Tout savoir sur le projet de revitalisation urbaine de l’îlot Denis-Papin à Blois

La Ville de Blois s’est engagé dans un projet de reconquête de l’îlot Denis-Papin, situé en plein cœur du centre historique. Ce projet, lauréat de l’appel à manifestation d’intérêt (AMI) « Démonstrateurs de la ville durable », vise à transformer cet espace en déclin en un modèle de revitalisation urbaine, en prenant en compte les défis économiques, sociaux et patrimoniaux. L’agence Bientôt joue un rôle dans ce processus de réhabilitation qui s’appuie sur un diagnostic approfondi et une approche participative. Delphine Charnacé, architecte-urbaniste co-gérante de l’agence nous a éclairé sur ce projet.
Un centre-ville en perte de dynamisme
L’îlot Denis-Papin, situé entre les rues Denis-Papin, du Commerce et des Trois-Clefs, est un quartier historique de Blois. Comme l’explique Delphine Charnacé, « cet îlot, autrefois prospère et animé, a vu ses usages évoluer au fil des siècles ». À l’origine, les commerçants vivaient au-dessus de leurs boutiques, et l’ensemble des bâtiments était occupé de manière dynamique. Mais au fil du temps, avec la mutation des modes de vie, les étages des immeubles sont devenus vacants et sous-utilisés, tandis que certaines boutiques ont dû fermer, victimes de la baisse de la fréquentation.

Aujourd’hui, l’îlot Denis-Papin présente des façades relativement bien entretenues, en partie grâce à l’opération façades mise en place par la Ville depuis 2008. Cependant, en y regardant de plus près, on remarque des étages inoccupés et des espaces dégradés derrière ces façades. Le quartier souffre d’un manque de renouvellement, accentué par des problématiques d’accès aux étages, des difficultés juridiques liées à la copropriété, ou encore une méconnaissance de l’état des bâtiments par des propriétaires éloignés géographiquement. « On lève les yeux, et ce qu’on voit, ce sont des étages vides, des logements sous-utilisés et, parfois, des commerces vacants. C’est un véritable enjeu de réinvestir ces espaces pour leur donner un nouveau souffle », souligne Delphine Charnacé.

L’îlot Denis-Papin : une réhabilitation complexe
L’îlot Denis-Papin s’étend sur une surface de 9 200 m², dont 96 % sont constitués de constructions. Il comprend 120 parcelles et 62 cellules commerciales. La reconquête de cet îlot est un projet complexe en raison de la densité bâtie et de l’imbrication des constructions au fil des siècles. Le quartier est également situé dans un point bas de la ville, traversé autrefois par l’Arrou, aujourd’hui canalisée, ce qui ajoute une contrainte géologique à la réhabilitation.
Delphine Charnacé et son équipe de l’agence Bientôt, en collaboration avec d’autres bureaux d’études, ont pour mission d’établir un diagnostic précis de chaque immeuble, afin de comprendre les freins à la réoccupation des étages vacants. Ce diagnostic doit permettre d’identifier les immeubles inoccupés et les raisons de cette vacance : freins juridiques, problèmes d’accès, absence d’entretien, ou coûts prohibitifs pour les commerçants. « Ce qui nous intéresse, c’est de comprendre pourquoi ces étages sont inoccupés. Est-ce un problème d’indivision ? Est-ce que les propriétaires ne sont pas au courant de l’état de leur bien parce qu’ils habitent loin ? Il y a toujours une raison qui bloque l’occupation de ces espaces », explique l’architecte-urbaniste.
L’un des défis majeurs est lié à l’organisation spatiale des immeubles, souvent conçus à l’origine pour que les commerçants puissent habiter au-dessus de leur commerce. Aujourd’hui, ces espaces vacants sont souvent inaccessibles, car les baux commerciaux englobent l’ensemble du bâtiment, rendant les étages inutilisables sans travaux coûteux. « Les commerçants n’utilisent plus les étages supérieurs, mais ces espaces continuent de se dégrader. On parle souvent de logements vides, mais aussi de façades qui cachent des ardoises qui tombent, des infiltrations d’eau… Il faut repenser l’usage de ces immeubles de manière durable », ajoute-t-elle.
La Station Papin : un espace dédié à la participation citoyenne
Au cœur du projet de reconquête de l’îlot Denis-Papin se trouvera la Station Papin, éphémèrement située au 75 rue du Commerce, dans le cadre des Rendez-vous de l’Histoire, dont le thème est « La Ville ». Il sert de point de rencontre entre les habitant.es, les commerçant.es et les professionnel.les en charge du projet. Delphine Charnacé décrit cet espace comme « un lieu d’échange, conçu pour recueillir les attentes et les besoins des Blésois.es, mais aussi pour partager les résultats des enquêtes menées sur l’îlot ». Une exposition y retrace les recherches effectuées.
L’architecte-urbaniste insiste sur l’importance de la participation des habitant.es et des commerçant.es dans ce projet. « Nous avons besoin de comprendre les besoins des personnes qui vont continuer à habiter ici. Ce sont elles qui feront vivre cet îlot », précise-t-elle. La Station Papin a pour vocation d’être un lieu ressource ouvert à toutes les parties prenantes, et pourrait devenir un espace pérenne pour réfléchir collectivement à l’avenir de l’îlot Denis-Papin.

