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Brèches #2 : la baston comme geste poétique

Fondée à Blois, la revue littéraire Brèches vient de faire paraître son deuxième numéro, intitulé « Baston générale ». Un thème venu d’une discussion informelle entre amis, devenu le fil conducteur d’un projet de plus en plus collectif, international et protéiforme. Lors d’une soirée de lancement à la Fondation du Doute, les quatre membres du comité de rédaction sont revenus sur le sens de leur démarche.


« On était dans un bar, à l’Enjoy, et je ne sais plus comment ça s’est passé… Il y avait eu une soirée un peu mouvementée. On en parlait avec Thierry et tout d’un coup on a eu cette idée : Baston générale. On s’est dit : c’est génial », se souvient Anne-Sophie Perraudin. L’enthousiasme est immédiat : « J’ai ouvert mon livre, un Padura, et j’ai écrit « Baston générale » dedans. C’est toujours écrit « Baston générale » », sourit-elle. C’était il y a plus de neuf mois. Depuis, la formule a pris forme, s’est incarnée dans 70 pages mêlant textes, visuels, traductions et poésie.

Pour ce second numéro, la revue Brèches, apparue en 2022 à Blois, s’est donné un thème large, presque brut. Mais loin d’assigner un mot d’ordre, le titre a agi comme un déclencheur. « On donne une thématique, mais après, Baston générale, ce n’est pas la même chose pour tout le monde. Il y en a qui sont en colère, d’autres moins. Chacun sa baston, chacun sa façon d’appréhender le conflit », explique Françoise Pinet. Le comité de rédaction, resserré à quatre personnes depuis le premier numéro, affine progressivement ses choix. « On va plus précisément vers ce qu’on veut faire, autant pour les textes que pour les visuels ».

Une revue qui cherche

Le ton est donné. Noir, blanc, dessin, photographie, aplats de couleur, surgissements de collages. Les textes viennent d’un peu partout, certains ont été écrits pour l’occasion, d’autres sélectionnés dans des recueils déjà parus. La matière visuelle s’est étoffée : « Il y a plus de peinture, de dessins. On a changé le papier, on a cherché une couverture plus marquée. On voit bien que d’un numéro à l’autre, on est en train de chercher un chemin. Je ne sais pas si on va arriver quelque part, mais c’est plus intéressant comme ça », analyse Çağla Usta.

Un chemin de traverses, donc, mais qui s’organise. Le deuxième numéro de Brèches marque aussi une évolution formelle. « Il y a plus de couleurs. Sur le précédent, le papier buvait l’encre et ternissait les teintes. Là, on a enfin trouvé le papier qu’il nous fallait. Quand on compare, la différence saute aux yeux », note Françoise Pinet. Ce souci de fabrication est assumé comme une composante essentielle du projet : « Plus ça va, plus la revue est belle. Il y a une vraie volonté d’en faire un objet », renchérit Anne-Sophie Perraudin.

Un geste collectif, un espace ouvert

Autour du thème, les contributeurs se sont emparés du mot baston avec humour, dérision, gravité ou distance. Anne-Sophie Perraudin cite le texte d’Éric Faillat (p.46), intitulé Boustrophédon : « Il a imaginé une baston générale à l’Académie, avec des petits vieux qui essaient de se taper dessus sans y arriver. C’est drôle, absurde, très réussi ». Franck Charlet propose des dessins autour de la boxe : « Ses images et ses textes sont un peu perchés, ça va dans tous les sens, mais c’est ça qui est beau. C’est cohérent dans l’incohérence », dit-elle encore.

L’internationalisation du projet se confirme. Des textes venus du Mexique ou de Turquie se mêlent aux propositions françaises. « Ce sont parfois des poèmes déjà publiés, mais on a sélectionné ceux qui nous semblaient proches du thème. Certains peuvent sembler éloignés, mais on y a trouvé quelque chose qui nous parlait », poursuit Anne-Sophie Perraudin. « Il y a des souvenirs d’enfance, de la vivacité, c’est très dynamique ».

Thierry Thurmel évoque les liens profonds qui se tissent avec le Mexique : « Depuis deux numéros, on a reçu plus d’une quinzaine de poèmes mexicains, dont certains n’avaient jamais été traduits en français. C’est en train de devenir un vrai échange ». Un voyage est en préparation. « Il y a un poète qui fait le lien entre là-bas et ici, et on est en train de construire un projet pour aller là-bas ». L’élargissement continue : un auteur allemand de haïku pourrait bientôt rejoindre l’aventure. « C’est peut-être ça qui fera la richesse des prochains numéros », glisse Anne-Sophie Perraudin. « On peut encore faire mieux, même si là, franchement, je ne vois pas comment », admet-elle en souriant.

Brèches Blois

De la page à la scène

Brèches dépasse désormais le format de la revue. Pour accompagner les publications, le collectif organise des soirées, des concerts, des lectures théatralisées. Le spectacle Je te Brèches, mis en scène par François Frapier, présenté Galerie Wilson et lors de la soirée de lancement à la Fondation du Doute le 22 mars, donne à entendre et voir des textes de Ghérasim Luca, Charles Bukowski, Orhan Veli, Nazim Hikmet, Édouard Glissant, Antonin Artaud ou Mahmoud Darwich. « On adore faire ça. Au début, c’était pour financer la revue, mais on y a pris goût. Et une fois qu’on aura écumé celui-là, on en fera probablement un autre », confie Anne-Sophie Perraudin.

Brèches Blois

Mais le cœur du projet reste inchangé. « Avant tout, c’est la revue. Tout le reste tourne autour, mais c’est Brèches qui reste le cap principal ». Un cap tenu avec rigueur, sens du détail, et une joie communicative. « Quand on reçoit les exemplaires, c’est frénétique. On ouvre le carton, on se jette dessus, on vérifie s’il n’y a pas de défaut… Et là, non : zéro défaut. Il est parfait. Mais on est toujours fébriles avant la sortie », dit-elle encore.

Le numéro 2 a été tiré à 100 exemplaires. Il est disponible à la Galerie Wilson, à la librairie Labbé, chez l’Espace culturel Leclerc, chez le bouquiniste et dans quelques autres points de vente à Blois. « Le numéro zéro est épuisé. Il n’y en a plus du tout. Le numéro 1, il en reste quelques-uns. Celui-là aussi part vite », précise-t-elle. L’objectif, désormais, est de revenir à un rythme semestriel. « Ce numéro-là nous a pris neuf mois. Le prochain devrait sortir dans six mois. On va essayer ».

Brèches #2 un lieu d’ébullition, de convergence et d’éclatement. Une baston générale dans les cadres, selon la formule de Thierry Thurmel : « Comme la boxe. Il y a des règles, c’est cadré, mais à l’intérieur, c’est intense ». Et sans doute, nécessaire dans le contexte actuel. « J’espère que la poésie, les projets de poésie, peuvent apporter autre chose que la peur et l’angoisse. La poésie ici, encore une fois, c’est une nécessité, pas un luxe. C’est un besoin d’ouvrir des perspectives belles ».

La page Facebook de Brèches : facebook.com

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