La Ferme des Oliviers, un refuge qui grandit le monde

À l’entrée du refuge, en ce mois de décembre, la terre détrempée absorbe le bruit des pas. On traverse la cour comme on entrerait dans un territoire aux règles très simples — celles du soin, de l’attention, du quotidien. À la Ferme des Oliviers, on trouve Olivier, qui a fondé le refuge, et Blandine, arrivée comme bénévole avant de reprendre l’aventure à ses côtés. Le regard de celle-ci se porte immédiatement au-delà, vers les champs lourds d’hiver où s’étirent les enclos et les prés. « On a environ 300 animaux à tenir », dit Blandine, d’une voix tranquille qui ne minimise rien.

La Ferme des Oliviers est un refuge pur, entièrement tourné vers ceux qui ne seront plus adoptés. « Sauf quelques rares cas, comme deux petits chiots par exemple, on ne fait pas adopter les animaux qu’on accueille, on les garde toute leur vie chez nous. » Car ici, on ne prépare pas des départs, on accueille des existences.

« On fait tout pour qu’ils soient heureux »
Dans les prés boueux, les chevaux avancent lentement vers vous, comme s’ils venaient sonder la présence humaine. « Je suppose qu’ils sont heureux… on fait tout pour », glisse Blandine. Elle ne romantise rien : « Tout n’est pas toujours tout rose parce qu’on a les moyens d’un refuge. Pas de gros moyens. Mais on essaye de leur donner le maximum d’espace. » Sur une année, le refuge tourne avec 100 000 euros de dépenses, sans aucune garantie de pérennité. « Très très peu d’aide. Trois petites communes nous soutiennent, et c’est quelques centaines d’euros. » L’essentiel provient des visites, des dons (ici), et d’une pension chiens-chats qui permet de dégager un revenu. « Le refuge, on est 100 % bénévoles dessus, il nous coûte même beaucoup d’argent. » L’engagement de Blandine se poursuit jusque dans l’artisanat. La jeune femme crée des citrouilles en tissu, du vitrail Tiffany, de petits objets féériques vendus sous le nom Le Terrier des Citrouilles. De quoi satisfaire tous les budgets et contribuer au fonctionnement de la Ferme des Oliviers.

Derrière les clôtures, les animaux vivent par groupes, parfois par affinités, parfois par nécessité. Dans la forêt, des sangliers fouillent les feuilles mortes, des moutons beige ou noirs s’assemblent sous les bouleaux. Un ara bleu et jaune approche son bec contre le grillage, œil rond, presque rieur.

Chaque être a son histoire, parfois rude, parfois simplement liée à un désistement humain. « Je fais la différence entre abandon et placement », insiste Blandine. «L’abandon, c’est vraiment la personne qui ne veut plus s’en occuper. Le placement, ce sont des gens qui se retrouvent en situation difficile. Ils n’ont pas trop le choix et préfèrent confier à un refuge. » Les cas de maltraitance sont plus rares qu’on ne l’imagine. « Il y a des refuges qui jouent là-dessus. Mais 90 % du temps, ce sont juste des gens qui s’en séparent. »

Raymond et tous les autres
Sous un abri de bois, un grand camélidé est allongé dans la paille. C’est Raymond, « un dromadaire de cirque qu’Olivier a racheté. » Cela s’est fait simplement, dit-elle, une négociation. « Les circassiens ne donnent pas leurs animaux. Ils n’étaient pas satisfaits de Raymond, cela les a arrangés. » Le refuge a aussi accueilli un chameau, et quelques lamas issus de cirques ou de particuliers. Dans un pré voisin, un lama, justement, nous observe. « Lui, on pense qu’il a été maltraité. Il vivait attaché dans un terrain vague. Dès qu’on approche, il nous crache dessus, il nous attaque. On pense qu’il a eu une vie difficile avant. »

Le quotidien : réparer, nourrir, recommencer
« Une journée type ? » Blandine sourit. « Eh bien souvent, s’il n’y a pas d’imprévus, le matin on nourrit tout le monde. » L’après-midi appartient aux réparations : clôtures, abris, courses de matériel. « Nourrir le matin, ça nous permet d’anticiper. Si un animal n’est pas bien, on a l’après-midi pour appeler le vétérinaire. » Le lien, paradoxalement, est discret. « On passe beaucoup plus de temps à réparer des clôtures, aller chercher de la nourriture, distribuer de la nourriture, qu’à faire des câlins. On leur fiche la paix. On ne les force jamais à rien faire. » Elle rejette l’idée d’un romantisme naïf. « Pour tenir un refuge, il ne suffit pas d’aimer caresser un chaton. C’est hyper prenant. Ce n’est pas un métier, c’est une vocation. On vit animaux, on dort animaux. »
La Ferme des Oliviers accueille de nombreux oiseaux venus d’abandons ou de placements. La faune sauvage trouve ici un refuge particulier, mais jamais par choix esthétique. Blandine insiste : « On ne garde pas la faune sauvage pour le plaisir. Pour nous, la faune sauvage, c’est dehors, en liberté. Quand on les garde, c’est vraiment qu’ils ne pourraient pas s’en sortir. Soit on n’a pas le droit légalement, soit ils sont trop handicapés. »
Elle montre alors une renarde aveugle, nommée Rose. « Elle a été percutée par une voiture. Quand elle est arrivée, elle ne voyait pas et elle marchait très difficilement. Elle a repris sa mobilité, mais elle reste aveugle. » Dix renards vivent actuellement dans trois volières. Un grand parc est en construction pour les regrouper. Et malgré la clôture nécessaire, la faune sauvage du bois continue de traverser le refuge : faisans, aigrettes, lapins… et même un blaireau filmé de nuit en train de subtiliser de la nourriture.
« C’est comme gérer une très grande famille. »
À travers les enclos, les liens se devinent. Les moutons s’assemblent. Les chèvres observent. Les chevaux forment des sous-groupes. « C’est assez rare qu’il y ait des problèmes de cohabitation », dit Blandine. « Et quand vraiment c’est la cata, on change les prés. On a plutôt de la chance. Tous les jours, on fait le tour de tout le monde. Je dis toujours : on a beaucoup d’enfants. » Les chiens — seize en tout — vivent eux aussi en groupe. « Comme des gamins, ça se chamaille, mais ils mangent ensemble sans se disputer la gamelle. »

Quatre jeunes en service civique participent au fonctionnement et à la pédagogie. « C’est un dispositif génial. Ils apprennent plein de choses, et nous ça nous aide énormément », juge Blandine. Le refuge s’appuie aussi sur une dizaine de bénévoles. Car définitivement, il s’agit de gérer une très grande famille.
Et on comprend que dans cette famille on n’abandonnera jamais personne.
Mardi 9 décembre (après 14h) et mercredi 10 décembre (de 10h30 à 13h puis de 15h à 19h)
Plus d’informations sur fermedesoliviers.fr
