Musicales 41
CultureVie locale

Plein les Yeux à Blois : l’art urbain au pluriel

Les futurs professionnels de santé du Loir-et-Cher sont déjà parmi vos proches !

Dans la lumière oblique d’un été blésois, les murs peuvent dire autre chose que le silence parfois ordinaire des façades. Alors, ils sont plus que des murs : ce sont des supports de récit, des surfaces d’émotion, des appels à regarder autrement. Collages, céramiques, cyanotypes, stickers et traits d’encre ont fleuri là, en une seule journée, à l’appel du Comptoir Irlandais et sous l’impulsion discrète mais déterminée de quatorze artistes venues d’Angers, Orléans, Paris ou encore Nantes. Ils, elles, sont céramistes, graphistes, photographes, touche-à-tout poétiques — et pratiquent le street art avec le sérieux du jeu. Leur rassemblement ce samedi à Blois portait un nom simple et juste : Plein les Yeux.

« On voulait que ce soit joyeux, ouvert, et un peu magique », confie Amélie, coorganisatrice de l’événement. Et la magie a opéré, grâce aux récits collés sur les murs. Ce qui suit n’est pas une galerie exhaustive, juste quelques mots de quatre artistes venues poser leurs œuvres et leurs fragments de vie dans les interstices de Blois.

Tag Lady, Emile Bernet et Amélie
Tag Lady, Emile Bernet et Amélie

Tag Lady

Elle vient d’Orléans, mais ses collages ont déjà voyagé jusqu’à Marseille. La première fois qu’elle est venue à Blois, c’était à cinq heures du matin, pour coller un Petit Prince sur un mur récalcitrant. « Je galérais, la pose devait me prendre dix minutes, elle m’en a pris quarante », dit-elle dans un rire. C’est là qu’elle passe devant la vitrine du Comptoir Irlandais. Fermé. Elle repère les lieux et se dit : « prochain spot ».

Tag Lady ne cherche pas la gloire. Elle sème. Elle sème ses mosaïques de nuit, sans carte, sans itinéraire. « Je filme l’environnement, je donne des indices, mais jamais l’adresse. C’est un jeu de piste. » L’inspiration vient souvent d’un clin d’œil familial ou amical. Le geste est libre, secret, affectueux. À Blois, ses mosaïques installées il y a deux ou trois ans n’ont pas bougé. Les Petits Princes sont encore là, les Rapetou aussi.

Tag lady Blois

Sido

De l’encre aux failles, un travail de réparation sensible

« Ce que j’aimerais, c’est pouvoir les imbriquer dans les failles des murs. » Céramiste et dessinatrice, Sido travaille à Angers. Son matériau préféré : l’émotion. Son outil : le geste. Sa figure fétiche : le Kodama, petit esprit issu du folklore japonais, popularisé par Miyazaki. Sans bouche, sans mots, ces créatures parlent avec les yeux. Sido les peint à l’encre, les dessine au stylo, les sculpte en grès. Aujourd’hui, elle les modèle aussi en trois dimensions, avec des émaux de cendres, des bleus orageux ou des blancs mats japonais. Elle les pense comme des objets intimes, tactiles. Des présences. « Ce que je fais n’a pas de revendication. C’est de l’ordre du ressenti. Je veux juste offrir un petit bout de poésie dans un coin de ville. Quelque chose qui peut toucher. »

Quand elle parle de ses installations urbaines, elle parle de « combler les vides », mais nuance aussitôt : « Ce n’est pas combler. C’est plutôt ajouter. Apporter un fragment d’histoire. » Ses Kodamas sont des médiums silencieux, des petits réceptacles de ce que l’on tait. Ils prennent place dans les creux, les fissures, les interstices : là où la ville s’efface.

Sido
Sido

July Bubble

Un chat volant pour sourire aux passants

Elle est graphiste. Elle s’appelle Julie, mais son pseudonyme est né d’un mélange de surnom et de nom de studio : Julie Bubble. Son personnage de rue, c’est un chat ailé. Inspiré par un dessin de sa fille. Repris et transformé. Parfois clin d’œil à Maurizio Cattelan (la banane scotchée), parfois habillé aux couleurs du blason de Blois… Le chat de Julie est toujours en mouvement. Il traverse les époques, les villes, les mythes. « Je le fais voyager. J’en colle à Angers, à Nantes, à Royan… Et je donne des collages à des amis pour qu’ils collent ailleurs, là où je ne vais pas. » Elle aime l’éphémère, mais regrette parfois les disparitions trop rapides. Certains de ses collages sont désormais sur placo, pour durer un peu plus. Mais elle continue à préférer le papier, « parce qu’on peut faire grand, tranquillement chez soi. »

Son street art ne revendique rien, sinon la joie : « À la base, j’étais fan des autres. Je chassais Invader, Oré, Monsieur Chat… Je n’avais jamais pensé faire moi-même. » C’est une rencontre qui a déclenché l’envie. Aujourd’hui, son chat ailé fait sourire, parfois penser : « En mars, je participe au challenge ‘Marche pour le climat’. Je l’illustre avec le chat. Mais en général, il n’y a pas de message. Juste un instant heureux. »

Chat volant de July Bubble
Chat volant de July Bubble

Wisteria Sinensis

Le cyanotype pour dire la nature sans autorisation

Elle s’appelle Wisteria Sinensis — comme la très jolie glycine de Chine exubérante de couleurs. Et elle colle des fleurs. Ou plutôt des cyanotypes : ces impressions photographiques d’un bleu profond, révélées à la lumière du soleil. « Je fais de la photo, je donne des ateliers cyanotype. Et parfois, je colle mes tirages dans la rue… » En effet, pas toujours facile d’exposer de l’urbex quand on est photographe, dit-elle. Le mur, lui, ne demande pas de dossier. Il suffit de le voir, d’y croire, d’y coller.

Sa série Jamais trop de fleurs prend place sur des murs gris, parfois ébréchés. Et c’est exactement ce qu’elle cherche : la nature, la lumière, la trace. Wisteria pratique donc aussi l’urbex. Elle cherche les lieux abandonnés, là où « la nature a repris ses droits ». Ses photos en témoignent : la beauté fragile de ce qui revient quand on croit que tout est fini. La nature comme persistance. La fleur comme résistance douce.

street art à Blois

Une constellation fragile mais fertile

Ce qui réunit ces artistes — et d’autres encore, venus pour l’occasion —, ce n’est ni une école, ni une revendication, ni un manifeste. C’est un même geste de partage. Une manière de dire : « regardez ».
Tag Lady donne des indices. Sido comble les failles. Julie Bubble fait sourire. Wisteria révèle ce qui pousse encore dans les ruines. C’est du temps offert. Une façon de suspendre un instant le cours des choses. De coller du sensible sur le béton.

street art à Blois

Désormais, en déambulant, on trouvera du Fast Freak, un street artiste originaire d’Angers, connu pour son univers graphique inspiré des figurines Playmobil. Lui détourne avec humour et ironie une des icônes de l’enfance. Son style est reconnaissable : des personnages en grand format, aux formes simplifiées, toujours basés sur la silhouette typique du jouet, mais habillés et scénarisés de façon surprenante. De quoi en mettre Plein les Yeux.

Fast Freak
Fast Freak
Votre annonce sur Blois Capitale

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Bouton retour en haut de la page