Les futurs professionnels de santé du Loir-et-Cher sont déjà parmi vos proches !
AgendaCinémaCultureVie locale

Love Me Tender, Kanaky, Roumanie, Colombie : la programmation des Lobis

Cette semaine, aux Lobis, la programmation traverse des géographies, des langues et des systèmes politiques. Mais débutons par les sorties nationales, avec Laëtitia Scherier, la directrice du cinéma, qui nous propose une nouvelle carte blanche.

Elle commence par La Condition de Jérôme Bonnell, adaptation du roman Amours de Léonor de Récondo, publié en 2015. Laëtitia Scherier précise : « L’action se déroule en 1908, au tout début du XXᵉ siècle. C’est un film sur la sororité, sur les rapports de pouvoir et sur la condition des femmes. » Elle décrit le trio d’interprètes : « On suit un trio de personnages, avec Swan Arlaud — qui est vraiment excellent — sa femme, et une domestique qui est aussi sa maîtresse. » Laëtitia raconte l’élément déclencheur : « La domestique tombe enceinte. À partir du moment où la grossesse est découverte, la femme pose une condition. » Elle ne dévoile pas la nature de cette condition, « pour ne pas raconter le film », mais poursuit : « Tout le film est vraiment basé sur les conventions, les non-dits de cette époque-là. » Le dispositif visuel fait partie du propos : « L’essentiel du film se déroule en huis clos, dans une grande maison bourgeoise. On ressent très fortement l’enfermement des personnages, notamment dans leur condition de femmes et de mères. » Elle développe également l’enjeu dramatique : « On voit la tentative de trouver une échappatoire pour pouvoir échapper à un mari, un amant qui finit par devenir un bourreau. » Et elle conclut : « C’est un très beau film. »

Mais très vite, la voix s’éclaire lorsqu’elle aborde son véritable coup de cœur : Love Me Tender, second long-métrage d’Anna Cazenave Cambet, librement adapté du roman de Constance Debré. Un film présenté dans une sélection parallèle à Cannes, porté par la présence de Vicky Krieps. « Ce que je trouve hyper intéressant, c’est qu’il y a vraiment une mise en abyme », explique la directrice des Lobis. L’histoire semble simple : une femme qui, après une séparation paisible, révèle à son ex-compagnon qu’elle vit désormais des histoires d’amour avec des femmes. À partir de là, tout bascule. L’homme, blessé dans son ego, choisit la voie la plus brutale : faire en sorte qu’elle perde la garde de leur fils. Ce qui aurait pu se jouer comme un drame intimiste s’ouvre ici sur un champ politique plus large. Laëtitia Scherier le dit avec précision : « Le film pose des questions fortes sur la maternité, l’identité de mère, l’identité de femme. Mais c’est aussi un film extrêmement politique. »

Le film avance ainsi sur un double plan : d’un côté, le combat d’une femme que l’on suit dans son quotidien, sur son vélo, tentant de préserver sa dignité malgré « toutes les horreurs qu’on peut raconter sur elle » ; de l’autre, l’écriture du livre (de Constance Debré), dont la genèse apparaît à l’écran. « On nous montre la naissance d’un livre, et en même temps, on voit à l’écran son adaptation. » Cette superposition crée un espace où fiction, mémoire et combat se confondent.

Pour Laëtitia Scherier, ce film parle à tout le monde. Aux mères, évidemment. Aux pères aussi. À tous ceux qui vivent ou ont vécu un lien avec un enfant, proche ou lointain. « Les rôles pourraient très bien être inversés », dit-elle. On comprend alors que Love Me Tender n’est pas seulement un film sur une mère lesbienne privée de garde : c’est un film sur les systèmes qui décident, sur ce qui constitue une famille, sur ce qu’on attend d’un parent. La colère, l’humour, la respiration : tout circule. « Un film extrêmement beau », dit-elle simplement.

Dans la continuité de cette semaine engagée, un premier ciné-débat arrive vendredi soir (20h) autour de L’Ordre et la morale de Mathieu Kassovitz, qui prend ici un sens particulier, porté par une toute nouvelle association, le Centre Loire pour une Kanaky souveraine. L’histoire commence avec la rencontre d’un membre de l’association et de Steeve Unë, Kanak installé à Blois, faussement accusé d’actes de terrorisme et détenu à tort à la maison d’arrêt de Blois. « Grâce à l’appui de certaines associations, son cas a été réévalué par une juge antiterroriste à Paris », rappelle Laëtitia Scherier. « Il travaille au Secours catholique, il est souvent hébergé au presbytère, il n’a pas le droit de rentrer chez lui. L’idée de l’association, c’est de pouvoir parler de la situation des Kanaks, de la situation politique, et de tous les réfugiés qui se battent à distance pour l’indépendance. » L’acteur Olivier Rousset sera présent lors de ce ciné-débat.

Mardi, une autre scène politique : la Roumanie contemporaine, vue à travers Kontinental 25 du réalisateur Radu Jude, présenté en ciné-débat (20h30), en partenariat avec Europe Ensemble. Dans ce film, une femme doit expulser un SDF d’un immeuble pour laisser place à un projet immobilier de luxe. L’opération tourne mal. Elle est rongée par la culpabilité. Sur ce canevas minimaliste, Radu Jude déploie ce qu’il sait faire : un film où tout devient politique, où la ville — Cluj — devient personnage, où l’individu n’est jamais séparé du système qui le traverse. L’historienne Irina Gridan, spécialiste de la Roumanie, accompagnera la séance.

Puis vient la Colombie, avec Un Poète, film défendu par Ciné’fil. Un film de Simón Mesa Soto, porté par deux acteurs non professionnels dont la maladresse réelle nourrit les personnages. « Il y a une candeur », dit la directrice des Lobis. Le portrait est celui d’un homme qui doute de son talent, de sa vocation ; un homme qui pourrait passer pour un raté mais que la caméra filme avec tendresse. « Il devient extrêmement touchant. » Laëtitia Scherier insiste sur ses atouts : des séquences inattendues, presque burlesques, qui surgissent sans prévenir. « Moi, je trouve ça hilarant. » Le montage brut, les sauts entre les scènes : tout respire, tout désoriente légèrement, comme un poème en mouvement. Et puis « beaucoup de spectateurs sont en demande de films en langue espagnole ». Vœu exaucé.

Alors oui, cette semaine, aux Lobis, on voyage. Kanaky. Roumanie. Colombie. Et, derrière ces films moins porteurs que les grands succès attendus, l’idée forte de la salle : les ciné-débats offrent ce que la programmation classique ne permet pas toujours. « C’est l’occasion d’explorer d’autres pays et d’autres cinéphilies. »

Plus d’informations ici : blois-les-lobis.cap-cine.fr

Votre annonce sur Blois Capitale

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Bouton retour en haut de la page
Blois Capitale

GRATUIT
VOIR