1.2.3... Les informationsAlimentationEconomieEuropeFranceVie locale

Ce que les agriculteurs de Loir-et-Cher sont venus clamer à Blois

Les agriculteurs de Loir-et-Cher, comme d’autres dans le pays et ailleurs en Europe, sont en colère. Et ce mercredi 24 janvier 2024 ils ont voulu le faire savoir au gouvernement, mais également à tous les citoyens. Après des opérations escargot toute la matinée, le point de ralliement pour la centaine de tracteurs était vers 11h face à la Préfecture, représentant de l’Etat. Le tout étant organisé par la FDSEA de Loir-et-Cher et les Jeunes Agriculteurs du département.

opérations escargot

FNSEA et Jeunes Agriculteurs attendent un Pacte et la Loi d’Orientation et d’Avenir Agricoles (PLOAA) à la hauteur des enjeux de transmission des exploitations, d’attractivité des métiers agricoles, d’adaptation au changement climatique. Une « quarantaine de revendications claires » pour répondre à la situation actuelle sont avancées.

« Il est crucial de décider rapidement, prévient un agriculteur. J’espère que cela sera fait avant la fin de la semaine, car nos exploitations souffrent actuellement d’un problème de trésorerie, un souci exacerbé par l’effet ciseau que nous connaissons. Toutes les exploitations vont souffrir. Pour aider, le gouvernement pourrait décider d’une année blanche et nous aider sur les prêts de trésorerie, plutôt que de proposer des prêts à court terme à 6%, ce qui est très compliqué. Ils peuvent le faire rapidement, et je pense que cela calmerait un peu la situation, mais cela ne suffira pas. Il est aussi nécessaire de simplifier les choses. Il faut arrêter avec les contrôleurs qui agissent comme des cow-boys. La pression est énorme, surtout pour les jeunes agriculteurs qui sont déjà sous contrôle plus d’une fois dans l’année. »

Xavier Pelletier, le Préfet de Loir-et-Cher, était au contact pour assurer aux agriculteurs qu’il était à l’écoute et à la manœuvre, comme l’Etat en général. « Le gouvernement a demandé aux préfets des départements de faire remonter du terrain l’ensemble des éléments sur lesquels il faudrait très rapidement avancer, a expliqué Xavier Pelletier. Nous, nous avons eu une rencontre très constructive dimanche. C’était un dialogue intelligent et pertinent. Maintenant, il est important de trouver des solutions avec tous les acteurs du département. Je prendrai ma part de responsabilité pour essayer de surmonter les blocages, surtout quand cela relève du niveau départemental. L’assouplissement des normes est un sujet complexe qui nécessite une approche coordonnée entre les différents niveaux de gouvernance. Nous ne devons jamais oublier ce que les agriculteurs nous apportent au quotidien et ce qu’ils représentent pour le pays. »

agriculteurs 41

« Pour lutter contre la déprise agricole et favoriser l’installation de jeunes agriculteurs, j’ai un projet de foncière agricole. L’ambition est de permettre à ces jeunes de bénéficier de terres avec une logique de location et une option d’achat sur 15 à 20 ans, afin de faciliter leur installation. Nous travaillerons également avec la région, a fait savoir le Préfet. En avril prochain, j’organiserai des assises de l’eau pour, avec l’ensemble des acteurs, faire un état des lieux sur les usages de l’eau, en vue d’une meilleure gestion de cette ressource et pour anticiper les périodes d’abondance ou de sécheresse. L’objectif de ces assises est d’échanger avec tous les acteurs et de trouver des solutions adaptées au département. Par exemple, nous collaborerons avec l’INRAE pour expérimenter une agriculture plus durable et résiliente à l’échelle du département, en gardant à l’esprit que les cultures doivent correspondre à des marchés rémunérateurs pour les agriculteurs. Mon souhait est que notre département soit en avance en termes d’expérimentation et d’innovation, et que nous puissions trouver un terrain d’entente qui rassemble tous les acteurs, de la production à la distribution. Je pense aussi à l’importance d’augmenter les circuits courts dans le département, notamment en favorisant l’utilisation des produits locaux dans les cantines, qu’elles soient publiques ou privées. Il est essentiel de reconnecter la consommation avec la santé humaine et la saisonnalité, en réapprenant aux consommateurs qu’il existe des cultures propres à chaque saison. »

