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Cartographie d’une pauvreté qui s’étend : le Secours Catholique alerte

La pauvreté avance en France. Les chiffres le montrent, année après année. Le Secours Catholique du Loir-et-Cher a présenté la nouvelle édition du Rapport annuel sur l’état de la pauvreté, un document devenu, en trente années de publications successives, l’un des baromètres les plus précis et les plus sensibles du réel social du pays. D’autant qu’il est « documenté à partir de ce que les bénévoles et les salariés observent au quotidien, chiffres à l’appui », souligne Thierry Wassmer, délégué départemental du Secours Catholique.

Des chiffres qui racontent une réalité qui se dégrade

La publication 2024 marque le trentième anniversaire d’un travail continu. Trente ans pendant lesquels les équipes ont vu le paysage social se transformer. Là où la pauvreté était autrefois présentée comme un phénomène conjoncturel, lié aux crises et supposé temporaire, elle apparaît désormais comme une réalité durable et systémique. « Ce qu’on peut constater nous, c’est qu’en trente ans, la pauvreté évolue », a souligné Thierry Wassmer. Les visages ont changé, les parcours aussi, les raisons de la bascule sont plus nombreuses, plus complexes, plus lourdes. Le rapport distingue une pauvreté monétaire, une pauvreté sociale et une pauvreté invisible, souvent cumulées, et qui ne cessent de progresser.

À l’échelle nationale, un chiffre se détache, presque insoutenable à force d’être simple : parmi les 1.120.000 personnes accompagnées par le Secours Catholique (235.000 familles), le revenu médian est de 565 euros par mois. Ce niveau de ressources, déjà très faible, est en nette régression. Il était de 658 euros en 2014. Dix ans plus tard, la pente est descendante, régulière, inexorable. « On observe, nous et d’autres, un appauvrissement continu », a dit Thierry Wassmer, en rappelant que, selon le rapport, 94.7 % des ménages rencontrés vivent désormais sous le seuil de pauvreté. Beaucoup n’ont aucune ressource. Vingt-cinq pour cent des familles rencontrées vivent entièrement sans revenus, une progression brutale en quelques années.

Au cours des derniers mois, alors que les débats publics multiplient les discours autour des supposés abus de l’aide sociale, un autre chiffre impose une réalité plus crue : 38 % des personnes rencontrées n’ont pas recours au RSA, pourtant destiné à garantir le minimum vital. Les causes sont identifiées : la dématérialisation, la complexité administrative, la multiplication des normes, un sentiment de renoncement. « Les personnes ont tendance à lâcher plutôt que d’aller solliciter des aides. » Le rapport évoque un non-recours massif et croissant, qui plonge des milliers de familles encore plus bas que leur situation théorique ne le laisserait penser.

Le Loir-et-Cher face à l’augmentation des demandes d’aide

Sur le Loir-et-Cher, les chiffres parlent d’eux-mêmes. Le département compte 1 975 ménages accompagnés en 2024. Le nombre augmente. Il existe quatorze lieux d’accueil. Le Secours Catholique y agit avec 280 bénévoles et cinq salariés, dont trois équivalents temps plein. Les moyens restent modestes. Le terrain est vaste. Et la demande progresse.

Philippe Sans, vice-président de la délégation, a résumé en peu de mots le centre de gravité du travail : « Nos quatorze lieux d’accueil, c’est ce qu’on sait faire de mieux au Secours Catholique : accueillir les personnes de façon inconditionnelle. » Il a rappelé que chaque rencontre commence par un geste simple, humain, indispensable : créer du lien. Ce lien devient le premier contrepoids à l’isolement, à la honte, à la peur, à la fatigue morale de ceux qui n’espèrent plus rien.

Le portrait sociologique du Loir-et-Cher est très proche du portrait national, mais certains traits s’y accentuent. La personne type accompagnée est une femme seule, avec au moins deux enfants à charge, 42 ans en moyenne. Près d’un tiers des situations sont celles de personnes isolées. Les familles monoparentales représentent près de 28 % des situations, dans lesquelles les mères isolées sont les plus fragilisées.

