Geneviève Emonet, une soprano lyrique incontournable

Que ce soit avec le « Duo des fleurs », l’« Ensemble Angeli », ou sous d’autres formes, Geneviève Emonet est une soprano lyrique incontournable dans le Loir-et-Cher. Comédienne et auteure, elle a réalisé des adaptations de contes et d’opéras pour enfants, telles que « La Flûte enchantée » ou « Peau d’Âne ». Elle se produit régulièrement dans des lieux prestigieux, comme prochainement à l’église de Chambord (15 août) ou à la cathédrale Saint-Louis (18 août). En outre, Geneviève Emonet prépare actuellement une adaptation du « Barbier de Séville » de Rossini. Ce qui correspond à son engagement artistique et éducatif de rendre la musique accessible à toutes et tous, en particulier les jeunes générations. Entretien.
Blois Capitale : Vous aimez éveiller les jeunes à la musique classique. Quelle fut votre première émotion musicale ?
Geneviève Emonet : Mon souvenir en tant qu’enfant, c’est la Reine de la nuit, le fameux air très perché dans La Flûte enchantée, que je m’amusais à chanter à tue-tête en allant à l’école. Je devais être en primaire, probablement vers 8-9 ans. Je dirais également le fait d’avoir chanté au sein d’une chorale le cantique de Jean Racine de Gabriel Fauré. Il faut dire que j’ai eu la chance d’être dans une famille qui apprécie la musique. Mes parents n’étaient pas musiciens professionnels, mais ils étaient choristes… plus qu’amateurs, et ils nous emmenaient souvent à la chorale. Au début, nous écoutions, puis nous avons commencé à chanter.
Blois Capitale : Vous avez débuté par le chant ou des instruments ?
Geneviève Emonet : J’ai suivi une formation au conservatoire de Blois. J’étais attirée par le hautbois, je trouve que cet instrument a une sonorité incroyable, notamment dans les œuvres d’Albinoni. Le hautbois m’a permis de développer du souffle. Je n’étais pas une virtuose, mais je me débrouillais bien. En réalité, je préférais énormément le chant, mais à l’époque, il n’y avait pas de cursus vocal au conservatoire. Au fond de moi, j’avais toujours cette envie de chanter et j’ai fini par me tourner vers le chant en tant qu’étudiante à Paris, où j’ai été repérée dans une chorale et j’ai commencé à faire des solos. Quand je suis revenue à Blois, la section chant était ouverte et j’ai pu me professionnaliser grâce à d’excellents professeurs. On a la chance d’avoir Floriana Pezzolo qui est incroyable.
Blois Capitale : Mais il y a eu une parenthèse sans musique dans votre vie…
Geneviève Emonet : J’ai arrêté la musique pendant un temps lorsque j’ai eu des enfants. Quand je suis revenue à Blois, après avoir passé un an en Équateur pour un projet de développement, j’étais très prise par la vie de famille. Pourtant, chaque fois que j’ouvrais la radio et entendais du chant, j’avais une boule dans le ventre. J’avais besoin de chanter à nouveau. J’ai eu la chance d’avoir une famille et un conjoint qui m’ont soutenu dans cette reprise, car ce n’était pas un choix facile. Cela m’a donné des ailes.

Blois Capitale : Le chant est vital pour vous ?
Geneviève Emonet : C’est vital pour moi. Mais, je n’avais jamais envisagé de faire de la musique professionnellement. Il fallait avoir un métier sérieux… (rires)
Blois Capitale : S’écarter de la musique a généré une frustration ?
Geneviève Emonet : Effectivement. Ce n’était toutefois pas catastrophique, mais il me manquait quelque chose. Et puis, on n’ose pas. Il y a le syndrome de l’imposteur : est-ce que j’ai le droit de faire cela ? Est-ce trop tard ? Cependant, mon but n’était pas de devenir une chanteuse de renommée internationale, mais il y a de la place pour une pratique professionnelle de très bon niveau pour travailler localement. La plus belle récompense, c’est le retour positif des gens qui apprécient ce que nous faisons. J’ai dû jongler avec les exigences familiales au début, surtout avec de jeunes enfants, mais le soutien de mon conjoint a été essentiel. Il a vu à quel point cela m’épanouissait et comprenait que cela me rendait heureuse et, en retour, bénéficiait à la famille.
