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Transition écologique : 43 reculs documentés en six mois

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Dans un contexte de records de chaleur précoces, avec des températures avoisinant les 40 °C dès juin, la France poursuit une trajectoire politique paradoxale : alors que les effets du dérèglement climatique se manifestent de manière de plus en plus tangible, l’action publique recule sur presque tous les fronts de la transition écologique. Le Réseau Action Climat, fédération d’associations environnementales, publiait le 24 juin un état des lieux alarmant : en six mois seulement, au moins 43 décisions ou textes de loi ont affaibli les politiques environnementales. Ce processus s’est encore renforcé avec l’adoption définitive de la loi Duplomb, le 8 juillet.

Sous couvert de simplification administrative, de soutien au pouvoir d’achat ou de souveraineté agricole, l’ensemble des piliers de l’action environnementale sont attaqués : climat, biodiversité, qualité de l’air, sobriété foncière, énergies renouvelables, transition agricole. Ce recul général, désormais bien documenté, s’ancre dans une série de décisions convergentes.

Le signal fort de la loi Duplomb

Adoptée le 8 juillet après un ultime vote à l’Assemblée nationale (316 voix pour, 223 contre), la proposition de loi portée par les sénateurs Laurent Duplomb (LR) et Franck Menonville (UC) a valeur de symbole. Elle vise officiellement à « lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur », mais traduit en réalité une permissivité accrue en faveur d’un modèle agricole intensif, au détriment des objectifs sanitaires et écologiques. Réclamée par la FNSEA et Jeunes Agriculteurs, soutenue par la ministre de l’Agriculture Annie Genevard, la loi comporte plusieurs dispositions sensibles.

L’article 2 prévoit la réintroduction temporaire d’un insecticide néonicotinoïde, l’acétamipride, interdit en France depuis 2018. Bien que toujours autorisé par l’Union européenne jusqu’en 2033, son usage avait été suspendu en raison de ses effets délétères sur les pollinisateurs. Désormais réintroduit sous condition de « menace grave pour la production agricole », son autorisation devra faire l’objet d’une clause de revoyure au bout de trois ans, puis annuellement. Le texte rehausse par ailleurs les seuils d’installations classées (ICPE) pour les élevages, facilitant leur agrandissement sans contraintes environnementales équivalentes. Il encourage aussi la construction d’ouvrages de stockage de l’eau, via une présomption d’intérêt général majeur. L’ensemble de ces mesures renforce un modèle productiviste, pourtant responsable d’une part significative des émissions de gaz à effet de serre, des pollutions de l’eau et de l’air, et de la perte de biodiversité.

Un basculement structurel, aux effets multiples

La loi Duplomb s’inscrit dans une dynamique plus large que le Réseau Action Climat qualifie de détricotage méthodique des politiques climatiques et environnementales. Elle constitue un jalon dans un glissement législatif qui voit les régulations existantes remises en cause, les objectifs climatiques affaiblis, et les instruments de la transition amputés de leurs moyens.

Sur le front climatique, la France a décroché de sa trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Les émissions ont peu baissé en 2024, en dépit des engagements de l’accord de Paris. L’objectif de neutralité carbone en 2050 devient de moins en moins crédible sans révision de cap.

Sur le plan budgétaire, le projet de loi de finances pour 2025 a entériné 4 milliards d’euros de coupes dans la transition écologique, ainsi qu’une chute inédite de 37 % du budget de l’aide publique au développement. Le Fonds vert, censé soutenir l’adaptation des territoires aux effets du changement climatique, est réduit de moitié.

Du côté des mobilités, les Zones à Faibles Émissions (ZFE), dont la mise en place dans plusieurs agglomérations a permis des progrès réels en matière de qualité de l’air, sont remises en cause. L’Assemblée nationale a voté leur suppression sans proposer d’alternative. Simultanément, les aides aux véhicules électriques ont été réduites de 1,5 à 0,5 milliard d’euros, et le Plan Vélo, divisé par cinq.

Dans le domaine de la rénovation énergétique, l’annonce brutale de la suspension de MaPrimeRénov’, principal dispositif d’aide aux rénovations globales, a déstabilisé un secteur qui représentait 250 000 emplois potentiels à l’horizon 2030. Le gouvernement justifie cette décision par la nécessité de « débouclériser » le budget, mais les effets concrets sont immédiats : chantiers stoppés, entreprises fragilisées, ménages précaires privés d’accès à la rénovation de leur logement.

En matière de production énergétique, plusieurs signaux convergent pour affaiblir la dynamique des énergies renouvelables. Le gouvernement a abaissé les objectifs de la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), notamment sur le solaire photovoltaïque en toiture. Des amendements issus du Rassemblement National, visant à instaurer un moratoire sur l’éolien et le solaire, ont reçu le soutien d’une partie du bloc central. L’objectif européen de 44 % d’énergies renouvelables d’ici 2030 est remplacé par une cible de 58 % d’énergie « décarbonée », intégrant le nucléaire et le gaz avec capture carbone.

Enfin, la politique de sobriété foncière, incarnée par l’objectif de Zéro Artificialisation Nette (ZAN), est menacée par une série de dérogations, notamment dans la loi de simplification de la vie économique. Le projet de loi prévoit d’exclure certaines infrastructures industrielles du calcul d’artificialisation, et plusieurs amendements visent à reporter ou supprimer l’objectif intermédiaire de 2031.

Des effets immédiats

Ces reculs ne se traduisent pas seulement par des retards dans les trajectoires écologiques : ils ont des conséquences concrètes et immédiates sur la vie quotidienne. Les plus vulnérables sont les premiers touchés : les personnes âgées, les ménages aux bas revenus habitant des logements mal isolés, les enfants exposés à une pollution de l’air persistante, les personnes en situation de précarité énergétique. La dégradation de la qualité de l’air est responsable de 40 000 décès annuels en France. La suppression des ZFE, en l’absence de solutions alternatives, pèsera lourd sur la santé publique et sur les finances de l’État, déjà condamné à verser des amendes pour non-respect des normes européennes.

La biodiversité, quant à elle, est fragilisée par une série de dispositions remettant en cause les protections existantes. L’article 31 de la loi d’orientation agricole, censuré par le Conseil constitutionnel, prévoyait une dépénalisation partielle de la destruction d’espèces protégées. D’autres textes permettent désormais de qualifier certains projets industriels de « projets d’intérêt national majeur », leur permettant de déroger aux obligations de compensation écologique.

L’inaction en matière de transition écologique a et aura un coût : il est estimé à plus de 10 % du PIB annuel selon l’ADEME, en cas de réchauffement supérieur à 3,5 °C.

Le second semestre 2025 s’annonce décisif. Plusieurs textes législatifs majeurs sont attendus, dont le projet de budget 2026. Face à cette dynamique, le Réseau Action Climat en appelle à un sursaut de responsabilité politique. L’intérêt général suppose une réorientation rapide et cohérente des politiques publiques.

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