AgendaCultureVie locale

La cocotte selon Feydeau : deux pièces à Blois

Le Théâtre de l’Épi présente les 23, 24 et 25 mai 2025 à l’Espace Jorge Semprun à Blois deux pièces courtes de Georges Feydeau : Amour et Piano et On va faire la cocotte !. L’une ouvre sa carrière, l’autre en marque la fin. Entre ces deux bornes, un fil rouge : la figure de la cocotte, archétype récurrent et singulier dans l’œuvre du maître du vaudeville. Nadine Texeira, metteuse en scène et interprète, revient sur le choix de ces textes, leur mise en scène et leur portée.

Un diptyque construit autour de la figure de la cocotte

« J’avais très très envie de jouer On va faire la cocotte !, d’abord parce qu’elle est peu connue. Feydeau est souvent joué, mais cette pièce ne l’est pas, pour la bonne raison qu’elle est inachevée. En fait, nous ne possédons que l’acte I », nous explique Nadine Texeira. Et pourtant, cela n’empêche pas l’unité dramaturgique. « Même quand on le joue seul, ça fonctionne. Feydeau n’a jamais écrit le deuxième acte, mais il avait un projet. Les spectateurs se le décrivent tout seuls par leur imagination, avec les ponts qui ont été posés au cours du premier acte. » La pièce a été éprouvée lors de représentations de travail privées. « Si on ne dit pas aux gens qu’elle est inachevée, finalement ils ne s’en rendent pas forcément compte. »

L’envie de jouer la pièce s’est donc d’abord imposée. Puis, lorsque s’est posée la question d’une représentation publique, est venu le constat que On va faire la cocotte ! ne dure qu’environ 50 minutes. « C’était un peu dommage de faire venir les gens pour un spectacle — entre guillemets — aussi court. L’idée a germé d’une deuxième partie. Et c’est là que j’ai pensé à Amour et Piano, une autre pièce courte, celle-là en un acte, du début de la carrière de Feydeau. » Le choix n’était pas initialement intellectuel, mais la cohérence s’est imposée. « Ce qui est très drôle, c’est que Amour et Piano est une pièce du tout début (1883), et On va faire la cocotte ! de la fin (1913). Et dans les deux, il y a une figure au cœur de la construction dramaturgique : la cocotte. »

On va faire la cocotte ! – Sophie Prouteau (Olympe Chantrot) et Nadine Teixeira (Emilienne Trévelin)

Nadine Texeira insiste sur cette figure féminine centrale dans plusieurs œuvres de Feydeau. « La cocotte est récurrente dans son théâtre. Il y a énormément de pièces où ce personnage-là est au cœur : La Dame de chez Maxim, Occupe-toi d’Amélie !, Un fil à la patte… » Pour la metteuse en scène, Feydeau « avait beaucoup de respect pour ces femmes-là, qui pourtant, socialement, étaient très mal vues, moralement condamnées. C’était une forme de prostitution un peu déguisée, mais c’était aussi un moyen d’ascension sociale pour ces filles-là, qui n’avaient finalement rien d’autre à vendre qu’elles-mêmes, puisqu’elles n’avaient pas de dot, pas de possibilité de faire des études, pas de perspective de mariage avantageux. » Elle poursuit : « D’une certaine manière, elles avaient trouvé un chemin — certes condamné moralement — mais Feydeau pose sur elles un regard très tendre, et finalement respectueux. Ces filles-là se battent avec les moyens qui sont les leurs, elles méritent le respect. Et en plus, elles sont pleines de vie, pleines de santé. »

Est-ce qu’il ne faut pas faire attention aujourd’hui à adopter du Feydeau ? « Non, répond Nadine Texeira. Déjà parce que le rire l’emporte. Si les gens ont un regard critique sur la pièce, tant mieux. Et puis sa position était même assez courageuse pour l’époque. » Pour preuve, elle souligne l’aspect résolument transgressif de On va faire la cocotte ! : « En 1913, c’est une femme — l’épouse — qui revendique la possibilité d’avoir plusieurs partenaires sexuels, et pas uniquement son mari. Être complètement dépendante de lui sur ce sujet… c’est plein de vitalité. »

Nadine Teixeira (Emilienne Trévelin), Christèle Péron (Noémie) et Marc Aubry (Alcide Trévelin)
On va faire la cocotte ! – Nadine Teixeira (Emilienne Trévelin), Christèle Péron (Noémie) et Marc Aubry (Alcide Trévelin)

Deux styles, un même tempo : les ressorts du comique

Dans Amour et Piano, tout repose sur un malentendu : un jeune homme, Édouard, arrive à Paris avec l’ambition de s’offrir une liaison mondaine pour asseoir son statut social. Cherchant l’adresse d’une actrice réputée, il se trompe d’appartement et tombe sur Lucile, une fille de bonne famille qui attend son professeur de piano. Le quiproquo s’installe aussitôt : elle le prend pour son maître de musique, lui la croit cocotte, et le malentendu donne lieu à une comédie vive et rythmée. La mécanique comique est implacable.

Amour et Piano – Kévin GUILLAUME dans le rôle d’Edouard Lorillot

Le rythme y est essentiel, tout comme dans On va faire la cocotte !. « Ça va à toute berzingue. Ça commence par une scène de ménage, comme dans Mais ne te promène donc pas toute nue, ou On purge bébé. Et au moment de la découverte de la liaison, ça part comme une fusée. Il faut arriver à tenir un certain tempo pour que le plateau reste ardent, pour ne pas que ça retombe. » Dans Amour et Piano, c’est davantage le texte qui porte : « Le dialogue est à double sens, il y a une véritable saveur. Dans On va faire la cocotte !, l’engagement physique est plus fort. »

La mise en scène repose sur une scénographie simple mais évocatrice. « On va faire la cocotte !, tout repose sur un lit démesuré. Puisque ce qui est au cœur du propos, c’est la sexualité, et qu’a priori, c’est souvent là que ça se passe… Le lit fait 3,20 m sur 1,80 m. Il est immense. C’est le centre de l’espace, à la fois lit et estrade. » Le reste est suggéré. Dans Amour et Piano, on reste sur le même principe, mais avec des éléments plus traditionnels : un canapé, deux fauteuils, une table, une immense corbeille de fleurs… et bien sûr, un piano.

Trois dates à l’Espace Jorge Semprun

Les représentations auront lieu les vendredi 23 et samedi 24 mai à 19h30, et le dimanche 25 mai à 17h, à l’Espace Jorge Semprun, 25 rue Jean-Baptiste Charcot à Blois. Tarifs : 10 € (plein), 8 € (réduit). Réservations au 06 28 15 92 94. Une petite restauration est proposée pendant l’entracte.

  • On va faire la cocotte ! : Nadine Texeira incarne Émilienne Trévelin aux côtés de Marc Aubry (Alcide Trévelin), Christèle Péron (Noémie), Sophie Prouteau (Olympe) et Mathilde Laurent (Blanche de Mouzé).
  • Amour et Piano : le trio de personnages est interprété par Kévin Guillaume, Rose Marteau et Romain Grivaut.

Votre annonce sur Blois Capitale

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Bouton retour en haut de la page
Blois Capitale

GRATUIT
VOIR