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Yann Laffont : « Beaucoup de choses se passent bien à Blois »

Vice-président d’Agglopolys chargé de l’économie circulaire, des déchets, de l’enseignement supérieur, de l’économie sociale et solidaire, mais également, conseiller municipal de Blois délégué à la transition énergétique, l’écologiste (EELV et Blois Naturellement) Yann Laffont œuvre dans ce qui fait le quotidien des habitantes et habitants. Nous l’avons rencontré pour aborder de multiples sujets, dont la gestion des déchets, un thème qui passionne l’élu, de son propre aveu.

Blois Capitale : Depuis le 1er janvier 2024, le tri à la source des biodéchets est devenu obligatoire. Comment se passe ce changement sur Agglopolys ?

Yann Laffont : Concernant les biodéchets, la collectivité se prépare depuis des années à cette échéance. La gestion des déchets était une compétence de ValeEco jusqu’au 1er janvier 2022, période pendant laquelle des composteurs étaient vendus à un tarif attractif. En 2022, la compétence a été transférée à l’agglo, accompagnée d’une distribution gratuite de composteurs, augmentant significativement la demande.

Le déploiement des composteurs collectifs est plus lent, nécessitant une dynamique collective et des leaders motivés dans les immeubles pour assurer une gestion efficace du compost. Environ 40 sites de compostage partagés existent actuellement, mais il reste du chemin à parcourir pour engager davantage de citoyens.

Le véritable enjeu réside dans le passage de l’économie linéaire à l’économie circulaire. Nous cherchons à transformer la perception des déchets ou des objets en fin de vie. La loi du 1er janvier représente une petite révolution dans ce domaine, bien que l’impact précis sur la gestion des déchets reste à évaluer. Il est vrai que les gens tendent à voir chaque nouvelle réglementation comme une contrainte. La loi vise pourtant à créer des opportunités pour gérer nos déchets plus efficacement. Avant le 1er janvier, beaucoup s’inquiétaient de potentielles sanctions pour des erreurs de tri, d’où la nécessité de rassurer sur la responsabilité première de la collectivité d’offrir des options de collecte et de traitement alternatives.

Depuis le passage à la collecte sélective porte-à-porte, nous observons une augmentation plus que significative des déchets recyclables (+120%) et une réduction des ordures ménagères. Cela indique une prise de conscience et une meilleure gestion des déchets par les habitants. Nous envisageons d’ajuster la fréquence de collecte pour encourager cette tendance positive, tout en maintenant l’attractivité et le service de qualité dans notre centre-ville historique pour les résidents mais aussi pour le tourisme.

Blois Capitale : Concrètement, qu’est-ce-qui fonctionne bien et quels sont les points à améliorer ?

Yann Laffont : Globalement, concernant la gestion des déchets, je trouve que la logistique de collecte fonctionne bien. Nous disposons d’un système opérationnel six jours sur sept, à l’exception des jours fériés comme le 25 décembre, le 1er janvier et le 1er mai. Je tiens à saluer le travail des ripeurs qui, qu’il pleuve, vente ou neige, sont toujours derrière le camion pour faire leur travail, un travail qui est loin d’être facile. Leur engagement, particulièrement visible pendant les confinements et les crises sanitaires, a été largement reconnu et apprécié par les habitants, comme en témoignent les dessins d’enfants et les messages de remerciements laissés sur les conteneurs.

En termes de coûts, ils sont bien maîtrisés. On estime le coût d’un passage du camion de collecte devant chez soi à quelques euros seulement, un montant dérisoire comparé aux dépenses hebdomadaires au supermarché. Cette efficacité et ce coût économique méritent d’être soulignés.

Par ailleurs, nous gérons divers types de collectes, des ordures ménagères résiduelles aux recyclables, en passant par le verre et les cartons en centre-ville, sans oublier nos déchetteries. Depuis le 1er janvier, c’est notre régie qui assure ces services, auparavant délégués à des prestataires privés comme Suez. Cela représente une organisation considérable et un investissement important pour un service de haute qualité.

En ce qui concerne le traitement des déchets, nous avons la chance d’avoir une unité de valorisation énergétique de haut rendement, produisant chaleur et électricité pour environ 8 000 à 8 500 logements. C’est une réussite dont nous sommes fiers, d’autant plus que nous envisageons d’étendre cette valorisation à d’autres types de déchets.

