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Quand les femmes n’avaient pas le droit de rire

Dans de nombreuses sociétés, les normes de genre ont imposé des attentes particulières sur la manière dont les femmes devaient se comporter en public, y compris des restrictions sur leur manière de parler, de rire et d’interagir. Ces normes pouvaient varier considérablement d’une culture à l’autre et évoluer au fil du temps.

Par exemple, dans certaines sociétés européennes à différentes époques, les comportements jugés trop expressifs ou bruyants, comme le rire fort, pouvaient être considérés comme inappropriés pour les femmes, car ils allaient à l’encontre des idéaux de féminité qui prônaient la réserve et la modestie.

Le rire des femmes a longtemps été un sujet complexe, mêlé à des contraintes sociales et culturelles. Historiquement, dans certaines cultures, le rire féminin était associé à l’obscénité ou à l’indécence, et donc contrôlé ou limité dans les espaces publics. Par exemple, dans la Grèce antique, des festivités comme les Thesmophories, réservées aux femmes, permettaient l’expression libre du rire à travers des plaisanteries et des gestes obscènes, mais ces expressions étaient confinées à des cadres privés ou rituels​​.

Au fil des siècles, les femmes ont trouvé des moyens de naviguer et de transgresser ces restrictions, souvent en riant en privé, entre elles, ou en utilisant l’écriture et l’ironie pour exprimer leur esprit et leur humour. Dans les œuvres de Molière, par exemple, les servantes sont souvent les personnages qui rient ouvertement, utilisant leur bon sens et leur rire pour critiquer les absurdités des classes supérieures​​.

À partir du XVIIe siècle et surtout au XVIIIe siècle, dans la bonne société, les femmes commencent à s’exprimer davantage par le biais de la conversation, tenant des salons où l’esprit et l’humour féminins pouvaient briller. Les femmes écrivaines de cette époque, comme Marguerite de Navarre via l’Heptaméron, utilisaient également l’écriture pour exprimer un humour qui critiquait subtilement les normes sociales et le pouvoir masculin sans chercher à transgresser ouvertement les conventions​​.

Au début du XXe siècle, les femmes ont commencé à gagner plus de liberté pour exprimer leur humour publiquement, par exemple sur les scènes de music-hall, bien que ces performances aient parfois été critiquées pour leur vulgarité. Cette période marque le début d’une lente émancipation du rire féminin, où les femmes commencent à être reconnues pour leur capacité à faire rire et à utiliser l’humour comme une forme d’expression​​.

Rire résistant en 2014 en Turquie

L’affirmation du vice-Premier ministre turc, Bülent Arınç, selon laquelle les femmes ne devraient pas rire en public, a déclenché une vague de réactions sur les réseaux sociaux en 2014. Arınç a critiqué la « régression morale » et le consumérisme, appelant à la chasteté chez les hommes et les femmes, et a particulièrement ciblé les femmes pour leur comportement en public. Ses commentaires ont été perçus comme une attaque contre la liberté d’expression et ont incité des femmes du monde entier à partager des images d’elles riant en utilisant les hashtags #kahkaha (rire) et #direnkahkaha (rire résistant) comme forme de protestation​​​​.

La déclaration de Bülent Arınç a été largement critiquée, tant au niveau national qu’international, et a suscité des réponses de diverses personnalités politiques. Par exemple, Ekmeleddin İhsanoğlu, candidat à la présidence contre le Premier ministre de l’époque, Recep Tayyip Erdoğan, a déclaré que la Turquie avait besoin d’entendre les femmes rire et que le pays avait plus que jamais besoin de ce rire. Cette affaire a mis en lumière les préoccupations concernant la liberté des femmes et la régression des droits des femmes en Turquie, un pays historiquement plus progressiste en matière de droits des femmes par rapport à ses voisins, mais qui fait face à des défis continus en termes d’écart salarial, de mariages d’enfants, de crimes d’honneur et de violence domestique​​.

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