Un monde naïf et narratif : l’art singulier de Constance Gilquin

Il y a, sur l’avenue Wilson à Blois, une vitrine qui accroche le regard. Derrière le verre, des assiettes, des bols, des tapis, des petites pièces décoratives. Rien de clinquant, rien d’industriel : chaque objet semble au contraire porteur d’un récit secret. Une souris, un poisson, un renard — ou peut-être un chien, un fennec, un loup — attendent d’être découverts par le passant. C’est là que l’on trouve, jusqu’à Noël, l’univers de Constance Gilquin, à la boutique Déesse.
Une enfance dans l’art, un passage par les Beaux-Arts
Constance Gilquin vient d’une famille où l’architecture et l’art forment l’arrière-plan quotidien. Sa propre formation la mène aux Beaux-Arts, puis à l’école Georges Méliès, spécialisée dans le cinéma d’animation. Elle s’y forge une solide expérience technique et narrative : comment donner vie à une histoire, comment construire un univers visuel, comment transmettre des émotions par la matière animée.
Sept années dans les grands studios
Elle entre ensuite dans un grand studio parisien, celui d’Illumination Mac Guff, dont les productions sont connues dans le monde entier. Pendant sept ans, elle y travaille comme hair graphiste. Sa spécialité : les poils, les coiffures, les pelages. Elle travaille sur Mario, Les Minions, ou Moi, moche et méchant. Un travail stimulant, et des budgets capables de porter les projets à leur perfection visuelle. « C’était super, j’avais une super équipe, on bossait sur des projets avec des sous, donc on pouvait approfondir et faire des rendus vraiment chouettes. » Mais quelque chose manquait : la liberté artistique, l’espace personnel où raconter ses propres histoires.
La bascule vers l’indépendance
En 2022, Constance décide de se lancer à son compte. Elle s’installe à Lavardin, dans un habitat troglodytique, une grotte devenue atelier. La céramique s’impose d’abord comme support, mais sans exclusivité. « Mon idée, c’est de raconter des histoires. La céramique, c’est super à travailler, mais je ne veux pas me limiter. »
Le choix de l’indépendance n’a pas été une rupture brutale, mais un glissement lent. Quitter la sécurité du studio, ses projets financés et ses équipes nombreuses, pour entrer dans un espace plus fragile, plus incertain, mais plus libre. « Je voulais raconter des histoires dans le quotidien des gens. À travers les tapis, la céramique, les fresques murales. »

La diversité des supports
Car Constance ne s’attache pas seulement à la terre. Elle explore d’autres voies : fresques murales, tapis illustrés, petits objets comme des pins. « Je ne suis pas arrêtée à un format. Je suis illustratrice. Et je pense qu’il y a d’autres supports sur lesquels je peux m’éclater. » Elle a récemment peint une fresque dans un internat pour enfants autistes, puis un projet à Vendôme, à la Cabane à mots, lieu culturel destiné à l’enfance. Autant de manières d’inscrire son univers dans l’espace collectif, de semer ses images dans des lieux de vie.
Le style et l’inspiration
Comment définir son style ? « Narratif, assez naïf. » Ses idées lui viennent de sa vie quotidienne, naturellement. « Je suis tout le temps en train de raconter des histoires. » Les animaux sont souvent au cœur de ses créations. Mais leur identité reste volontairement indécise. Est-ce un renard ? Un chien ? Un fennec ? Un loup ? « Chacun peut se raconter sa propre histoire. » Les visages et les silhouettes sont des invitations au récit.
La fabrication
Une assiette, par exemple, demande environ quinze jours. D’abord le coulage dans une matrice en plâtre. Cinq jours de séchage. Une première cuisson de vingt-quatre heures. Puis l’émaillage, la décoration. Enfin, une deuxième cuisson de vingt-quatre heures. Ces délais imposés par la matière confèrent à chaque objet sa valeur singulière. Rien n’est rapide, rien n’est reproductible en série. Chaque pièce garde la mémoire de ses étapes, des jours passés à sécher, des heures passées au four, de la main qui l’a modelée.
À Paris, ses pièces trouvent facilement preneur. À Blois, le marché est plus restreint, mais les réactions sont fortes. « Ce sont des pièces d’exception, c’est vraiment l’effet coup de cœur qui marche. Et souvent, on me dit que mon travail est très différent de ce qu’on voit ailleurs. » C’est ce qui lui vaut aujourd’hui d’être accueillie à la boutique Déesse, 59 avenue Wilson.
Pour en savoir plus sur l’atelier de Constance : Instagram : @cocolegram