Malgré ces succès, il reste des défis à relever, notamment en ce qui concerne l’économie circulaire. Nous avons mis en place un plan d’action avec une quinzaine d’axes principaux pour encourager le réemploi, la mutualisation des ressources et la réduction des déchets à la source. Cependant, nous sommes conscients que sans une démarche nationale contre le sur-emballage et sans promouvoir davantage le vrac et le réemploi, les quantités de déchets resteront importantes.

Si la gestion des déchets en aval est efficace, il est crucial de travailler également en amont, sur la production et la consommation, pour véritablement réduire l’impact environnemental des déchets. Cela nécessite une collaboration étroite avec les entreprises, les consommateurs et les instances gouvernementales, à tous les niveaux.

Blois Capitale : Faut-il certaines contraintes pour voir évoluer les mentalités et les actes ?

Yann Laffont : Cela nous expose au risque d’être qualifiés d' »écologie punitive », ce que nous voulons éviter. Ainsi, tout comme le passage à la collecte porte-à-porte des recyclables avec les bacs jaunes à domicile peut occasionnellement causer des soucis, en particulier en centre-ville, car certains résidents, soit par obligation ou d’autres raisons, laissent leur bac jaune sur le trottoir, ce qui est peu esthétique. Nous pourrions adopter une approche très coercitive en identifiant les contrevenants, ce qui n’est pas compliqué puisque les adresses sont connues, et déclarer qu’il est illégal de laisser son bac dans l’espace public, méritant ainsi une amende. Cependant, ce n’est pas l’approche que nous privilégions. Nous tentons de promouvoir la concertation, la discussion, et le consensus au lieu de la sanction.

Nous avons dans notre équipe trois personnes que nous appelons des ambassadeurs de la prévention des déchets, qui sont presque quotidiennement sur le terrain pour identifier les points difficiles, discuter avec les commerçants, et parfois même entrer dans les commerces ou chez les particuliers pour vérifier ce qui est faisable ou non, afin de trouver des solutions. Cela inclut des efforts pour organiser des regroupements avec des caches plus esthétiques ou retirer les bacs lorsque c’est impossible de les placer ailleurs que sur le trottoir, et peut-être revenir à un système de dépôt volontaire dans certains endroits où cela pose vraiment problème. Nous cherchons donc à privilégier encore une fois la discussion à la sanction. En pratique, nous constatons que les gens s’adaptent et commencent à faire plus attention au volume de déchets qu’ils produisent, ce qui nous a permis de réduire les volumes de déchets ménagers de 30%.

Il est important de mentionner le concept du « nudge » qui vise à orienter les gens dans une direction souhaitée de manière subtile plutôt que par contrainte. En matière de recyclage, nous disposons de données qui montrent que le système fonctionne bien, avec un taux de recyclage atteignant presque 70%, bien qu’il reste encore des progrès à faire. Il est crucial d’encourager les gens à continuer de trier leurs déchets, car même si un produit n’est pas recyclable aujourd’hui, cela pourrait changer à l’avenir grâce à l’innovation et au développement industriel.

Enfin, il y a le problème des grandes surfaces qui installent des bornes de collecte pour les bouteilles plastiques, offrant une rémunération aux clients sous forme de bons d’achat. Cela nous pose problème car cela détourne une partie des matériaux qui devraient être collectés par les services municipaux, réduisant ainsi nos revenus issus du recyclage. Sur ce point nous agissons au niveau national, par le biais d’associations d’élus, pour adresser cette question au ministère de la Transition écologique, plutôt que de stigmatiser directement les acteurs de la grande distribution.

Blois Capitale : Quid du gaspillage ?

Yann Laffont : L’effort principal est mené au niveau des cantines de restauration scolaire, notamment dans le Pays des Châteaux. Les équipes collaborent avec les responsables des cantines, les enseignants, et les élèves pour minimiser le gaspillage alimentaire dans les écoles. À Blois, nous avons trouvé un moyen efficace de réduire ce gaspillage en privilégiant l’approvisionnement en produits de qualité, bio et locaux pour les cantines scolaires. Nous partons du principe que si les enfants bénéficient d’une alimentation de meilleure qualité, ils seront moins enclins à laisser de la nourriture dans leurs assiettes. Les retours des enfants confirment déjà une amélioration notable en termes de goût et de qualité, ce qui les incite à moins jeter.

