Quel est cet ovni posé devant le château de Blois ?

En cette fin d’octobre 2024, un objet insolite et résolument futuriste (autrefois) trône sur l’esplanade devant la façade Louis XII du Château royal de Blois. Cet engin d’apparence extraterrestre n’est autre que l’UFO House, un vestige architectural de la fin des années 1970, sauvé de l’abandon par le collectionneur Julien Recours. Cette étrange capsule jaune, évoquant une soucoupe volante sortie tout droit d’un film de science-fiction, suscite la curiosité.
L’héritage des utopies des années 60-70
La présence de cette UFO House à Blois s’inscrit dans le cadre du festival AR(t)CHIPEL, un événement qui célèbre le lien entre héritage culturel et création contemporaine en Région Centre-Val de Loire. Cet engin en plastique est un projet préfabriqué inspiré de la Futuro House, une création de l’architecte finlandais Matti Suuronen datant de 1968. À l’origine, l’UFO House faisait partie d’un ensemble de bungalows construits en 1979 à Emerald Bay, un complexe de vacances luxueux situé au nord de New Taipei City à Taïwan, aujourd’hui tombé en désuétude.

Cette capsule incarne la vision d’une époque marquée par un optimisme architectural et un rêve de liberté totale. Les « Trente Glorieuses », période d’expansion économique et sociale, ont vu émerger des aspirations d’utopies sociales et de loisirs accessibles à tous, dans un cadre où la mobilité et le bien-être semblaient sans entrave. L’UFO House, avec sa forme courbe et son design modulaire en plastique, illustre à merveille ces rêves d’un habitat libéré des contraintes traditionnelles. Il symbolise aussi une époque où l’architecture cherchait à réinventer l’espace domestique à travers des matériaux novateurs comme le plastique, perçu alors comme un matériau de l’avenir.
Entre vision futuriste et crise énergétique
Conçue à une époque où le plastique semblait donc être une solution révolutionnaire pour l’architecture de demain, l’UFO House fait partie d’une série d’expérimentations architecturales qui ont marqué les années 1960 et 1970. Légères, modulaires et bon marché, ces structures étaient imaginées pour répondre aux besoins des sociétés modernes. Cependant, la crise pétrolière de 1973 et celle de 1979 ont rapidement mis un terme à ces utopies plastiques. La prise de conscience écologique grandissante et les crises économiques successives ont relégué ces visions architecturales au rang d’expérimentations avortées.
Malgré cela, ces projets continuent de fasciner, notamment pour leur aspect visionnaire. L’UFO House, aujourd’hui réhabilitée, témoigne de cette époque où tout semblait possible. Julien Recours, qui a sauvé cette maison du naufrage, s’attache à préserver ces témoins d’une avant-garde architecturale à la frontière entre art, design, et utopie sociale.

Le choix d’installer l’UFO House devant la façade Louis XII du Château royal de Blois n’est pas anodin. Le château, joyau de l’architecture Renaissance, dialogue ici avec cette structure résolument 70′. Ce contraste saisissant entre patrimoine historique et expérimentation contemporaine il y a 50 ans illustre l’évolution des conceptions de l’habitat au fil des siècles. Le château, emblème de la vie aristocratique et des valeurs de l’époque, se trouve face à une maison modulaire qui incarne les rêves utopiques des années 1970, où l’individu était placé au centre de toutes les préoccupations architecturales.
Avec ses fenêtres hublots et son design rappelant une soucoupe volante, cette maison-capsule offre une immersion dans l’imaginaire des années 70. C’est un rappel des rêves de conquête spatiale et d’exploration de nouvelles frontières, que ce soit dans l’espace ou dans l’architecture.

Julien Recours en explorateur du futur révolu
Julien Recours, l’homme derrière la réhabilitation de l’UFO House, est un collectionneur d’architectures pop et modulaires des années 1960-1970. Il constitue depuis 2014 une collection dans le Loiret, rassemblant des pièces avant-gardistes issues de cette période où l’architecture cherchait à repousser les limites de l’habitat traditionnel. Il se considère comme un explorateur de cités fantômes, traquant ces vestiges d’un futur révolu pour les remettre en lumière. Ses trouvailles, parfois découvertes dans des lieux improbables, sont réactivées dans des scénographies contemporaines qui interrogent notre rapport au progrès et à la technologie.