Décès de Ben Vautier, icône de la Fondation du doute à Blois
Le monde de l’art vient de perdre l’une de ses figures les plus emblématiques et provocatrices. Ben Vautier, mieux connu sous le nom de Ben, nous a quittés ce mercredi 5 juin 2024 à l’âge de 88 ans. Son décès, survenu dans sa maison des Alpes-Maritimes, est marqué par une tragédie personnelle profonde, étant intervenu au lendemain de la mort de son épouse Annie (des suites d’un AVC), qui fut son soutien de toujours. L’artiste niçois s’est éteint dans des circonstances tragiques, par suicide, selon les premiers éléments de l’enquête révélés par le parquet de Nice.
Benjamin Vautier, de son vrai nom, était un artiste niçois d’origine suisse qui a marqué le monde par ses œuvres audacieuses et réflexives. Célèbre pour ses aphorismes écrits en lettres rondes blanches sur fond noir, il a été un pionnier de l’art conceptuel et un membre actif du mouvement Fluxus, aux côtés de figures comme Yoko Ono.
Son œuvre, souvent considérée comme une critique cinglante et humoristique de la société moderne, oscille entre l’art et la philosophie. Par ses mots simples et puissants, il a su toucher un large public, transcendant les barrières traditionnelles de l’art. « Il faut manger. Il faut dormir. », sa première peinture de mots créée en 1953, encapsule la simplicité et la profondeur de sa démarche artistique.
Ben n’était pas seulement un artiste ; il était un penseur qui a utilisé le langage comme principal outil d’expression. Son engagement envers l’art le mena à signer tout ce qu’il pouvait, prônant l’idée que « tout est art ». Cette approche a souvent été perçue comme provocatrice, mais elle a toujours été soutenue par une démarche intellectuelle rigoureuse.
Exposé dans des institutions prestigieuses telles que le MoMA à New York et le Centre Pompidou à Paris, l’œuvre de Ben a également influencé le marketing artistique. À partir des années 1980, ses écritures ont été apposées sur une multitude de produits dérivés, des t-shirts aux trousses d’écolier, ce qui a élargi son impact au-delà des galeries et des musées. La Ministre de la Culture, Rachida Dati, a rendu hommage à Ben, le qualifiant d’ « orfèvre du langage. »
Ben a joué un rôle central dans la création de la Fondation du doute à Blois, un lieu dédié à l’art contemporain et particulièrement au mouvement Fluxus, dont il est l’un des représentants les plus éminents. La fondation n’est ni un musée traditionnel ni un centre d’art classique mais se veut un espace vivant de questionnement et de remise en question des frontières de l’art. Ben a rassemblé environ 300 œuvres et documents pour promouvoir l’esprit de Fluxus, en collaboration avec Gino Di Maggio et d’autres artistes. Cette fondation est conçue pour être un lieu de libre expression et d’interaction, stimulant la réflexion sur l’art et la vie.
Ben a également créé des œuvres spécifiques pour la fondation, dont le « Mur des mots » inauguré en 1995. Ce mur est une commande publique de la Ville de Blois et du Ministère de la Culture et de la Communication, composé de 313 plaques émaillées portant des écritures de Ben. Ces tableaux sont des réflexions sur la vie, l’art, l’amour, et d’autres sujets, et sont conçus pour provoquer le questionnement chez le visiteur. La Cour du doute, partie intégrante de la fondation, est un lieu où sont régulièrement organisées des expositions, des performances et d’autres formes d’expression artistique. Elle est conçue comme un espace où le doute est non seulement permis mais encouragé, reflétant la philosophie de Ben que « créer c’est douter et douter c’est créer ».