Face au constat alarmant qu’un milliard de repas sont jetés chaque jour (dans le monde selon les estimations de l’ONU, ndlr) nous comprenons que la sensibilisation et la communication sont essentielles, mais elles ne suffisent pas à garantir que les dates de péremption sont respectées ou que les consommateurs n’achètent pas au-delà de leurs besoins réels. L’écologie politique ne vise pas à dicter les comportements mais plutôt à promouvoir un mode de vie plus durable et moins générateur de déchets, qu’ils soient d’emballage ou alimentaires.

Ma formation d’économiste m’a amené à m’intéresser profondément à des modèles alternatifs tels que la théorie du donut et l’économie circulaire, visant à produire de la richesse sans dépasser les limites planétaires. La question de la surconsommation et de la valorisation d’autres formes de richesse, telles que le temps passé en famille ou la découverte de notre patrimoine naturel et culturel, est centrale. Il est crucial de repenser nos indicateurs de prospérité pour ne pas se limiter au PIB mais plutôt valoriser ce qui enrichit réellement nos vies et notre environnement.

Toutefois, promouvoir ce modèle de société sans paraître moralisateur reste un défi. Il est essentiel de rendre ce mode de vie non seulement souhaitable mais aussi accessible, reconnaissant ainsi la valeur des expériences et des plaisirs simples au-delà de la consommation matérielle.

Blois Capitale : L’alternative est entre une décroissance choisie et une décroissance subie ?

Yann Laffont : Même Jean-Marc Jancovici, une figure controversée pour certains écologistes, reconnaît qu’il viendra un moment où nous n’aurons plus le choix et que nous serons confrontés à une impasse. J’ai lu récemment que, d’ici la fin du siècle, si nous ne faisons rien, nous pourrions perdre individuellement 3 500 € de richesse par an. La décroissance, si elle n’est pas anticipée tant matériellement que psychologiquement, sera mal vécue, engendrant frustration, violence, et conflits. En tant qu’espèce, il serait judicieux d’anticiper ces enjeux pour les gérer intelligemment, en développant des réflexes de solidarité et d’entraide, afin de vivre aussi bien, sinon mieux, qu’auparavant.

Nous avons tendance à vivre dans le déni. Le livre ‘Le Bug Humain’ (de Sébastien Bohler) explique que notre cerveau est programmé pour privilégier l’accumulation plutôt que de réduire nos besoins. Nous sommes concentrés sur les sujets immédiats plutôt que dans une projection sur des risques à long terme, comme les inondations, les sécheresses, ou l’augmentation des températures. Un autre grand danger est le technosolutionnisme, l’idée fausse selon laquelle une avancée technologique, comme la capture du carbone ou la fusion nucléaire, nous sauvera. Ces solutions, même si elles devenaient réalisables, pourraient encourager une consommation excessive des ressources, aggravant le problème.

Quant à ma vision du changement, je ne prétends pas avoir une réponse individuelle et spécifique, car je crois en l’intelligence collective. Il est essentiel d’évoluer tant dans nos modes de vie et de production que dans nos modes de gouvernance, qui me semblent dépassés. Je me méfie des visions trop verticales et attendre un sauveur avec des solutions toutes faites n’est pas réaliste. Bien que je sois attiré par les idéaux de gauche, je rejette l’idée qu’un seul modèle de société, qu’il soit ultra-libéral ou ultra-progressiste, puisse détenir toutes les réponses. La diversité des points de vue est essentielle, et sur l’échiquier politique de gauche, il y a tout à gagner à travailler et à réfléchir ensemble.

En matière de lutte contre le réchauffement climatique, il y a deux axes : l’atténuation et l’adaptation. L’atténuation vise à réduire nos émissions et notre consommation, tandis que l’adaptation nous prépare à vivre dans un monde plus chaud. Il est crucial, en tant que responsables politiques locaux, de protéger les populations et de favoriser l’autonomie énergétique et alimentaire. J’aimerais mettre l’accent sur l’adaptation et l’autonomie comme solutions clés pour notre avenir.

Blois Capitale : Est-ce que Blois a tout pour être un modèle en la matière ?

Yann Laffont : Je vais être court, bref, et synthétique : oui.

Blois Capitale : En vous promenant vous devez voir des aspects négatifs…

Yann Laffont : Oui, par exemple, nous sommes confrontés à des incivilités, comme le dépôt sauvage de déchets ou le tri incorrect dans les bacs jaunes, engendrant des coûts supplémentaires pour la collectivité. Les incivilités routières sont aussi un problème, avec des conducteurs qui roulent trop vite dans nos rues, alors que nous souhaitons promouvoir une circulation plus apaisée.