Le niveau de vie médian y est encore inférieur à la moyenne nationale : 536 euros mensuels. Là encore, la tendance n’est pas à la stabilité, mais à la dégradation. Près d’un ménage sur deux rencontre des situations d’impayés. Les premières dettes concernent l’énergie, puis les transports. Cette hiérarchie dit sans commentaire ce que l’on éprouve chaque jour : se chauffer et se déplacer peuvent devenir un luxe.

Les demandes adressées au Secours Catholique illustrent très nettement les évolutions : l’assistance alimentaire représentait 80 % des sollicitations en 2014. Elle en représente aujourd’hui 58,7 %. Les besoins administratifs ont quadruplé, passant de 3,4 % à 12,8 %. Les demandes liées à la mobilité ont presque doublé. La mobilité apparaît désormais comme la première barrière vers l’emploi, accentuée par la ruralité du département. Les bénévoles travaillent avec les équipes de Mobilité 41, même si cette collaboration ne peut pas répondre à toutes les situations.

Un autre chiffre vient percuter les idées reçues : un ménage accompagné sur six est en activité professionnelle. La moitié est soumise à des contrats précaires. « L’emploi ne vous exclut pas de la pauvreté », dit Thierry Wassmer. La phrase est simple, droite, irréfutable.

Des donateurs en baisse

Dans le Loir-et-Cher, 1 200 donateurs soutiennent les actions. Leur nombre baisse fortement. Le don moyen est de 158 euros. Cette diminution menace la continuité de l’action. Le Secours Catholique dépend de ses donateurs privés à hauteur de 70 à 80 % de son budget. « On se tourne de plus en plus vers les appels à projets », explique Philippe Sans, tout en rappelant que le fonctionnement repose d’abord sur la solidarité locale. Les derniers mois de l’année représentent la période la plus déterminante pour les dons.

Sur la question du bénévolat, l’appel est explicite. L’association recherche un président et un trésorier départemental. Jean-Claude Lambert a insisté sur l’importance de l’engagement humain : « L’appel aux dons, c’est toujours un don financier, c’est important. Mais en même temps, l’engagement des personnes est important. » Les bénévoles sont au cœur de tout. Sans eux, rien n’existe.

80 ans en 2026

À l’occasion des 80 ans du Secours Catholique, en 2026, trois grandes tablées seront organisées le 19 mai, le 26 mai à Blois et le 30 mai à Morée. « Ce sera un moment festif, parce que la convivialité fait partie de nos actions », dit Philippe Sans. La phrase a fait sourire, mais elle portait aussi un message plus profond : restaurer la confiance et le lien, redonner place à la joie, même fragile. En toute fraternité.

Les samedis matin à Blois

À Blois, à proximité de la gare, au 27 Avenue Gambetta, le Secours Catholique organise des petits-déjeuners le samedi matin. Ce moment, à l’origine modeste et discret, est devenu un repère social essentiel. Il témoigne d’une évolution rapide, presque brutale, de la fréquentation et de la situation des personnes accueillies. « Le samedi matin, on propose des petits-déjeuners, et puis les personnes partent avec nous pour faire un pique-nique après. Et là, alors là, on a une augmentation très nette des personnes qui viennent. » Il y a deux ans, ces rendez-vous rassemblaient une quinzaine de personnes. Aujourd’hui, près de cinquante personnes y participent chaque semaine. « C’est un public essentiellement blésois, précarité, SDF, squats. » Ce glissement sociologique dessine une bascule silencieuse : là où l’accompagnement était d’abord perçu comme une réponse urgente à l’arrivée de populations étrangères en situation difficile, il devient aujourd’hui un soutien indispensable pour une population locale fragilisée, ancrée dans le territoire et touchée par l’effondrement des ressources et du logement.

Il ne s’agit pas seulement de distribuer un café chaud ou un sac de nourriture. Il s’agit d’un espace où l’on retrouve un peu de dignité et de lien, deux éléments devenus aussi nécessaires que la nourriture elle-même. Ce rendez-vous hebdomadaire illustre également l’essence du Secours Catholique : une présence de proximité, fidèle, incarnée. « Nous accueillons », ont rappelé les bénévoles. Ce verbe, au-delà de sa forme minimale, porte tout un monde : accueillir sans condition, accueillir sans jugement, accueillir sans délai.

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