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Lia Silva : « Le tatouage peut être un moyen de se réapproprier son corps »

Dans un monde où l’art se réinvente constamment, le tatouage est un moyen d’expression personnelle et artistique. Au cœur de cette pratique on trouve Lia Silva (serialxgraphic), une artiste qui fusionne habilement la linogravure avec l’art ancestral du tatouage handpoke. Basée à Blois, Lia offre une perspective sur ces formes d’art, en explorant leur potentiel pour créer des œuvres significatives et intimes. Son approche réfléchie met en lumière le tatouage non seulement comme une forme d’embellissement corporel, mais aussi comme un acte de réappropriation personnelle et une quête de beauté durable. Dans une interview, nous plongeons dans l’univers de Lia Silva pour découvrir son parcours, ses inspirations et sa vision du tatouage et de la linogravure.

Blois Capitale : Comment parleriez-vous du tatouage ?

Lia Silva : Jusqu’ici, le tatouage, c’est surtout beaucoup de clichés véhiculés. Mais actuellement il y a une démocratisation qui s’opère, de par l’évolution des techniques, et du relationnel entre tatoués et tatoueurs. Ce n’est plus juste un tatouage, mais c’est aussi une rencontre. Pour certains, c’est aussi un moyen de se réapproprier son corps. Cette relation entre le corps et l’esprit est pour beaucoup dans l’acte de tatouage. On a besoin aujourd’hui de se graver des moments de vie marquants sur la peau, sûrement aussi parce qu’on fait partie d’un monde où tout va très vite, et c’est un moyen pour nous de fixer les choses dans le temps.

Blois Capitale : Pourriez-vous nous parler de votre parcours et de ce qui vous a attiré vers la linogravure et le tatouage Handpoked ?

Lia Silva : J’ai découvert la technique de la linogravure durant mes études de design graphique à l’ETIC, école de design à Blois. Avec une première année préparatoire qui m’a permis de découvrir différents médiums et techniques pour exprimer et mettre en avant mes idées. La linogravure m’a tout de suite plu, et je m’en suis servie par la suite, pour mener à bien divers projets pendant mes études. Cette technique m’apportait un côté manuel, plus authentique qui me correspondait. Après l’obtention de mon BTS et de mon Bachelor je me suis vite rendue compte qu’il me manquait quelque chose. J’ai donc profité d’un service civique à La Ressourcerie du Blésois, afin de perfectionner et d’approfondir mes techniques artistiques le reste de mon temps libre. Un mi-temps qui m’a permis de prendre du recul sur ce que je souhaitais réellement faire, mais aussi pour apprendre et développer mon dessin.

Par la suite, je me suis intéressée au tatouage, et plus particulièrement à la technique du handpoke (sans machine, pas d’impulsion électrique, juste à l’aiguille), ce qui me permettait d’appréhender plus en douceur la méthode du tatouage. L’aiguille non mécanisée, étant l’origine des premiers tatouages, remonte à des millénaires et traverse les frontières culturelles. J’ai donc approfondi le sujet avant de ma lancer. J’ai ensuite effectué ma formation en hygiène et salubrité. Cette formation comporte un module théorique et un module de formation pratique afin d’exercer dans le respect des règles générales d’hygiène et de salubrité. Je me suis entraînée sur moi puis sur mes amis proches, qui ont accepté de me faire confiance et d’être mes premiers cahiers de brouillon. Je ne les remercierai jamais assez. Par la suite, je me suis renseignée des démarches à effectuer pour créer son entreprise.

Blois Capitale : Comment décririez-vous votre style dans chacune de ces pratiques ?

Lia Silva : Je ne pense pas avoir de style défini que ce soit pour le tatouage ou pour la linogravure. Mon style évolue en fonction de l’acquisition de mes connaissances, de mes envies, et de mes inspirations du moment. C’est aussi ça qui est chouette, c’est de pouvoir créer en fonction de ses envies. 

Il y a une grande différence entre le tatouage et la linogravure. La technique de la linogravure donne place à l’erreur, aux ratés, qui des fois donnent des effets très intéressants visuellement. L’apprentissage du tatouage, quant à lui, doit être carré à tout niveau. Il faut commencer doucement et ne pas brûler les étapes. Le droit à l’erreur n’est pas permis. C’est important en tatouage, de proposer des visuels que l’on sait comment réaliser en amont, et non l’inverse. Mettre en confiance son client, lui expliquer le procédé de réalisation du tatouage, l’informer sur les risques ou encore sur les soins à suivre pour une belle cicatrisation, c’est beaucoup de relationnel et d’échange entre deux individus. Les deux techniques, néanmoins, demandent du travail en amont et surtout beaucoup de patience. 

Blois Capitale : Quel est votre processus créatif de l’idée initiale à la pièce finie ?

