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Tout savoir sur La Halle aux Grains – Scène nationale de Blois avec Frédéric Maragnani

Poumon de la vie culturelle à Blois, La Halle aux Grains – Scène nationale est capitale. C’est pourquoi son directeur, Frédéric Maragnani, se doit de voir juste avec son équipe. Nous avons pu nous entretenir avec cet homme de culture, et c’est très intéressant.

Blois Capitale : On voit beaucoup de spectacles complets, est-ce le fait de jauges réduites parfois ? Quelle est la fréquentation cette saison ?

Frédéric Maragnani : Nous avons à peu près le même nombre de fauteuils disponibles que lors des saisons précédentes, bien que certains spectacles soient effectivement présentés avec une jauge réduite. Par exemple, le spectacle de Joël Pommerat à la Fondation du Doute a été donné pour la première fois dans ces conditions. Globalement, nous proposons environ 21.300 fauteuils à la vente pour la saison. Nous avons également un très bon taux de remplissage cette saison, similaire à celui de la saison précédente. La Halle aux Grains – Scène nationale de Blois a rapidement retrouvé son dynamisme après le Covid, contrairement à d’autres lieux en France. Nous affichons un taux de remplissage d’environ 85% pour la saison, ce qui est très satisfaisant. Des difficultés de remplissage apparaissent parfois pour des jauges moyennes de 380 à 400 places, mais pour des capacités de 600 places, l’hémicycle est généralement complet. En moyenne, le taux de remplissage des scènes nationales est entre 80 et 90%, on est dans ce taux là.

Blois Capitale : Vous appréciez particulièrement les spectacles documentés. Est-ce un axe fort qui va se développer dans votre programmation ?

Frédéric Maragnani : Oui, absolument. Cette saison, nous proposons des spectacles documentés, comme celui de Mohamed El Khatib vu en début de saison lors des Rendez-vous de l’Histoire, avec Patrick Boucheron. En fin de saison, un autre spectacle de Mohamed El Khatib, « Mes Parents », le 24 mai clôturera la saison, illustrant notre intérêt pour les œuvres qui mêlent récits personnels et grande histoire. C’est un fil, pour moi.

Blois Capitale : Pensez-vous que le spectacle vivant puisse éclairer et créer des ouvertures en permettant une meilleure compréhension de l’autre ?

Frédéric Maragnani : Absolument. Nous sommes situés dans une région riche en histoire, et je crois fermement que le spectacle vivant peut lier le passé, le présent et l’avenir. C’est aussi la force des artistes de voir sans être forcément voyant, comprendre, contextualiser. Mettre l’accent sur ces liens semble essentiel pour comprendre à la fois les récits intimes et la grande histoire.

Blois Capitale : Votre approche est-elle différente par rapport au théâtre de Chelles précédemment ?

Frédéric Maragnani : J’ai toujours été intéressé par ce type de spectacle, mais mon projet pour la Scène nationale met particulièrement l’accent sur cette dimension. Plein de choses mènent à cela : la terre d’histoire, la salle, la curiosité du public qui est particulièrement forte à Blois. Les spectateurs sont très réceptifs aux récits intimes qui lient l’histoire personnelle à la grande histoire. On a encore eu l’exemple avec « Il n’y a pas de Ajar » de Delphine Horvilleur, un texte extrêmement personnel. Le public était très enthousiaste.

Blois Capitale : Vous aviez parlé précédemment d’un accident démocratique qui menace la France. Quel est le rôle de la culture pour l’empêcher ?

Frédéric Maragnani : Il faut toujours continuer. L’accident démocratique plane au dessus de la France depuis un certain temps. Cela fait plus de 20 ans que l’oiseau noir plane au dessus du pays, et il se rapproche. Premier constat, c’est désespérant et on se demande à quoi on sert… mais deuxième constat : et si on n’avait pas été là que ce serait-il passé ? Peut-être que l’accident démocratique se serait déjà produit, et plus violement. Je pense qu’il est crucial de continuer à promouvoir la culture, surtout à une époque où la démocratie semble fragile. Même si l’on peut parfois se demander quelle est la véritable influence de la culture, je suis convaincu que sans les efforts des acteurs culturels, la situation pourrait être bien pire. La culture est fondamentale dans la construction de notre société et devrait être au cœur des programmes politiques. On est encore trop souvent dans le « supplément d’âme »… la culture, elle nous constitue. C’est la façon dont on marche, comment on est dans notre corps, c’est la manière de faire de société, comment on mange, s’habille… la culture, c’est tout. Il faut travailler les programmes politiques à partir des questions culturelles.

Blois Capitale : Comment travaillez-vous pour atteindre de nouveaux publics ?

Frédéric Maragnani : Les populations évoluant, nos méthodes doivent constamment être réinventées. Le Blois d’aujourd’hui n’est pas celui d’il y a 30 ans quand la Scène nationale s’est montée. On a un certain nombre de relais. Nous collaborons avec des partenaires éducatifs, sociaux et de santé pour atteindre des publics qui ne viendraient pas naturellement. En outre, des initiatives spécifiques, comme la programmation pour la jeunesse et les tournées itinérantes, nous permettent de toucher des publics éloignés de la culture. Quand on travaille avec le Département et les villes sur des tournées itinérantes, c’est un désir qu’on met en musique ensemble. Quand on travaille par exemple sur un concert électro de Romane Santarelli en septembre dernier, il ne faut pas le faire qu’une fois, mais deux, mais trois… Il faut travailler auprès des jeunes. Il y a beaucoup d’ouvertures à créer. Et je ne néglige pas les pratiques amateures ou semi-amateures, sans pour autant faire une programmation amateure, car ce n’est pas notre mission. Mais impliquer des amateurs peut attirer leurs proches qui ne fréquentent pas habituellement le théâtre. Cette approche est essentielle pour élargir notre audience et doit être constamment réévaluée pour rester efficace.