Blois Capitale : 2015 est une année charnière avec « La Flûte enchantée » ?
Geneviève Emonet : Une adaptation de « La Flûte enchantée » pour enfants, en partenariat avec la compagnie L’Intruse, soutenue par Nathalie Kiniecik, qui a été un beau succès. Un spectacle sur « Peau d’âne » en collaboration avec un compositeur local très doué, Julien Naudin, qui a composé une partition incroyable intégrant de la magie. Nous l’avons ensuite présenté à la Maison de la Magie, puis nous avons créé un autre spectacle autour des contes russes et de la musique de Tchaïkovski, « Vassilissa », avec la collaboration de Nathalie Kiniecik. J’ai eu la chance que Nathalie me fasse confiance et me propose de participer à ses spectacles. Bien que l’art lyrique ne soit pas l’ADN principal de la compagnie L’Intruse. J’adore ce que fait Nathalie, elle est géniale.
Blois Capitale : D’où la création ensuite de l’Oiseau Lyre…
Geneviève Emonet : Nous avons discuté avec les artistes de la nécessité de développer quelque chose dans le domaine avec une identité propre au lyrique. C’est pourquoi l’association l’Oiseau Lyre a été créée. Elle a cette double casquette concert / spectacle musical. Et puis il y a ce clin d’œil au personnage de Papageno dans La Flûte enchantée, qui est un oiseleur, et lyre, lyrique.
Blois Capitale : Quelles sont vos grandes références musicales outre La Flûte enchantée ?
Geneviève Emonet : J’adore Tchaïkovski. Dans le Lac des Cygnes, la partie hautbois me transperce le cœur, elle est magnifique. Rossini aussi, connaît très bien les chanteurs. Travailler ses morceaux est un réel plaisir. C’est truculent, et ce n’est pas pour rien qu’on parle de tournedos Rossini. C’était un bon vivant, qui aimait rire, qui aimait les femmes, qui aimait la bonne nourriture, et cela se ressent dans sa musique. Si vous avez besoin de vous remonter le moral, écoutez du Rossini ! C’est presque garanti, il vous redonnera la patate ! Pour les moments plus mélancoliques, Beethoven est incontournable. Mais pour une dose d’énergie, Rossini c’est parfait (rires). J’aime également beaucoup la période romantique, comme beaucoup de Français. Ce qui est très agréable. Mais je suis également une grande fan de musique baroque, qui est un peu moins présente sur les ondes, bien qu’elle revienne à la mode. Pour notre concert du 18 août, nous avons pris plaisir à choisir Pergolèse, le Stabat Mater, le Quando Corpus qui est à pleurer… et d’autres œuvres moins connues le Salve Regina de Scarlatti, ou Legrenzi. Cette période baroque, il faut le rappeler, fut un choc, avec des changements musicaux profonds qui étaient presque dissonants par rapport à ce qui se faisait avant, un peu comme l’arrivée du rock’n’roll à son époque. C’était disruptif. La musique baroque, on l’adore ou on la déteste. Je fais partie de ceux qui adorent.
Blois Capitale : Écouter ou chanter, quelles sont les différences de sensations ?