Une approche en trois phases
La mission confiée à Delphine Charnacé et son équipe s’étend sur une période de 18 mois et est structurée en trois phases :
- Diagnostic et collecte d’informations : La première étape consiste à visiter l’ensemble des immeubles de l’îlot et à identifier les problématiques spécifiques à chaque bâtiment. Cela implique de comprendre les raisons de la vacance, d’établir un état des lieux des besoins des propriétaires et commerçants, et de dresser une carte des possibles interventions. « On veut vraiment aller immeuble par immeuble pour comprendre chaque situation individuelle. Chaque immeuble a une histoire et des contraintes spécifiques ».
- Projections et scénarios d’intervention : Une fois les informations collectées, la deuxième phase consistera à élaborer des scénarios de réhabilitation à l’échelle globale de l’îlot. Cela inclut la création d’accès indépendants aux étages vacants, la réorganisation spatiale des bâtiments pour faciliter leur usage, ainsi que la modernisation énergétique des immeubles tout en respectant le patrimoine architectural.
- Accompagnement des propriétaires : La dernière phase de la mission consiste à accompagner concrètement les propriétaires dans leurs projets de réhabilitation. Delphine Charnacé et son équipe sont missionnées par la Ville pour proposer des études de faisabilité, identifier les financements disponibles et accompagner les propriétaires dans la réalisation des travaux. « Nous sommes là pour les conseiller et les accompagner, pour qu’ils puissent réhabiliter leurs immeubles tout en respectant les contraintes de chaque site », précise-t-elle.

Un cadre juridique et financier pour encourager la rénovation
Le projet de reconquête de l’îlot Denis-Papin s’inscrit dans un cadre juridique qui vise à encourager, voire contraindre, les propriétaires à réhabiliter leurs immeubles. Alors que l’opération façades, en place depuis 2008, propose des aides financières pour la rénovation des façades (jusqu’à 40 % du coût des travaux avec un plafond de 24 000 euros par immeuble), la Ville de Blois envisage d’aller plus loin en mettant en place une opération de restauration immobilière (ORI). Ce dispositif coercitif permettrait d’obliger les propriétaires qui ne prennent pas l’initiative de réhabiliter leurs biens à réaliser les travaux nécessaires. L’objectif est de montrer aux propriétaires qu’ils ont tout intérêt à entretenir et valoriser leur patrimoine.
Le commerce en filigrane : un enjeu clé du projet
Le commerce est un élément central de la stratégie de revitalisation de l’îlot Denis-Papin. Le lien entre commerce et habitat est crucial dans un centre-ville : plus la population augmente, plus les commerces peuvent prospérer, et vice-versa. L’objectif est donc de redynamiser à la fois les logements et les espaces commerciaux pour créer un cercle vertueux.
La Ville de Blois souhaite attirer de nouveaux commerçants tout en garantissant la pérennité des boutiques existantes. Pour cela, les espaces commerciaux doivent être modernisés et adaptés aux réalités économiques actuelles. Le projet de reconquête prévoit d’augmenter la fréquentation des commerces en revitalisant l’habitat du quartier, afin de créer un équilibre entre les différentes fonctions de l’îlot.
Un modèle pour le centre-ville de demain
Au-delà de la réhabilitation de l’îlot Denis-Papin, ce projet s’inscrit dans une réflexion plus large sur l’avenir des centres-villes en France. Delphine Charnacé explique que Blois est un cas d’étude représentatif des problématiques rencontrées par de nombreuses villes moyennes : déclin du commerce de proximité, vacance des logements, difficultés à réhabiliter des immeubles anciens. Le projet Denis-Papin pourrait ainsi servir de modèle pour d’autres villes souhaitant revitaliser leur centre-ville tout en préservant leur patrimoine. « Nous aimerions que cet îlot devienne un exemple de ce qu’on peut faire pour revitaliser un centre-ville, tout en respectant l’histoire et l’architecture », conclut Delphine Charnacé.