Quand le prix de l’art fait débat lors du conseil municipal

Lundi 12 février 2024 s’est tenu le conseil municipal blésois. Et rapidement il a été question de culture. Du moins, du prix de l’art via une question de l’opposant Malik Benakcha qui a interrogé le maire, Marc Gricourt, sur les 10.000€ investis dans l’œuvre « Faire face » de Rémi Boinot, artiste-plasticien de Blois, en référence à l’art océanien. Elle sera installée dans le hall du théâtre Nicolas Peskine sans y être totalement à résidence.
Voici les échanges transcris le plus précisément possible dans un principe démocratique : « Nous avons eu l’opportunité d’examiner une photographie détaillée de l’œuvre, où l’on peut observer les types spécifiques de brosses utilisées, telles que des brosses à cirer les chaussures ou des brosses pour les toilettes, a déclaré Malik Benakcha, sourire en coin. Je souhaite vous poser deux questions. Premièrement, concernant cette action qui relève du mécénat, pourriez-vous nous fournir, lors du prochain conseil municipal, des détails sur le montant total des acquisitions d’œuvres d’art réalisées par ce type de décision depuis 2008, pendant les 16 années où vous avez été maire de cette ville ? Deuxièmement, pourriez-vous nous éclairer sur le processus de décision relatif à l’attribution de 10.000 € à cette œuvre d’art contemporaine, qui semble appartenir au mouvement Fluxus ou du moins est exposée à la Fondation du Doute, répondant aux critères que vous estimez importants pour la défense de notre culture locale à Blois ? Je ne souhaite pas entrer dans le débat sur le fond, car je reconnais que ces sujets peuvent être subjectifs. Toutefois, je souhaiterais comprendre comment, dans le cadre de la délégation accordée par le conseil municipal au maire de Blois, vous procédez pour allouer 10.000 € à cette œuvre d’art. »

Et le maire de Blois a répondu qu’il a toujours voulu valoriser nos artistes locaux, qu’ils soient sculpteurs, peintres, photographes, etc. « Au fil du temps, cela a conduit à l’acquisition quasi annuelle d’œuvres d’art. Par exemple, le cerf que l’on trouve sur les terrasses de l’évêché, la Marianne contemporaine dans la salle de mariage, et une photographie dans le hall près du bureau du maire, œuvre acquise il y a quelques années auprès de notre artiste Manolo Chrétien, parmi d’autres, a expliqué l’édile. Nous sollicitons nous-mêmes les artistes, ce qui permet non seulement de les reconnaître, mais aussi d’inscrire leurs œuvres dans la mémoire de la ville. Je trouve cela intéressant car une fois acquises, ces œuvres, inscrites dans les collections, ne peuvent être revendues. C’est un message fort. La sélection des œuvres est effectuée par les adjoints à la culture successifs et par moi-même, même si le choix peut paraître arbitraire. Pour ce qui est des dépenses, elles varient : cette année, le budget alloué est de 10.000 €, mais il y a eu des années où nous n’avons dépensé que 500 €. Une œuvre a le prix qu’on veut lui donner, même s’il y a des références. C’est un peu subjectif. »

Fabienne Quinet, adjointe à la Ville culturelle, est intervenue pour souligner qu’il ne s’agissait pas de dépenses mais d’investissements. « Cela représente un soutien à la création locale et, dans ce cas précis, à l’art contemporain. L’œuvre dont nous parlons a été réalisée par Rémi Boinot, un artiste plasticien de longue date à Blois. Ses créations, marquées par des influences diverses – océaniennes, africaines et occidentales – invitent à une réflexion transculturelle et laissent le spectateur libre d’interpréter. Concernant les brosses que vous mentionniez, je tiens à préciser que ces outils, fabriqués en bois de fougère, un matériau sombre, ont été inspirés par l’art océanien pour représenter des visages sans yeux, selon la vision de l’artiste. Cette œuvre, composée de 21 pièces, se distingue par sa mobilité. Nous prévoyons de l’installer au théâtre Nicolas Peskine, un lieu dynamique fréquenté par un large public, ce qui favorisera son interaction avec les spectateurs et rendra l’art accessible à tous. L’intérêt particulier de cette œuvre réside dans sa capacité à être déplacée. Cette mobilité confère vie à l’œuvre, qui ne sera pas confinée de manière permanente à un seul espace mais pourra circuler dans divers lieux culturels de la ville, permettant ainsi à un plus grand nombre de personnes d’en profiter. Cette œuvre a été visible à la Fondation du Doute en 2022, car elle était exposée dans le pavillon de la Fondation du Doute. Par ailleurs, Rémi Boinot a récemment été honoré lors du festival Ar(t]chipel, soutenu par la région Centre-Val de Loire en collaboration avec le Centre Pompidou. Son atelier a été ouvert au public en octobre 2023. »

Christophe Degruelle, en tant que conseiller municipal, a rebondit dans ce dialogue. « Rémi Boinot est un artiste bien connu à Blois. Je me souviens qu’en octobre 1994, il avait offert à la ville la décoration du pont Mitterrand pour son inauguration. C’est un artiste qui intervient régulièrement, et ceux qui se souviennent de cette inauguration avaient pu admirer son travail offert à la ville. Il avait également décoré la ville le 12 juillet 1998, pour la finale de la Coupe du Monde de football, lorsque la France avait battu le Brésil. Les jardins de l’évêché avaient été magnifiquement décorés. Encore une fois, il avait offert son travail artistique à la ville. Je trouve cela très bien que ce soit un échange dans les deux sens. »
Michel Chassier, l’élu RN, est intervenu enfin de cette manière : « J’espère que cette œuvre ne sera pas aspergée de soupe à la tomate ou de peinture par quelques extrémistes qui sévissent en ce moment dans certains musées. »
D’un point de vue culturel et philosophique, l’art incarne une expression de l’âme humaine, une fenêtre sur les cultures et les époques. Sa valeur ne se limite pas à son prix, mais réside plutôt dans sa capacité à évoquer des émotions, à susciter la réflexion, à défier les conventions et à enrichir l’expérience humaine. Dans cette optique, le prix de l’art peut parfois sembler déconnecté de sa véritable valeur, celle qui réside dans l’impact qu’il a sur l’individu et la société.