François-Xavier Rone

« Nous ne sommes pas là pour négocier ou quémander une éventuelle mesure. Aujourd’hui, nous sommes ici pour que ça change, après avoir posé un diagnostic dimanche dernier en préfecture et demandé de vraies solutions pour l’agriculture française. Premièrement, notre place dans la société doit être réellement reconnue. Le gouvernement ne doit pas occulter que le maillon premier de la chaîne assurant la souveraineté alimentaire, c’est nous, ici et partout sur le territoire », a déclaré François-Xavier Rone, céréalier à Villeromain, président de la FDSEA 41. « On doit arrêter de se moquer de nous et des consommateurs. Ensuite, concernant le revenu et la compétitivité de nos filières, qu’attend-on de nous ? De continuer à régresser jusqu’au point de ne plus exister, ou va-t-on nous donner les moyens de lutter contre la concurrence déloyale que nous subissons ? Nous allons continuer à nous sentir persécutés au quotidien à cause des problèmes liés à la PAC, de la lourdeur administrative et des directives venues de Paris qui bloquent en permanence nos gestes dans l’exercice de notre travail. »

« Bref, laissez-nous travailler. On marche sur la tête. Monsieur le Premier Ministre, n’attendez pas que la colère devienne incontrôlable. Nous voulons enfin des actes en face des paroles. La balle est dans votre camp, a lancé le président de la FDSEA 41. C’est pour cela que, dans la continuité des panneaux retournés, nous poursuivons les actions, de plus en plus fortes et grandes, avec une mobilisation de plus en plus nombreuse. Et c’est ce qui se confirme aujourd’hui pour sauver notre métier, sauver nos exploitations, sauver notre département et notre pays. »

Jeanne Hermant, présidente des Jeunes Agriculteurs de Loir-et-Cher

Jeanne Hermant, présidente des Jeunes Agriculteurs de Loir-et-Cher (JA 41), qui a montré une bonne mobilisation ce mercredi matin, a ensuite pris la parole. « Il y a quelque chose d’important à rappeler : nous sommes la base de l’alimentation. Notre métier est le plus important pour le bon fonctionnement d’un pays. Nous faisons un métier passionnant, nous ne comptons pas nos heures, et notre satisfaction se trouve dans des petites choses, comme une pousse qui a bien mûri ou une très bonne récolte. Nous sommes indispensables à la vie humaine, car nous produisons ce que tout le monde consomme, au moins trois fois par jour. Pourtant, nous sommes les grands oubliés du gouvernement, les incompris d’une population qui s’éloigne de plus en plus de la campagne. Tout le monde a son mot à dire sur l’agriculture, veut nous donner des leçons, mais peu comprennent réellement notre métier. On devrait nous applaudir quand on passe avec nos tracteurs, nous féliciter quand on nous croise, juge Jeanne Hermant. L’enjeu est considérable : la moitié des agriculteurs partent à la retraite. Qui prend la relève ? Comment installe-t-on des jeunes dans un contexte incertain, avec une accessibilité en foncier compliquée, un manque de reconnaissance du gouvernement et de la population ? »

L’eau

Les syndicats soulignent l’importance d’assurer un juste revenu pour les agriculteurs, en plus de se concentrer sur les questions liées aux prix agricoles, à l’eau et à l’utilisation des produits phytosanitaires.

Secrétaire général de la chambre d’Agriculture de Loir-et-Cher, Camille Lecomte a abordé la question de l’eau : « En tant que référent sur le sujet de l’eau, je souligne que l’accès à l’eau est primordial. Nous sommes tous engagés à conserver au mieux cette ressource. Toute cette eau que l’on voit passer sans pouvoir la retenir est un problème car on nous met des obstacles. Il se peut que l’eau qui est tombée maintenant ne soit plus accessible pendant les périodes estivales. Nous ne pouvons pas produire sans eau. Donc, laissez-nous la possibilité de conserver cette ressource vitale. J’espère que la simplification annoncée par nos ministres et nos gouvernements se traduira par des actions concrètes », dit l’agriculteur de Verdes.

Concernant la gestion de l’eau, « nous avons de grosses difficultés, comme on peut le voir pour nos irrigations et nos cultures industrielles, qui sont nécessaires à notre économie, commente un autre agriculteur. Lorsqu’on veut créer une réserve collinaire (bassines), c’est un véritable parcours du combattant. » Et il ajoute : « Les contraintes environnementales sont de plus en plus pesantes, malgré les efforts faits en agriculture, notamment dans la filière céréalière. En plus de cela, nous faisons face à la concurrence et au réchauffement climatique. Nous avions un bon ministre avec Julien Denormandie, mais celui-ci ne fait pas grand-chose et semble marcher à reculons. Le réchauffement climatique est souvent traité de manière punitive envers les agriculteurs, avec des lois restrictives. »

agriculteurs

Les contrôles

La FNSEA et les JA mettent en avant la nécessité de simplifier les contrôles, de réduire la sur-administration et de revoir les normes qui pèsent sur les agriculteurs.

