levée de boucliers contre l’Académie Saint-Louis de Chalès via une lettre ouverte

Le projet d’ouverture à la rentrée 2025 d’une académie privée hors contrat au domaine de Chalès, à Nouan-le-Fuzelier (Loir-et-Cher), continue de susciter de vives réactions. L’Académie Saint-Louis, internat pour garçons fondé sur la « charte de l’éducation intégrale » du réseau Saint Joseph Éducation, fait l’objet d’une contestation ferme, nourrie par la nature de son projet pédagogique, ses soutiens financiers et les positions exprimées par ses promoteurs.
Après un premier communiqué de presse daté du 3 mars 2025, co-signé par une quinzaine d’organisations syndicales, associatives et politiques, un collectif encore plus large a rendu publique le 8 juillet une lettre ouverte adressée au recteur de l’académie d’Orléans-Tours, au préfet de Loir-et-Cher et au procureur de la République de Blois. Ce texte appelle ces autorités, chacune dans son champ de compétence, à s’opposer à l’ouverture de l’établissement.
Une critique détaillée du projet
Les signataires de la lettre ouverte affirment d’emblée que l’Académie Saint-Louis constitue une menace pour la jeunesse et pour les principes républicains. Ils dénoncent un projet qui, derrière une apparence de conformité avec la loi, dissimulerait une vision traditionaliste, anti-laïque et discriminante. La charte de l’éducation intégrale, pilier du réseau Saint Joseph Éducation, est au cœur des critiques.
Le texte pointe l’écart manifeste entre cette charte et les exigences de l’éducation nationale, notamment en matière de liberté de conscience. Les auteurs soulignent que seule « la liberté de croire et de vivre sa foi » y est reconnue, et que l’objectif affiché est d’amener les enfants à « se déterminer librement à suivre le Christ », sans considération pour d’autres options spirituelles. Le mot « laïcité » n’apparaît jamais dans le document.
La question du genre et de l’égalité femmes-hommes est un autre point de fracture. La lettre cite des extraits de la charte jugés alarmants : « Chaque enfant sera accueilli dans l’ordre naturel de son identité sexuelle », « les enfants seront éduqués en cohérence avec leur masculinité ou leur féminité ». Ces passages, croisés avec les propos de François-Xavier Clément, directeur scientifique du réseau, tenus dans une interview à Breizh-info, sont interprétés comme la manifestation d’une homophobie et transphobie : « Enseigner en cours de biologie (SVT) en classe de seconde que le sexe physique ne doit en rien déterminer le sexe psychologique, ouvre une brèche existentielle et crée une alternative des possibles entre hétéro et homosexualité là où jusqu’à présent le chemin de l’altérité et de la complémentarité était perçu comme le plus conforme à la nature. » Le collectif s’interroge : les « souffrances liées aux troubles de genre » évoquées par la charte peuvent-elles ouvrir la voie à des pratiques assimilables à des thérapies de conversion ?
Le fonctionnement en « capitainerie », où des élèves plus âgés encadrent les plus jeunes, est aussi remis en cause. Les signataires y voient un risque de violences, comme celles relevées dans un rapport d’inspection de 1995 sur l’institution Notre-Dame de Bétharram. La charte de protection des mineurs du réseau n’offre, selon eux, aucune garantie suffisante.
Un financement sous influence politique
La lettre insiste aussi sur le profil des financeurs du projet, en particulier Pierre-Édouard Stérin, présenté comme « fugueur fiscal » et soutien affirmé des partis d’extrême droite. Son implication via le fonds « Le Bien Commun » laisse craindre, selon les auteurs, un projet d’éducation instrumentalisé à des fins politiques : « former les futurs cadres politiques de l’extrême droite » et « peser sur les scrutins électoraux ». La création de l’académie Saint-Louis est ainsi perçue comme le volet scolaire d’une stratégie d’influence plus vaste.
L’établissement est dès lors qualifié de « non scolaire », et sa vocation est jugée « politique ». La lettre estime que l’ensemble de ces motifs devrait justifier, au nom du principe de précaution, le refus de son ouverture, en application des articles L111-1, L441-1 et L442-2 du code de l’éducation.
Une mobilisation d’ampleur
Le texte est signé par plus de 30 organisations* syndicales, politiques et associatives – dont la FSU, la CGT, la CFDT, la Ligue de l’enseignement, la FCPE, la LDH, le Planning familial, la France insoumise, le PCF, le PS, Les Écologistes, le NPA, Place Publique, ATTAC, et Sud éducation – ainsi que plus de 160 personnalités.
Parmi elles, figurent Caroline Chevé (FSU), Sophie Binet (CGT), Charlotte Vanbesien (FERC CGT), ainsi que les secrétaires généraux des syndicats de la FSU : SNES, SNUipp, SNUEP, SNEP, SNASUB. Des députés et sénateurs, dont Charles Fournier, Christophe Marion, Soumya Bourouaha, Pierre Ouzoulias, Cécile Cukierman, Nicolas Sansu, Marcellin Nadeau, Stéphane Peu, ainsi que l’ancien ministre Benoît Hamon, s’y associent. Le président de la région Centre-Val de Loire, François Bonneau, son 1er vice-président Marc Gricourt, et huit vice-président·es régionaux ont également signé la lettre, aux côtés de nombreux élus locaux et régionaux.
Des autorités saisies
Les signataires s’adressent directement au recteur, au préfet et au procureur. Chacun, estiment-ils, détient une part de responsabilité pour faire obstacle à l’ouverture d’une structure jugée incompatible avec les valeurs fondamentales de la République et les exigences de protection de l’enfance. Leur interpellation s’inscrit dans un contexte plus large de débat national sur les établissements hors contrat, leur encadrement, leur financement et leur compatibilité avec les principes de l’État de droit.