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Découvrir « Antigone vs Créonne » avec Emmanuel Faventines et Danièle Marty

Dix spectacles illumineront le prochain festival « Vite au Théâtre » à Blois, du 27 février au 3 mars 2024. On trouvera au théâtre Nicolas Peskine, le vendredi 1er mars (20h30), grâce à la Compagnie du Hasard, « Antigone vs Créonne », une création contemporaine d’Emmanuel Faventines, inspirée par les tragédies antiques de Sophocle et Anouilh.

Cette œuvre transpose le mythe d’Antigone dans le contexte actuel, explorant une journée intense impliquant des policiers municipaux dépassés, une psychologue survitaminée, et un chœur vidéo de citoyens d’aujourd’hui. La pièce pose des questions éternelles sur notre place dans le monde, nos actions, nos valeurs, et jusqu’où nous sommes prêts à aller pour ce qui nous semble juste​​.

La pièce met en scène une Antigone rebelle et fougueuse qui s’oppose à sa tante Créonne, une femme de pouvoir. Car dans la réinterprétation contemporaine « Antigone vs Créonne » par Emmanuel Faventines, le personnage traditionnellement masculin de Créon est transformé en Créonne, une femme de pouvoir.

Photo Compagnie du hasard

Emmanuel Faventines a réécrit et mis en scène « Antigone », réalisant ainsi « un vieux rêve », comme il nous l’a confié : « Ayant découvert les versions d’Anouilh et de Sophocle en 3e, cette pièce a été pour moi une source d’inspiration et m’a donné envie de faire du théâtre. Elle pousse la jeunesse à s’interroger sur son rôle dans la vie, la société et son rapport aux dieux. Mon objectif était de rendre « Antigone » encore plus contemporaine, en l’ancrant dans notre époque et en adaptant l’histoire à nos jours, tout en faisant écho aux questions universelles qui se posent à chaque génération, particulièrement aux jeunes. » Et en les faisant participer. « Nous avons inclus des ateliers avec des lycéennes, des lycéens, mais aussi des retraités, qui ont eu l’opportunité d’exprimer leur point de vue sur les thèmes de la pièce, tels que la loi, la désobéissance et l’obéissance, à travers des vidéos projetées pendant le spectacle, remplaçant ainsi le chœur antique. Cette modernisation a permis d’ajouter une dimension interactive et de refléter les opinions des citoyens d’aujourd’hui. »

Un des axes majeurs de la réécriture était d’introduire de l’humour, notamment à travers les personnages des policiers municipaux, qui prennent la place des gardes et des messagers de l’antiquité, apportant ainsi une légèreté à la tragédie. Un autre aspect important a été la féminisation du personnage de Créon, transformé en Créonne, « pour montrer qu’une femme peut également être à la tête d’une cité et pour rééquilibrer les forces en présence ». Ce choix met en avant un débat d’idées plutôt qu’un conflit de générations ou de sexes, soulignant les enjeux philosophiques et moraux de la pièce.

La réécriture a également adapté le contexte de la pièce aux enjeux contemporains, comme les violences policières et les manifestations qui dégénèrent, faisant écho à des événements réels tels que la tragique disparition de Steve Maia Caniço à Nantes lors de la Fête de la musique. « Cette mise en contexte moderne permet aux spectateurs de trouver des résonances avec les événements actuels, que ce soient les mouvements des Gilets Jaunes ou les conflits internationaux, rendant « Antigone » pertinente et engageante pour un public contemporain », nous explique l’auteur.

« Ce que je trouve incroyable avec le personnage d’Antigone et la pièce elle-même, c’est leur capacité à résonner avec les spectateurs, quel que soit le contexte », rebondit Danièle Marty. « Que ce soit lors des manifestations des Gilets Jaunes ou pendant la crise du Covid, où il était interdit d’enterrer les morts, les gens ont pu faire le lien avec l’histoire d’Antigone, sans que nous ayons à modifier le texte. C’est la perspective du public qui s’adapte, trouvant des parallèles avec l’actualité. C’est fascinant de constater à quel point l’histoire d’Antigone, écrite par Sophocle puis reprise par Anouilh, Brecht, et tant d’autres à travers différents médias, continue de parler aux gens. »

Dans ce projet, les élèves et comédiens amateurs interviennent dans un chœur vidéo comme le chœur antique, pour commenter les actions de la pièce. « Chacun pouvait s’exprimer librement, sans directive de notre part, choisissant le moment de la pièce qui les interpellait le plus. Il est intéressant de voir que tous ne s’identifient pas à Antigone : certains se rangent du côté d’Ismène, d’autres soutiennent Créon, tandis que d’autres encore s’identifient au père ou au cousin timide, Hémon », observe Danièle Marty. « C’est émouvant, c’est chouette de voir ces jeunes prendre position et réfléchir de manière claire. »

Malgré le caractère classique de l’œuvre, qui peut intimider certains jeunes, l’expérience des 30 représentations passées montre que même celles et ceux qui n’avaient jamais entendu parler d’Antigone ont pu apprécier la pièce, la considérant comme une œuvre moderne parlant de leur réalité.

« Il est toujours délicat d’amener la jeunesse au théâtre, mais une fois sur place, le spectacle fonctionne bien. Il est important de rendre le théâtre accessible, que ce soit dans le cadre scolaire ou grâce à l’entourage. La pièce contient des moments comiques qui permettent aux jeunes de s’identifier, notamment à travers les histoires d’amour et les interactions entre les personnages, commente Emmanuel Faventines. Pour la réécriture de « Antigone », il était essentiel de moderniser le langage tout en conservant la structure et les personnages principaux. La transposition dans un contexte français contemporain implique certaines modifications, notamment concernant la sentence, qui ne peut plus être la peine de mort. Ainsi, le drame familial prend une forme différente, plus adaptée à notre époque et à nos valeurs. »

La tragédie d’Antigone réside dans la sincérité des choix des personnages, qui, convaincus, ne parviennent pas à se remettre en question jusqu’à ce qu’il soit trop tard. « Cette complexité rend la pièce profondément humaine et universelle, invitant le public à réfléchir à ses propres convictions et à la difficulté de juger les actions des autres de manière manichéenne. » En intégrant des éléments contemporains et en abordant des thématiques actuelles, la pièce vise à susciter une réflexion chez le spectateur, l’encourageant à questionner ses propres positions et à reconnaître la complexité des dilemmes moraux et politiques. La diversité des personnages et des perspectives présentées dans la pièce reflète la richesse et la complexité de la société, invitant à une compréhension plus nuancée des enjeux abordés.

Danièle Marty qui incarne Créonne se sent-elle plus Antigone ? « Oui, sur des questions d’égalité homme-femme, je suis complètement intransigeante et je ne peux pas me calmer, assure la comédienne. Il y a des combats qui persistent. Donc, je pense que je suis un peu folle ! Mais en même temps, je dirige la compagnie et je suis très ancrée dans la réalité… » Est-il important de faire réfléchir ? « Je ne fais pas mon métier en étant déconnectée du monde, répond Danièle Marty. Très souvent, nous avons produit des spectacles politiquement engagés parce que, oui, plus on est cultivé, plus on est curieux, plus on connaît les autres, et moins on est ignorant et con. »

« Antigone vs Créonne » (1er mars à 20h30, dès 12 ans, 1h30) d’Emmanuel Faventines, par la Compagnie du Hasard. Avec Ulysse Barbry, Delphine Chuillot, Gilbert Epron, Sarah Glond, Martin Lenzoni, Danièle Marty. Tarif plein : 12€ / Tarif réduit : 6€

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