« On se sent traités comme des criminels quand ils débarquent avec leur pistolet dans nos cours de ferme après nous avoir observés pendant plusieurs jours avec des jumelles », explique Jeanne Hermant, présidente des JA 41. « Nous ne disons pas non aux contrôles, mais nous ne voulons pas avoir constamment le sentiment d’avoir mal fait notre métier. Un jeune agriculteur se fait souvent contrôler dès la première année d’installation, et parfois plusieurs fois dans l’année, ce qui met une pression assez forte. On n’apprend pas un métier du jour au lendemain, on a besoin d’expérience. Tout le monde fait des erreurs, surtout lorsqu’on prend l’initiative de lancer une entreprise et de prendre des risques au quotidien. »

« Nous voulons bien respecter les normes, mais il faut aussi un peu d’empathie, ajoute un agriculteur. Les contrôleurs ne connaissent pas toujours les réalités familiales des fermes où ils interviennent. On se sent parfois traités comme des criminels, ce qui est incompréhensible. On peut faire des erreurs, mais on est là pour produire. »

Concurrence déloyale

La FNSEA soulève enfin ses inquiétudes concernant la concurrence déloyale dans le secteur agricole. Elles incluent des questions telles que les différences de normes de production et de réglementation entre les pays, les effets des importations de produits agricoles étrangers sur les marchés locaux, et l’impact des accords commerciaux internationaux sur l’agriculture française.

« Nous sommes probablement l’une des seules professions où l’on retrouve une concurrence déloyale dans les rayons des supermarchés, juge Jeanne Hermant, présidente des JA 41. Nos produits doivent respecter des normes que d’autres ne suivent pas. Dans certains secteurs de l’industrie, cela entraînerait des procès. Il va falloir se réveiller, car ce n’est pas seulement quand nos anciens auront arrêté leur métier et que personne n’aura pris la relève que certaines filières françaises disparaîtront. Je pense à l’élevage, à l’arboriculture, et à d’autres secteurs qui seront délaissés au profit d’une agriculture importée qui ne respecte pas nos normes. Nous sommes là aujourd’hui pour le dire, pour le montrer. »

« Je me demande ce que fait notre ministre quand il défend notre cause à Bruxelles, confie un agriculteur. La loi EGAlim pourrait être formidable si elle était appliquée correctement. Mais on l’ajuste et on la bidouille sans arrêt. On a envoyé les PME négocier avant les grands groupes industriels, ce qui est complètement aberrant. C’est comme envoyer des enfants se battre avant les adultes à Verdun. On leur donne des fusils en bois et ils doivent se débrouiller. Dans la loi, la matière première agricole est censée être non négociable dans les contrats. Sauf que ce sont les industriels qui fixent les prix, ce qui n’est pas favorable aux producteurs. C’est du bidouillage. »

« En plus, on nous impose des normes, mais ce qui vient de l’étranger, même de l’Europe, n’a pas les mêmes normes, ajoute un autre agriculteur. Par exemple, le Canada exporte son blé dur traité au glyphosate, et nous consommons ces produits alors que nous n’avons pas le droit d’utiliser ces substances. Nous sommes prêts à supprimer encore des produits phytosanitaires, mais il faut qu’il y ait quelque chose en face pour qu’on puisse continuer à produire et gagner notre vie. » Et il complète ainsi : « Il y a aussi le problème de la grande distribution et des consommateurs. On trouve tout et n’importe quoi dans les rayons des supermarchés, et si on ne regarde pas l’origine des produits, on ne sait pas ce qu’on achète. C’est une concurrence déloyale, comme pour la volaille. Les gens ne veulent pas de poulet industriel produit ici, mais ils achètent du poulet industriel importé d’Inde avec des normes bien différentes des nôtres. L’État encourage la production labellisée, mais ensuite, les produits sont trop chers et les gens ne les achètent pas. Il faut être logique, nous n’avons pas les mêmes aides que certains pays étrangers. »

« Nous sommes mobilisés pour l’avenir de l’agriculture. Nous y croyons, alors donnez-nous les moyens », dit enfin la présidente des JA 41.

Votre annonce sur Blois Capitale

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Bouton retour en haut de la page
Blois Capitale

GRATUIT
VOIR