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Les associations féministes tirent la sonnette d’alarme face à la baisse des subventions

Les futurs professionnels de santé du Loir-et-Cher sont déjà parmi vos proches !

Planning Familial 41, CIDFF 41 et Collectif Droits des Femmes 41 unissent leurs voix pour alerter sur une hémorragie budgétaire lente, méthodique, dangereuse.


Le Planning Familial 41, au bord de la rupture

On ne présente plus le Planning Familial et la place centrale qu’il occupe dans le pays : 84 structures départementales, dont 71 EVARS (Espaces de Vie Affective, Relationnelle et Sexuelle), 22 centres de santé sexuelle… « En France, nous sommes l’un des principaux relais en matière de santé sexuelle, contraception, prévention, et en Loir-et-Cher, nous portons à la fois un EVARS et un accueil de jour », souligne Laure Lagresa, coordinatrice administrative et financière au Planning Familial 41.

Mais depuis plusieurs mois, la situation se dégrade partout : absences ou retards de versements, baisses de 10 à 40 %, hausse des loyers, non-renouvellements de contrats, et impossibilité pour l’État de compenser la prime Ségur. « Dans ces conditions, l’avenir des activités du Planning Familial est clairement remis en question. »

Le constat local est implacable. En 2024, plus de 4000 personnes ont bénéficié des actions du Planning 41, dont 70 % de femmes, et 25 % pour des problématiques de violences. « 80 actions collectives dans 21 lieux, près de 3000 personnes touchées, 205 suivis individuels EVARS, 327 femmes et enfants accueillis à Artémisia, notre structure d’accueil de jour. »

Inauguration de l’ABRI Gisèle-Halimi à Blois

Mais cette action vitale se heurte aujourd’hui à un mur : une perte sèche de 42 000 € entre 2023 et 2024, dont 70 % sur le seul volet « accueil, écoute et accompagnement des victimes de violences sexistes et sexuelles ». En juillet 2025, l’association n’a perçu que 18 % des subventions attendues pour l’année. « Et aucune certitude pour 2026, si ce n’est la menace d’une nouvelle baisse de 5 à 10 %. »

« Le discours féministe est devenu un problème »

Une asphyxie politique autant que financière

Derrière les chiffres, une réalité plus sourde affleure : la mise en cause explicite du positionnement féministe. Marie ne mâche pas ses mots : « Les institutions nous ont dit que c’était notre discours politique qui posait problème. » Dans un climat où les termes de « wokisme » ou « idéologie de genre » sont brandis comme autant de boucs émissaires, les associations féministes sont désignées à la vindicte sans le dire, mais avec les effets concrets d’un couperet budgétaire. « Nous avons été attaquées nationalement sur l’accès à l’avortement pour les hommes trans. Dès qu’on parle de protéger les droits reproductifs de toutes et tous, on est taxés de militantisme excessif, voire d’endoctrinement. »

Et ce qui pourrait passer pour une bataille symbolique se révèle, dans le Loir-et-Cher, une guerre de territoire tournant à la faveur de l’extrême droite. « Dans certains villages, nous sommes la seule structure à intervenir, signale Shawna. Ce sont des zones où le Rassemblement National a fait plus de 50 %. Si nous n’y allons plus, il ne restera rien pour contrer les discours complotistes, antiféministes et homophobes. »

Vers la paupérisation de l’emploi associatif

La répercussion est directe sur les équipes. « Nous sommes passés de 7 à 4 salarié·es », résume Laure Lagresa. Le Planning a cessé de recourir aux services civiques, refusant d’alimenter une logique de précarisation structurelle. « On nous pousse à recruter en CDD, en contrats courts, à compenser par du bénévolat, mais cela détruit notre modèle », ajoute Shawna.