Geneviève Emonet : C’est une bonne question parce qu’écouter et chanter, ce n’est pas pareil. J’aime énormément écouter aussi, m’imprégner du timbre des voix qui sont à chaque fois très spécifiques. Lorsque je travaille sur un morceau, j’essaie d’écouter des versions très différentes. C’est incroyable à quel point, bien que ce soit le même compositeur et la même partition, les interprétations peuvent varier en fonction du tempo, de l’intention, et des nuances, menant à des résultats très différents. Chaque chanteur ou interprète a sa propre manière d’être sur scène. Idem pour les musiciens. Par exemple, Vincent Daguet, le violoncelliste avec lequel j’ai la chance de chanter, dégage beaucoup par son jeu et sa présence. C’est vraiment essentiel. Concernant le chant, et c’est pour cela que j’ai envie que les gens chantent, il y a un sentiment de communion, pas forcément au sens sacré, qu’on soit croyant ou non. Et ce que j’aime par-dessus tout, c’est le chant polyphonique. J’apprécie chanter en solo, mais chanter à deux, à trois, à quatre, ou avec une chorale, crée une harmonie comparable à une équipe sportive en parfaite synchronisation. Cela donne un résultat incroyable, qu’on est incapable de produire seul. C’est un sentiment très agréable, qui transcende, surtout quand on est plombé par l’actualité ou des problèmes. Ça fait vraiment du bien à l’âme.
Blois Capitale : Les émotions que vous ressentez en écoutant sont les mêmes que celles que vous ressentez en chantant ?
Geneviève Emonet : Tout à fait. Aline (Pelletier) me disait : quand on est sur scène, il faut chanter comme si c’était la dernière fois, avec autant d’implication, que ce soit dans une maison de retraite ou une cathédrale. Si on veut créer une vocation chez un enfant, il faut y mettre son âme.
Blois Capitale : Quels sont les instants magiques qui vous viennent immédiatement à l’esprit ?
Geneviève Emonet : Des moments magiques, il y en a eu beaucoup. Mais l’un des meilleurs était lors d’un spectacle de La Flûte Enchantée avec des enfants des quartiers nord de Blois, où le retour du public était incroyable. Il y a aussi eu des concerts en polyphonie à la cathédrale, et un moment très spécial lors du Dialogue des Carmélites avec un orchestre. Et honnêtement, lors des dernières répétitions pour le concert à venir, j’ai tellement apprécié que j’aurais pu continuer sans fin. C’est magique même en répétition !
Blois Capitale : Vous avez des objectifs ou rêves ?
Geneviève Emonet : Continuer ce que je fais. Je ne cherche pas plus que ce que j’ai aujourd’hui, j’ai juste peur que cela s’arrête. Je suis très contente d’être implantée au niveau local. Un de mes rêves est que Le Barbier de Séville réussisse et que nous puissions le jouer à Noël 2025. Il faut trouver les financements. Faire des adaptations d’opéras pour les enfants, comme Les noces de Figaro et Carmen. J’espère aussi pouvoir intervenir auprès d’autres enfants à l’hôpital, comme j’ai pu le faire pour une petite fille immobilisée à domicile depuis des semaines. Nous sommes passés durant les fêtes de Noël, elle était ravie de notre visite. Et puis, j’ai fait de belles rencontres, comme Juliette Mantrand, qui pourra peut-être intervenir comme clowne à l’hôpital.
Blois Capitale : Chantez-vous tous les jours ? Comment entretenez-vous votre voix ?
Geneviève Emonet : Je devrais faire des vocalises tous les jours, mais pour être honnête, je n’ai pas toujours le temps. Cependant, je pratique très régulièrement. Être chanteuse lyrique est exigeant. C’est pourquoi on dit « Faire sa diva ». Comme pour les sportifs de haut niveau, on ne peut pas manger ce que l’on veut avant les concerts, ou se coucher tard. Il faut prendre soin de sa voix, car sinon, les notes aiguës ne sortent pas correctement. Et même dans les médiums. Il faut beaucoup travailler et être très sérieux lorsqu’on a des concerts.
Blois Capitale : Percevez-vous si un public a plus l’oreille qu’un autre ?
Geneviève Emonet : Les compliments de mélomanes font plaisir. En tant qu’artiste, on a rarement des retours négatifs. On vient rarement le dire… Mais, oui, on aime recevoir des compliments, surtout de la part de personnes compétentes et respectées dans le milieu, cela conforte et on se dit qu’on a sa place.
