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Eau sous tension : Florence Denier-Pasquier invitée des Vers Solidaires à Cellettes

L’eau, que l’on croit connaître parce qu’elle coule familièrement entre nos mains, se révèle aujourd’hui dans sa vulnérabilité nue. Il suffit parfois d’un été de trop, d’un lit de rivière laissé à sec, d’un arrêt préfectoral limitant l’usage domestique, pour que la vérité se révèle : nous avons construit un monde entier sur l’illusion de son abondance. Pourtant, l’époque change, brutalement. Le grand cycle de l’eau vacille, bouleversé par le changement climatique, et tout ce qui reposait sur sa stabilité se fissure. Vendredi 21 novembre à 19h à Cellettes, la juriste Florence Denier-Pasquier proposera une conférence, à l’initiative des Vers Solidaires, pour comprendre ce basculement et imaginer comment y répondre collectivement.

les vers solidaires

Pendant des décennies, la France a vécu dans la certitude que l’eau serait toujours là. « Jusqu’à il y a quinze ans, on pensait l’eau en France comme une ressource illimitée. » Il y avait l’hiver pour remplir, la fonte des neiges, la pluie régulière, les sols encore capables d’absorber et les nappes alimentées silencieusement. La rareté semblait appartenir aux autres continents. Puis est venue la rupture, lente d’abord, puis brutale. Les sécheresses répétées de 2022 et 2023 ont exposé le pays à ce qu’il refusait de voir. Florence Denier-Pasquier le formule d’une phrase qui sonne comme une évidence récusée trop longtemps : « Tout le monde a pris conscience que nous étions fragiles. »

La fragilité n’est pas seulement une question de quantité d’eau, mais d’organisation profonde du territoire. Les précipitations tombent désormais au mauvais moment, au mauvais endroit, trop fort ou pas assez ; les sols tassés et artificialisés ne retiennent plus l’eau ; les nappes n’ont plus le temps de se recharger ; les rivières se comportent comme des conduits ponctuels plutôt que comme des organismes respirants. Et pendant que la « ressource » se contracte, la demande humaine continue de croître, comme si rien n’avait changé. Florence Denier-Pasquier parle alors d’une situation prise en tenaille. Elle décrit « une double pression, entre la raréfaction d’un côté, et de l’autre côté l’augmentation des prélèvements et les pollutions. » L’étau se referme ainsi entre « les sécheresses récurrentes qui arrivent parce qu’on consomme trop d’eau par rapport à ce que la nature peut nous donner localement » et la poursuite, presque mécanique, de l’augmentation des usages humains, comme si aucune limite physique n’existait.

L’illusion du visible et la vérité de l’invisible

Nous avons tendance à réduire notre consommation d’eau à ce qui passe par le robinet. Une illusion confortable. L’essentiel se joue ailleurs, dans l’épaisseur invisible de nos modes de vie : l’alimentation, le textile, le numérique, l’industrie. Ce que nous croyons économiser ici se paie souvent loin de nous, dans des territoires déjà fragilisés, où l’eau se raréfie plus vite qu’elle ne se renouvèle. « L’empreinte eau, c’est la façon dont on consomme en général », rappelle Florence Denier-Pasquier. À travers un plat importé ou un t-shirt fabriqué à l’autre bout du monde, nous mobilisons des milliers de litres que nous ne voyons jamais. « On importe des produits qui ont une empreinte eau désastreuse », rappelle-t-elle au sujet de l’Espagne ou du Maroc, montrant que l’abondance apparente n’est parfois qu’un transfert silencieux de pénurie. Dans ce contexte, les réflexes individuels du quotidien à la maison – que l’on brandit comme solutions – ne suffisent pas à changer l’échelle du problème. « Peut-être sur la facture d’eau, mais pas à l’échelle de la nappe », prévient-elle, pour rappeler que ces gestes ont surtout valeur de prise de conscience. Ils sont utiles, mais insuffisants, tant que les structures économiques et l’organisation collective de l’eau ne sont pas repensées.

Les conflits d’usage : un miroir social et politique

Lorsqu’elle évoque les tensions autour de l’eau, elle se refuse à construire un récit manichéen : « Il n’y a pas des bons et des méchants. Il y a des usages humains autour d’une ressource commune. » Pour cette juriste, la véritable fracture n’oppose pas des groupes sociaux, mais des façons de penser : l’appropriation privée contre le bien commun, le court terme contre les limites physiques du vivant, le local isolé contre l’échelle du bassin versant.

Or, personne ne possède l’eau. Tout prélèvement excessif, tout stockage inadapté, toute pollution diffuse finit par s’inscrire dans un cycle plus vaste et revenir. « Tout sujet local peut s’imbriquer dans un ensemble plus vaste. » L’un des points essentiels de son intervention sera la nécessité de restaurer une démocratie de l’eau, car le système actuel est jugé trop technocratique, trop fermé : « Ce qui manque parfois, c’est le lien entre les instances et le grand public. Comment rendre le sujet moins technocratique ? Comment sortir l’eau des tuyaux ? » Sortir l’eau des tuyaux : cette image dit tout. Refaire de l’eau non un flux contrôlé, mais un milieu vivant.

La nature comme partenaire essentiel

Au cœur de sa réflexion se trouve l’idée que l’eau ne peut être réduite à une réserve exploitée au gré des besoins humains, mais qu’elle s’inscrit dans un système vivant dont nous dépendons. « Dans les partages entre usages humains, il ne faut pas oublier l’eau pour les écosystèmes », rappelle Florence Denier-Pasquier, soulignant que « les écosystèmes aquatiques qui fonctionnent bien nous aident à avoir de l’eau de bonne qualité. On ne peut pas faire sans la nature. » Si les rivières meurent, l’eau potable meurt avec elles. Si les zones humides disparaissent, les nappes ne se rechargent plus. Si les sols se compactent, les pluies ruissellent sans nourrir la terre. La crise n’est pas seulement climatique, elle est écologique et culturelle.

Choisir la sobriété plutôt que la subir

Ce qui pourrait ressembler à un tableau sombre devient dans sa bouche une forme d’appel à la responsabilité collective. « On a vraiment un enjeu d’efficacité de notre action. » Elle refuse l’idée que tout soit écrit. Pour elle, la question n’est pas de savoir si la sobriété hydrique va arriver, mais si elle sera organisée ou forcée. Une sobriété choisie ouvre des libertés ; une sobriété imposée les réduit. La conférence se conclura par des défis pour une eau bien commun, comme une invitation à la cohérence collective. Car l’eau nous met au défi de devenir capables de solidarité, de lucidité, de modestie. Elle nous rappelle que nous ne sommes pas seuls, jamais. Elle nous oblige à reconnaître ce que nous avons voulu oublier : nous dépendons d’elle, et elle dépend désormais de nous.


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