L’emploi associatif, autrefois présenté comme un vecteur d’épanouissement engagé, devient un secteur sinistré. « On nous propose 250 € pour trois jours d’intervention, confie le CDIFF. Même sans vouloir faire de bénéfices, on ne s’y retrouve pas »

Et le désengagement de l’État ne se limite pas au Planning : « On expérimente le travail au RSA dans les associations. On nous envoie des jeunes du SNU comme main-d’œuvre. C’est une logique du “tout bénévole” qui écrase les salarié·es. » Pourtant, observe Laure, « ce sont encore très majoritairement des femmes qui occupent ces postes précaires. La précarité du salariat associatif est donc une précarité genrée. »

La solidarité comme dernier rempart

Le Collectif Droits des Femmes 41, lui, n’emploie pas de salarié·es. Mais il est solidaire du Planning et du CIDFF. Le collectif organise des groupes de parole pour femmes victimes de violences conjugales ou sexuelles, en centre-ville ou dans les territoires. « Nous avons peu de moyens, et pourtant, c’est notre cœur de mission. » Sa voix ici, Marie-Anne Clément dénonce la duplicité d’un pouvoir qui, depuis 2017, érige la lutte contre les violences faites aux femmes en « grande cause nationale », tout en supprimant les moyens des structures qui la rendent effective. « Emmanuel Macron en a fait un thème central de ses deux quinquennats. Mais dans les faits, les subventions sont rognées. » Marie-Anne Clément alerte aussi sur le budget Bayrou et l’« année blanche » annoncée pour 2026. « Ce sont les associations culturelles, sportives, féministes qui vont payer l’addition, pendant que les ultra-riches ne contribueront qu’à hauteur de 1,3 milliard sur les 44 exigés. »

Le droit devient un luxe

Au CIDFF de Loir-et-Cher, la situation est à peine plus stable. Pour l’heure, les subventions 2025 sont promises pour septembre, mais la certitude reste maigre. « Habituellement, nous les recevons en juin. Là, il a fallu faire patienter tout le monde. » D’autres départements de la région, comme le Loiret ou le Cher, ont dû contracter des prêts pour payer les salaires. Sur le plan national, 25 CIDFF ont d’ores et déjà fermé leurs permanences juridiques — souvent les seules structures d’accès au droit en zone rurale. « Et ce n’est pas anodin : ce sont des femmes, souvent isolées, qui en paient le prix. »

Le CIDFF 41, avec ses 7 salarié·es, mène chaque année 1200 entretiens avec des femmes, et plus de 600 avec des hommes. Il intervient également dans le cadre de 85 parcours de réinsertion professionnelle, anime 94 séances collectives d’information, et travaille avec une trentaine de partenaires locaux. Ses domaines d’action touchent à l’accès au droit, à la lutte contre les violences, à l’égalité professionnelle, à la parentalité, et à l’éducation à la vie affective et sexuelle.

Mais la subvention d’État reste figée depuis cinq à dix ans. Des crédits spécifiques — pour les journées du 8 mars ou du 25 novembre — pourraient, eux aussi, disparaître. Bernadette Buteau, présidente du CIDFF 41, précise : « On nous demande de boucler les projets, sans savoir si les budgets seront là. Avancer à l’aveugle devient la norme. »

« Il reste quoi, après nous ? »

Dans ce chaos programmé, une constante : le tissu associatif joue encore, envers et contre tout, un rôle de filet social. « Nous accueillons aussi des femmes sans papiers, ou en situation de grande précarité, souvent invisibles. » Le Planning travaille main dans la main avec des structures comme la Cimade ou le CADA.

De son côté, l’accueil de jour Artémisia, à Blois, fonctionne désormais avec une seule salariée. « C’est du surtravail permanent. J’assure seule les entretiens, les projets, la coordination, l’écoute, les animations. »

Face à ce désengagement institutionnel, les trois structures se sont rapprochées, se partagent les relais, les orientations, les soutiens. Quand le Planning a besoin d’un accompagnement juridique, c’est le CIDFF. Quand le CIDFF doit orienter sur les violences, c’est le Planning. Quand les deux saturent, c’est le Collectif qui prend le relais. Mais pour combien de temps encore ?

L’alerte ne s’arrête pas là. Le 28 septembre, journée internationale pour le droit à l’avortement, sera l’occasion d’un rassemblement. Le 11 octobre, une nouvelle journée féministe et de défense du monde associatif est prévue. En attendant, les trois structures lancent un appel à la lucidité. Parce qu’il n’y a pas d’État social sans elles. Parce qu’il n’y a pas d’accès au droit sans juristes. Pas d’émancipation sans éducation. Pas de santé sexuelle sans prévention. Et surtout : pas de démocratie sans égalité. Car ce qui est en train de s’effondrer dans le Loir-et-Cher, ce n’est pas une ligne budgétaire. C’est un mur porteur.

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