Blois Capitale : Un engagement des quartiers nord ?

Frédéric Maragnani : Depuis longtemps, la Scène nationale s’investit dans ces quartiers, à travers divers projets, comme la parade de Sandra Fanchine l’année dernière. Nous avons une tradition de collaboration avec ces quartiers, mais il reste du potentiel à développer, notamment en travaillant plus étroitement avec certaines associations locales ou des lieux relais tels que Bégon ou Quinière par exemple. Il est crucial de continuellement réévaluer nos méthodes pour mieux servir, que ce soit par le chant, la danse, l’éloquence ou d’autres formes d’expression. Il y a beaucoup de travail, les quartiers sont vastes.

Blois Capitale : Concernant la programmation des événements, l’agenda est fait en concertation avec les autres salles blésoises ?

Frédéric Maragnani : C’est pensé, mais on doit renforcer notre façon de travailler ensemble. Par exemple, nous avons établi des partenariats avec All that jazz, la Maison de la Magie, Bégon, le Chato’do, etc. On essaie de travailler notamment pour le jeune public. Il est essentiel de mieux synchroniser nos calendriers pour éviter les chevauchements et optimiser l’impact de nos propositions culturelles.

Blois Capitale : La programmation d’une saison implique beaucoup de temps de recherche et d’expertise artistique ?

Frédéric Maragnani : Personnellement, je vois entre 120 et 150 spectacles par an, ce qui ne signifie pas autant de soirées prises, grâce aux festivals où plusieurs spectacles peuvent être vus en une journée. Alors, il y a une première expertise ainsi. La sélection des spectacles est un processus collaboratif, impliquant l’équipe entière, qui partage régulièrement ses impressions et recommandations basées sur les spectacles vus à Avignon ou ailleurs. La programmation ne se limite pas à ce que l’on aime personnellement ; c’est mieux quand on est super enthousiaste, mais elle doit également être pertinente et utile pour la communauté dans son ensemble. Cela implique d’aller au-delà des goûts de notre public abonné et de proposer des spectacles qui répondent aux besoins et intérêts plus larges de la population. Parfois, cela signifie programmer des spectacles qui, bien que pas nécessairement de notre goût personnel, méritent d’être découverts par le public. Il faut sentir les choses. Parfois, on se trompe. Mais on finit par comprendre les bons ajustements. Par exemple avec les spectacles de marionnettes et de cirque qui fonctionnent très bien à Blois. Quand on 2500 places à vendre pour CIRC & PLUS, on les vend sans problème.

Blois Capitale : L’avenir de la Scène nationale comprend la construction d’un nouveau théâtre…

Frédéric Maragnani : Le maire l’a dit, on s’oriente vers une nouvelle Scène nationale à l’horizon 2027-2028, qui sera un nouveau bâtiment dédié, et une réhabilitation de La Halle aux grains, notamment pour la structure Blois Congrès, mais qui pourra également continuer à servir à la Scène nationale. L’hémicycle étant ce qu’il est, un concert symphonique y trouvera mieux sa place, c’est un auditorium. Nous aurons une salle de 500 places en frontale et un studio de création. Ce développement permettra une meilleure utilisation des espaces et favorisera une programmation encore plus riche et diversifiée. Cela permettra aussi de desserrer l’étau sur le théâtre Peskine.

Blois Capitale : Le nouveau théâtre sera aussi un lieu de vie ?

Frédéric Maragnani : Je pousse pour que ce soit un lieu convivial et ouvert, où on peut se rencontrer, faire de la médiation culturelle, recevoir des jeunes. Il faut qu’un lieu culturel soit ouvert en permanence. On voit des jeunes en interclasse sous des porches, c’est quand même dommage. Cela demande de l’organisation, mais ils seraient mieux dans le hall d’un théâtre.

Blois Capitale : Vous étiez metteur en scène, vous n’éprouvez pas de manque ?

Frédéric Maragnani : En termes de direction, bien que la mise en scène me manque parfois, surtout lors des répétitions créatives, mon rôle actuel offre une perspective différente mais tout aussi enrichissante sur le spectacle vivant. Mais quand je vois ce moment de création où on peut passer trois heures sur une phrase, un geste et trois pas, je me dis : « Quel luxe ! C’est génial ». Dans la direction d’un théâtre ou d’une Scène nationale, on n’a pas le temps de faire ça. C’est la grande différence (rires). Ce côté là me manque. Moins d’anxiété ? Je suis traqueur. Je continue à avoir peur pour les spectacles, on a envie que les gens aiment. On a terriblement envie que les gens soient présents et réagissent. Je me mets sur les banquettes du haut et j’observe les réactions.

Blois Capitale : Enfin, en termes de recommandations culturelles en général, que nous dites-vous ?

Frédéric Maragnani : Je dirais « Encore plus, partout, tout le temps », une création de L’Avantage du doute. Ou « Quartett » ce jeudi soir à la Halle aux grains. Il a reçu les 3T dans le Télérama qui vient de sortir. En musique, « Les Virtuoses » d’Alexander Malofeev, que j’avais vu à La Roque d’Anthéron. « Les Règles du savoir-vivre dans la société moderne », les 14 et 15 mars, à la Halle aux grains, c’est aussi un très beau spectacle (mais complet, ndlr).

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