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Du fleuve à Beethoven : les chemins de création d’Anne Boisaubert

En mai 2025, la Galerie d’Art Wilson, à Blois-Vienne, accueille (lire ici) parmi ses artistes invités Anne Boisaubert, sculptrice dont l’œuvre, à la fois profondément incarnée et exigeante, se construit à l’intersection de l’histoire, de la musique, de la littérature et du sacré. Rien ne prédestinait cette ancienne cadre export à l’international à emprunter le chemin de la sculpture, si ce n’est ce qu’elle nomme « un coup de cœur » — une révélation survenue lors d’une exposition à Jouy-le-Potier il y a une quinzaine d’années. Ce jour-là, devant le travail d’un sculpteur inconnu, elle se surprend à demander : « Est-ce que vous donnez des cours ? »

Depuis, elle n’a plus quitté la terre. Ses premiers gestes s’exercent dans son salon, autour d’une table improvisée, puis elle suit des cours du soir aux Beaux-Arts d’Orléans durant trois ans et se forme auprès de la sculptrice Colette Grande. Elle ouvre son propre atelier en 2010, qu’elle nomme son « antre ». Elle y travaille sans interaction extérieure, dans le recueillement, souvent accompagnée de musique, habitée par des thèmes qu’elle explore longuement et méthodiquement.

Un art nourri par l’histoire, la littérature et la musique

Car Anne Boisaubert ne conçoit pas la création sans une immersion intellectuelle et émotionnelle. « Pour moi, il faut que chaque œuvre ait un sens, qu’elle transmette quelque chose, une valeur, un message. Il y a toujours une histoire derrière. » Cette exigence se traduit par une intense phase de recherche préalable. Pour son cycle autour de Beethoven, elle consacre plus de deux ans et demi à étudier le compositeur, à écouter l’intégralité de ses œuvres, à lire une trentaine d’ouvrages sur sa vie, sa pensée, son époque. L’idée naît d’une annonce radiophonique : « Janvier 2020, j’entends que c’est le 250e anniversaire de sa naissance. Je me dis : c’est mon compositeur préféré, je ne peux pas ne pas lui consacrer mon année. » Le travail aboutit à plusieurs sculptures, dont L’Hymne à la joie et La Lettre à l’immortelle bien-aimée.

Cette dernière s’inspire d’un texte authentique de Beethoven, rédigé en juillet 1812, peu connu du grand public. La sculptrice le découvre à travers ses lectures et le transpose en une série composée de quatre figures féminines représentant autant d’états amoureux : la félicité, l’attente, le manque, puis l’allégresse. Chacune incarne un moment de la lettre, dans un geste, une posture, une expression, un vêtement d’époque rigoureusement documenté. « Il faut que ça me fasse vibrer. Sinon, je ne peux pas créer. »

Allégresseanne-boisaubert.fr

La sculpture comme acte de mémoire

L’un des fondements du travail d’Anne Boisaubert est la volonté de réhabiliter des figures oubliées. C’est le cas de Jean de Dunois, compagnon d’armes de Jeanne d’Arc, dont elle réalise en 2022 le premier buste jamais commandé en France, pour la Ville de Châteaudun. « Grâce aux recherches, j’ai découvert que ce n’était pas seulement un chef de guerre. C’était un grand chambellan, un diplomate, un lettré, un danseur. Il fut un personnage extrêmement célèbre de son vivant. Aujourd’hui, il est totalement oublié. »

Cette volonté de faire lumière sur l’oubli irrigue également son œuvre Requiem de Loire, hommage à tous les disparus du fleuve royal. Pendant quatre années, l’artiste étudie l’histoire de la Loire, découvre ses drames — les noyades des mariniers sous les ponts, les naufrages des barges à fond plat, les morts anonymes et les grandes tragédies historiques comme la « baignoire nationale » à Nantes. « J’ai voulu représenter la Loire non pas comme une figure assassine, mais comme une mère, une Madone qui berce ses morts et nous les remet à la mémoire. »

Une projection spéciale le 24 mai à la Galerie Wilson

Samedi 24 mai 2025 à 20h, Anne Boisaubert proposera à la Galerie d’Art Wilson une projection intitulée Une œuvre, de l’idée au bronze final. À travers environ 140 photographies et courtes vidéos commentées en direct, elle invitera le public à suivre l’ensemble du processus de création d’une sculpture, depuis les premières inspirations jusqu’aux étapes minutieuses de la fonderie d’art. « Je vous emmène dans mon atelier, puis dans la fonderie. Ce que je veux transmettre, c’est tout ce que cela implique. Beaucoup de gens me disent ensuite qu’ils ne verront plus jamais un bronze de la même façon. »

L’entrée est libre et gratuite dans la limite des places disponibles. La réservation est conseillée à l’adresse suivante : spectacles.galeriewilson@gmail.com.

Anne Boisaubert
Anne Boisaubert à la Galerie Wilson

Une œuvre habitée, une transmission incarnée

Anne Boisaubert ne sépare jamais le geste sculptural de la profondeur du vécu et de la mémoire. Elle dit vouloir « rendre hommage », et peut-être aussi « rendre justice ». Qu’il s’agisse de figures historiques, de compositions inspirées par la musique, ou de méditations sur le fleuve et ses morts, ses sculptures s’inscrivent dans un rapport intime et exigeant au monde. Son travail repose autant sur la maîtrise de la matière que sur la rigueur intellectuelle, et se donne toujours pour but une transmission. « Il faut avoir envie. Il faut un élan. Créer est difficile. Mais si vous avez la foi dans ce que vous faites, alors tout devient possible. »

Pour en savoir plus : anne-boisaubert.fr

l'amour qui s'éprouve

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