À Blois, Olivier Durand-Mille fait revivre Florimond Robertet

Ce mercredi 7 mai 2025 (18h), grâce à la Société des Sciences et Lettres de Loir-et-Cher (SSLLC), Olivier Durand-Mille tiendra une conférence sur Florimond Robertet, à Blois, salle Kléber Loustau de l’Hôtel du Département. L’occasion pour l’ancien journaliste du Figaro de redonner toute sa place à une figure centrale de l’État royal entre la fin du XVe et le début du XVIe siècle, injustement reléguée dans les marges de l’historiographie. L’auteur de Robertet. L’ami français de Machiavel (Editions de la Bisquine) revient en détail sur ce personnage clef de la diplomatie française, au service de trois rois successifs : Charles VIII, Louis XII et François Ier.

Les sources concernant Florimond Robertet sont étonnamment rares, malgré le rôle majeur qu’il joua dans les affaires du royaume. Pourquoi ? « Il a travaillé comme un cheval toute sa vie », souligne Olivier Durand-Mille. « Mais, il n’a pas écrit de souvenirs, ni de livres personnels. Il ne s’est jamais arrêté pour parler de lui. » À cela s’ajoute une lacune historiographique : « À cette période précise, il n’y a pas de grands chroniqueurs. Avant lui, il y avait Philippe de Commynes. Après, d’autres. Mais pas dans cet entre deux. Et puis, les historiens se sont moins intéressés à cette époque, parce qu’elle n’est pas très glorieuse : on a lancé les guerres d’Italie, et toutes ont échoué. »
La postérité a longtemps peiné à saisir la juste mesure du rôle politique de Florimond Robertet, tant les tentatives d’interprétation ont été brouillées par des anachronismes. Certains historiens ou commentateurs ont voulu le dépeindre en ministre des Affaires étrangères, voire en Premier ministre, des fonctions qui, sous l’Ancien Régime, n’existaient ni dans leur appellation ni dans leur organisation moderne. Pourtant, à l’examen attentif de ses charges et de son influence, ces analogies trouvent une certaine légitimité.
Florimond Robertet, sans jamais porter ce titre, fut de fait le principal artisan de la diplomatie française durant une grosse trentaine d’années. Il traitait directement avec les ambassadeurs, négociait les alliances, concevait les grandes lignes de la politique extérieure et engageait la parole royale. Et si le terme de « ministre » est impropre, l’ampleur de ses responsabilités équivaut à celle d’un ministre des Affaires étrangères contemporain.
Quant à l’exercice du pouvoir exécutif, son rôle fut capital dans les moments de crise. À la fin du règne de Louis XII, puis surtout à l’issue de la défaite de Pavie en 1525, lorsque François Ier fut retenu prisonnier par Charles Quint, Robertet assuma la direction des affaires du royaume aux côtés de Louise de Savoie. Dans les faits, c’est lui qui tenait la barre, pilotant la diplomatie comme les décisions stratégiques. Il n’était pas Premier ministre – la fonction n’existait pas –, mais il en avait des attributions.
Charisme, loyauté, intelligence : les clés d’une longévité politique
Olivier Durand-Mille souligne un trait remarquable de la trajectoire de Florimond Robertet : sa longévité politique hors du commun. « Il a exercé une grande influence dès la fin du règne de Charles VIII, vers 1495, et jusqu’à sa mort en 1534. » Pendant près de quarante ans, il fut l’un des piliers de l’administration royale, sans jamais être relégué dans l’ombre.
Une telle continuité ne s’explique pas seulement par ses compétences techniques ou sa capacité de travail, mais aussi par des qualités humaines que ses contemporains, y compris les plus lucides, n’ont pas manqué de relever. « Est-ce par son charisme ? Son intelligence ? Sa loyauté ? Peut-être tout cela à la fois », résume Durand-Mille. À ses yeux, la reconnaissance dont jouissait Robertet tient aussi à la confiance profonde qu’il inspirait. L’humaniste Guillaume Budé en donna un témoignage éloquent dans une lettre adressée au fils du ministre : selon lui, Robertet était « le seul courtisan à savoir être un véritable ami » et il ne connaissait à la cour « personne de plus franc que lui ». Cette droiture, alliée à une finesse politique rare, explique sans doute pourquoi il sut gagner et conserver l’estime de trois rois successifs.
Robertet et Machiavel, entre diplomatie et respect mutuel
C’est dans un contexte diplomatique tendu entre la France et Florence que Robertet croise Machiavel. « Florence avait retiré ses ambassadeurs après un conflit autour de Pise. Louis XII voulait arranger les choses. Florence envoie un jeune diplomate, Machiavel. C’est Robertet qu’il trouve en face de lui. Ils se rencontrent à plusieurs reprises, et ils ont eu de bons rapports. »
Une ascension familiale emblématique
L’ambition sociale de Robertet se traduit aussi dans la pierre. « Il a fait construire l’hôtel d’Alluye, à Blois, la plus belle bâtisse de la ville à l’époque. » Il acquiert ensuite le château de Bury. « A cette époque, intégrer la haute noblesse suppose de posséder un château. » Il arrange aussi brillamment les mariages de ses enfants. « Sa fille épouse un comte de Rostaing, et l’une de ses descendantes devient dame d’honneur de la reine sous Louis XIV. »