Lia Silva : Dans le tatouage, nous avons deux possibilités. La création d’un projet personnel, où l’on répond donc à une commande. On réfléchit ensemble à un motif en fonction des envies et critères personnels du client et bien sûr de mon style de dessin. Les « flash » sont des motifs de tatouage, créés et dessinés, puis mis au « catalogue » afin d’être proposés aux clients. Il se l’approprie et lui trouve une cohérence personnelle. Les flashs me permettent de laisser libre cours à mon imagination et de créer en fonction de mes envies personnelles. 

Blois Capitale : Pourriez-vous décrire les étapes que vous suivez pour réaliser un tatouage Handpoked?

Lia Silva : La première étape de création d’un tatouage au handpoke est par la prise de contact. On échange sur le motif avec le client, l’emplacement, la taille puis je détermine un tarif en fonction de toutes ces informations. Nous définissons un rendez-vous, et j’informe le client des produits/soin qu’il devra suivre pour la cicatrisation.

Le jour du rendez-vous, je prends le temps de discuter en amont de la prestation avec mon/ma client(e) autour d’un thé ou d’un café. C’est un métier où le relationnel est indispensable, je pars du principe que le client aura toujours une petite partie de moi sur lui, j’ai donc ce besoin de sympathiser, d’apprendre à créer du lien.

Puis vient la pose du stencil (dessin préparatoire que l’on pose sur la peau) qui me sert de calque à suivre pour la réalisation du tatouage. C’est un moment important pour le client, qui lui permet de se projeter, et de décider quelle taille/emplacement, il désire. Ensuite, la réalisation du tatouage. Les clients qui découvrent la technique sont souvent assez curieux de voir la douceur du handpoke. Pas de bruit, pas de vibration, juste la playlist musicale en fond. C’est un moment assez relaxant au fond. Le handpoke est une technique moins agressive pour la peau, mais celle-ci est plus longue pour réaliser un motif. La technique du handpoke et celle de la machine offrent chacune des avantages et des inconvénients, en fonction du client et de sa sensibilité, il préféra l’une ou l’autre.

Blois Capitale : Y a-t-il des artistes ou des mouvements artistiques qui influencent particulièrement votre travail ?

Lia Silva : À l’heure ou Instagram, Pinterest mettent en avant des milliers de tatoueurs talentueux, les influences et l’inspiration sont nombreuses. Je m’inspire de beaucoup d’artistes différents. Les réseaux sociaux nous montrent de nombreux styles et techniques, et surtout de pouvoir échanger entre nous sur la façon de procéder. Ce qui nous permet d’avancer plus vite. Avec ce flux de tatoueurs, il devient aussi difficile de se démarquer des autres, il faut sans cesse se réinventer, c’est une motivation en plus pour la création. 

Blois Capitale : Quels sont les outils et matériaux que vous préférez utiliser pour la linogravure et pourquoi ?

Lia Silva : En fonction de la texture recherchée, du style de dessin et de l’intention finale, je choisirai une encre ou un papier en particulier. Je me pencherai sur une encre à l’eau pour la linogravure sur papier, et sur une encre pour tissus pour les supports destinés à être lavés à la machine.  

Lia Silva

Blois Capitale : Idem pour le tatouage Handpoked, comment choisissez-vous vos aiguilles et vos encres ?

Lia Silva : Pour ce qui concerne le tatouage, en échangeant avec mes consœurs, je vais me tourner plus vers une encre qu’une autre. Pour la qualité de l’intensité du noir dans le temps, pour la cicatrisation, pour sa texture, ou encore pour l’application dans la peau. Les aiguilles, c’est un choix un peu plus personnel, souvent beaucoup pour une question l’habitude. Pour du tracé, on privilégiera des aiguilles round liner, pour le remplissage d’une zone de noir, ce sera des aiguilles magnum, et pour l’ombrage des aiguilles rounds shader, mais encore une fois chaque artiste peut casser les codes et les utiliser autrement dans son travail en fonction du rendu souhaité. 

Blois Capitale : Voyez-vous des similitudes ou des interconnexions entre la pratique de la linogravure et celle du tatouage Handpoked ?

Lia Silva : Les similitudes entre ces deux techniques pour moi, c’est principalement la création, le dessin. Et surtout de pouvoir créer sans contraintes, être son propre chef est très satisfaisant dans le processus de création, il n’y a pas vraiment de limites.

Blois Capitale : Comment ces deux formes d’art se complètent-elles dans votre pratique artistique globale ?

Lia Silva : Elles se complètent, car elles demandent toutes les deux de la patience et de la création pour arriver à un résultat final. Le processus de création, du début à la fin !

Blois Capitale : Pouvez-vous nous parler d’un projet qui vous a marquée ? Y a-t-il de nouvelles techniques ou de nouveaux styles que vous aimeriez explorer ?

Lia Silva : Le projet qui m’a le plus séduit en 2023, c’était la réalisation d’un grand portrait dans le dos de ma cliente. C’était pour moi un projet grandeur nature qui sortait des motifs plus petit que j’avais l’habitude de faire. Projet qui m’a permise de me dépasser en termes de technique. Pour l’instant, je tiens à perfectionner ma technique avant de m’aventurer sur de nouvelles idées de créations. 

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