Blois Capitale : C’est une forme de chant qui exige de la perfection, est-ce une charge mentale ?
Geneviève Emonet : Je suis consciente que je ne suis pas parfaite du tout. L’art lyrique est dans la perfection, mais je ne suis pas parfaite. Même les plus grands artistes font des erreurs. On est humain, et il ne faut pas se mettre trop de pression. Il ne faut pas se mettre trop de barrières à ce niveau là, sinon on ne fait rien. Quand on commet une erreur sur scène, il ne faut pas perdre pied en revanche, car c’est très déstabilisant. Il faut continuer et surtout ne pas le laisser transparaître. La pression est présente, on se met à nu tout de même. Je n’ai pas le trac au point d’avoir la gorge sèche ou de trembler, mais je ressens toujours un petit stress, surtout sur certains passages difficiles.
Blois Capitale : Concernant le montage du Barbier de Séville le stress existe ?
Geneviève Emonet : Oui, car nous sommes en pleine préparation et en recherche de financements. Rien n’est acquis, mais il est important de continuer à se battre. Pour des spectacles ambitieux comme Le Barbier de Séville, même avec une bonne équipe et 5-6 artistes, il faut un programmateur, un soutien financier pour les costumes et les décors, sans quoi on est contraint de faire des compromis. L’objectif est de proposer un spectacle complet. Mais les comptes de l’association doivent rester à l’équilibre. La recherche de subventions sera déterminante. En France, les artistes bénéficient d’un soutien considérable grâce aux subventions publiques et au statut d’intermittent, ce qui est exceptionnel comparé à d’autres pays. Mais les subventions ne sont pas un puits sans fond, ce n’est pas automatique.
Blois Capitale : Parmi les chanteuses et chanteurs, qui est immanquable selon vous ?
Geneviève Emonet : J’aime beaucoup Patricia Petibon et Philippe Jaroussky, en lien avec la musique baroque. J’ai aussi un faible pour Cecilia Bartoli, notamment pour son jeu de scène. Car ce n’est pas une grande voix au sens wagnérien du terme. Elle a beaucoup chanté du Mozart qui lui allait à merveille. Elle a une manière de chanter et de s’exprimer qui a révolutionné l’art lyrique. Elle mettait un peu de souffle dans la voix, ce qui est normalement interdit. Pour moi, c’est une chanteuse lyrique de variétés. Elle a contribué à déringardiser l’opéra. Elle a chanté des tubes, puis elle a exploré des œuvres peu connues. Franchement, c’est une sacré artiste !
Prochains rendez-vous avec Geneviève Emonet
Fête de l’Assomption à Chambord
Le jeudi 15 août à 11h30, l’église de Chambord accueillera un concert de musique sacrée à l’occasion de la fête de l’Assomption. Esther Pereira, Geneviève Emonet et Bernard Mercier interpréteront des airs de Scarlatti, Pergolesi, Legrenzi et Caccini. Cet événement est organisé par l’association des amis de l’Eglise de Chambord, dans l’idée de vivre un moment spirituel et musical dans un cadre majestueux.
Concert « Ave Maria » à la Cathédrale de Blois
Le dimanche 18 août à 17h, la cathédrale Saint-Louis de Blois résonnera des plus beaux arias de la musique baroque lors du concert « Ave Maria ». Ce concert est organisé au profit d’actions artistiques pour les enfants hospitalisés. Les sopranes Esther Pereira et Geneviève Emonet, accompagnées de Vincent Daguet au violoncelle et Bernard Mercier à l’orgue, interpréteront des œuvres de Charpentier, Caccini, Pergolesi et Scarlatti. Les billets sont disponibles sur place et à la librairie Labbé, au tarif de 15 € (9 € tarif réduit) et gratuit pour les moins de 16 ans et les bénéficiaires de l’association Cultures du Cœur (50 places ont été offertes).