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Laurent Berger : « Il est crucial de revitaliser notre démocratie »

Le 15 septembre 2023, quasiment trois mois après son départ de la tête de la CFDT, Laurent Berger a rejoint le Crédit Mutuel pour diriger un groupe de réflexion dédié à la transition écologique. Tout en demeurant un « citoyen actif » qui participe aux discussions publiques. Ainsi, cette personnalité était à Blois ce dimanche matin, dans le cadre des Rendez-vous de l’Histoire, pour un grand entretien autour de son ouvrage.

« J’ai appelé mon livre « Du mépris à la colère »*. Et moi, la colère, elle me fait peur, dans une démocratie, si elle n’est pas entendue. Elle souligne une incompréhension de la réalité du travail. Cette réforme, qui m’a fortement irrité, impactera directement le cœur du salariat. À qui je pense lorsque je dis cela ? Aux travailleurs et travailleuses de deuxième ligne qui ont été présents pendant le confinement. Ce sont eux qui seront les plus touchés. Ceux qui seront le plus affectés sont les travailleurs du nettoyage, de la distribution, de l’industrie, souvent de l’industrie lourde, entre autres. Pourquoi cette mobilisation massive, notamment dans les villes moyennes et petites ? Parce que cette réforme touche profondément ces travailleurs. Sans oublier les agents de catégorie C de la fonction publique, souvent moins diplômés, ayant commencé tôt dans la vie professionnelle et à qui on demandera de travailler encore plus, a déclaré Laurent Berger ce dimanche à Blois. Gouverner sans dialogue n’est pas la bonne méthode, surtout quand il y a un sentiment de mépris à l’égard de certains métiers, notamment ceux des travailleurs de seconde ligne. La colère naît de cette situation, et en tant que responsable syndical, je ne peux rester silencieux face à cette injustice ressentie. »

La gauche

Interrogé par la journaliste de Libération, Alexandra Schwartzbrod, sur les partis actuels de gauche, l’ancien secrétaire général de la CFDT s’est montré critique : « La critique est facile, l’art est difficile. Si, il y a trois ans, vous aviez demandé à n’importe qui : « Pensez-vous que les responsables syndicaux sont à la hauteur ? », la réponse aurait pu être simple… Je connais bien le poids de la responsabilité, ayant occupé des fonctions collectives. Ce que je leur reproche, c’est de ne pas se centrer sur les vrais enjeux, qu’ils soient sociaux ou environnementaux. Excusez-moi, c’est un peu facile, mais on ne peut pas être un parti écolo et faire son université d’été sur l’invitation au non d’un rappeur, on ne peut pas être un parti socialiste et donner le sentiment que le sujet du travail est de seconde zone. Je le dis comme je le pense.« 

Le travail

Et Laurent Berger a poursuivi ainsi : « J’ai toujours eu le sentiment que le travail a été délaissé dans le débat public car c’est une notion complexe. Un rapport de la Fondation Jean Jaurès l’illustre bien en évoquant les ambivalences vis-à-vis du travail. D’un côté, il y a une vision moraliste qui veut que l’on travaille de la même façon que les générations précédentes. De l’autre, une vision misérabiliste. Pourtant, la majorité des travailleurs aiment leur travail et leur entreprise, mais souhaitent améliorer leurs conditions. Le travail est donc paradoxal. C’est à la fois une réalité sociale, un moyen d’acquérir des compétences, un lieu d’émancipation, d’amitié, d’amour, et parfois de souffrance. Ce sujet complexe ne peut être traité que par le dialogue et l’écoute. Malheureusement, le débat public ne s’en empare pas suffisamment. Je regrette cette situation, mais j’ai l’impression que les choses commencent à bouger. Plusieurs acteurs s’intéressent de nouveau au travail. »

Le logement

Concernant le logement, celui qui était un des leaders de la lutte contre la réforme des retraites, a exprimé ses grandes craintes. « De nombreux jeunes peinent à trouver un logement, notamment à Paris. Le phénomène Airbnb, mal régulé, n’arrange rien. Ajoutez à cela les contraintes pour louer, notamment pour les freelances, et vous avez une situation préoccupante. Un rapport du CNR Logement propose des solutions, mais il semble avoir été ignoré. Je crains une montée de l’angoisse chez les jeunes, moins liée à des problématiques sociales mais davantage à l’environnement et aux conditions de vie. »

Engagement politique

Une nouvelle fois il a été demandé à l’ancien leader syndical s’il irait sur le terrain politique. Et c’est toujours non. « Je ne crois pas aux figures providentielles, homme ou femme, a commenté Laurent Berger. Je me situe, sans doute comme beaucoup d’autres dans cette salle, dans une perspective traditionnelle : il s’agit de construire collectivement. Qu’est-ce que cela signifie ? C’est travailler ensemble pour défendre des idées et des propositions sur lesquelles on s’est penché. Et peu importe qui est le porte-parole. De plus, être un responsable syndical n’est pas la même chose qu’être un acteur politique. Il nous manque des acteurs politiques engagés. Si j’avais voulu faire de la politique, je m’y serais déjà engagé. Des offres m’ont été faites, mais je ne souhaite pas emprunter cette voie. Je préfère contribuer, de manière visible ou non, en apportant des idées. Ces idées doivent s’inscrire dans la transition écologique, car c’est une nécessité.« 

Le terrain des idées

Notre pays fait face à un problème majeur d’inégalité et de distribution de la richesse, juge Laurent Berger. « Il ne s’agit pas de choix impossibles à faire. Il est crucial de revitaliser notre démocratie en s’appuyant davantage sur les régions. Comment croire qu’une décision prise à Paris s’applique de la même manière partout ? De belles initiatives émergent, notamment dans le domaine économique. Certaines réalisations locales dans diverses villes ne sont pas assez mises en lumière. L’initiative « Territoire zéro chômeur » en est un exemple concret. Je l’ai toujours soutenue. Cependant, les décisions budgétaires récentes ne semblent pas alignées avec ce projet : 20M€ en moins. On dit qu’on va organiser 15 heures d’activité pour les bénéficiaires du RSA… comment ? Les professionnels du secteur eux-mêmes trouvent cela incohérent. Je pense qu’il y a une place pour un projet ambitieux qui traite de la transformation écologique, de la répartition des richesses, des inégalités, de l’initiative locale, du droit à l’expérimentation, et plus encore. Il est essentiel de développer d’abord ces idées. »

* »Du mépris à la colère – Essai sur la France au travail » par Laurent Berger – Editions du Seuil – 12 € TTC –
144 pages

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