Fils de Jean Robertet, poète, diplomate et conseiller artistique de Louis XI, Florimond naît vers 1455 dans une famille qui illustre parfaitement l’ascension sociale par le droit et le service du pouvoir. Les Robertet viennent du Forez. « Dès 1378, un Ponchon Robertet est greffier à la châtellenie de Montbrison. Un Jean Robertet est prévôt en 1396. Un autre finit juge au comté de Forez. » L’ascension passe par les charges juridiques, devenues vénales, transmissibles, et donc facteurs de noblesse. « Philippe le Bel a anobli ses légistes en les faisant chevaliers. Les Robertet illustrent ce phénomène. »
Jean III Robertet, le père de Florimond, devient secrétaire du duc de Bourbon, puis de Louis XI. « C’était un humaniste, passionné d’art italien, traducteur de poètes du Quattrocento. » Cette passion influence Florimond : « Il a été marqué par l’art italien, il l’a découvert, connu, et il en a été influencé dans la construction du château de Bury. »
Un croyant sincère
Quant à sa personnalité, elle reste difficile à cerner. « On sait peu de choses. Mais on peut penser qu’il était un croyant sérieux. Il a inscrit des sentences religieuses sur la façade de son hôtel d’Alluye. Il semble avoir suivi d’un bon œil les idées de réforme de l’Église portées par l’Évêque de Meaux. » À sa mort, le poète Clément Marot lui rend hommage. « Il approuvait aussi cette réforme. Cela donne à penser que Robertet partageait ces idées. »
Jusqu’au bout au service du royaume
Florimond Robertet meurt en 1534, après avoir servi jusqu’au bout. « Il était très affaibli, presque aveugle, avec de grandes douleurs. Mais il continuait. Louise de Savoie comptait sur lui au point que, lorsqu’il était malade, elle suspendait tout. » Une fidélité à l’État qui force le respect. « Il a toujours su mener sa carrière sans jamais perdre de vue l’intérêt du royaume. Il s’est consacré jusqu’à son dernier souffle. »
La conclusion d’Olivier Durand-Mille est sans équivoque : « Florimond Robertet devrait avoir une place plus importante dans notre histoire. Elle lui a été jusqu’à présent chichement mesurée. C’est pourtant un homme d’État modèle. »
Une conférence pour réhabiliter un grand serviteur de l’État
Sa conférence, ce mercredi à Blois, Olivier Durand-Mille la veut ciblée. « Il y a trop à dire. Je vais me concentrer sur quelques moments : la conquête de Naples sous Charles VIII, le mariage de Claude de France avec François d’Angoulême — qu’il a rendu possible —, la fin du règne de Louis XII, et la régence après Pavie. »
Organisateur : Société des Sciences et Lettres de Loir-et-Cher. Date/Heure : Mercredi 7 mai 2025 à 18h. Lieu : Salle Kléber Loustau, Hôtel du Département, Blois. Conférencier : Olivier Durand-Mille. Sujet : Florimond Robertet, trésorier de France et ami de Machiavel. Tarifs : 5 € pour les visiteurs. Gratuit pour : les adhérents, les agents du CD41 (avec carte professionnelle), les moins de 26 ans.