Cependant, lorsque je me promène dans la ville, je constate que beaucoup de choses se passent bien, malgré certains problèmes qui peuvent sembler mineurs ou peut-être suis-je un peu naïf, préférant voir ce qui m’arrange. On peut regretter la vacance commerciale, mais ce n’est pas faute d’efforts de la part de la majorité et de la ville pour revitaliser le commerce, avec des initiatives comme Des Lyres. En puis Blois est une ville culturellement dynamique, comme le soulignait récemment un article du Figaro.

Blois Capitale : Vous parliez d’intelligence collective, l’idée de votations sur les questions écologiques vous semblent pertinentes ?

Yann Laffont : En ce qui concerne la participation citoyenne, il ne s’agit pas uniquement de voter. La démocratie participative exige plus qu’un simple vote ; elle nécessite un engagement actif au-delà de l’élection d’une équipe municipale. Cela soulève le débat entre démocratie représentative et démocratie participative, où la solution idéale se trouve probablement quelque part entre les deux. Il est essentiel d’honorer ceux qui choisissent de se consacrer à l’intérêt général, contrairement au cliché de l’élu corrompu qui recherche le pouvoir pour le pouvoir. Au quotidien, je vois des personnes dévouées à l’intérêt public.

L’engagement, qu’il soit associatif ou politique, est admirable et doit être respecté. Cela dit, il est crucial de trouver un équilibre entre démocratie représentative et participation citoyenne active au cours du mandat, en tenant compte des feedbacks, observations, et critiques des citoyens. La gouvernance inclusive et collective ne se décrète pas.

Blois Capitale : Sur notre territoire, il existe de multiples mouvements écologistes, c’est un peu difficile de s’y retrouver non ?

Yann Laffont : En matière politique, la diversité d’approches, qu’elles soient écologiques ou sociales, est bénéfique. Les partis traditionnels proposent des modèles de société, mais il y a aussi un espace pour l’engagement citoyen à travers des collectifs ou associations, qui peuvent être plus flexibles et adaptés aux besoins spécifiques d’un territoire. L’écologie, par exemple, a évolué pour soutenir les initiatives citoyennes plutôt que d’essayer de les absorber, reconnaissant la valeur de l’action collective indépendante. Il n’y a pas de « bonne » ou « mauvaise » porte ; il est important d’écouter son intuition et de suivre ce qui résonne personnellement. Souvent, c’est une rencontre ou une conversation qui ouvre la voie à l’engagement. L’important est de voir comment cela se passe et d’ajuster son parcours en conséquence.

Blois Capitale : Concernant la transition énergétique des bâtiments, certains parlent d’un Hôtel de ville qui devrait montrer l’exemple…

Yann Laffont : La rénovation thermique des bâtiments patrimoniaux, y compris l’Hôtel de ville, présente des défis. Nous sommes soumis aux exigences strictes de l’Architecte des Bâtiments de France, ce qui limite certaines actions comme le changement des menuiseries.

Nous avons entrepris un vaste travail de réflexion et d’action sur la rénovation thermique du patrimoine bâti de la ville et de l’agglomération. Nous avons identifié 15 ou 16 bâtiments comme les plus énergivores et donc prioritaires pour des travaux qui permettraient de réaliser les plus grandes économies d’énergie. Une enveloppe de 6 millions d’euros a été allouée par le conseil municipal pour commencer ces rénovations. L’hôtel de ville en fera partie, malgré le coût élevé de tels projets. Nous estimons que la rénovation complète de ces bâtiments coûterait près de 30 millions d’euros, un investissement conséquent pour une municipalité avec nos budgets, d’autant plus que les retours sur investissement se calculent sur des dizaines d’années.

La rénovation des bâtiments est compliquée non seulement par les coûts mais aussi par la difficulté de trouver des artisans qualifiés. La pénurie de compétences dans ce domaine nous amène à travailler avec les établissements d’enseignement supérieur et les centres de formation pour développer ces métiers d’avenir.

Blois Capitale : Concernant l’enseignement supérieur, la volonté est-elle d’augmenter le nombre d’étudiants ?

Yann Laffont : Nous sommes confiants dans le développement de nouvelles formations, comme une licence professionnelle spécialisée en droit numérique, qui attirera une vingtaine d’étudiants dès la première année. Malgré ces initiatives, on ne va pas doubler le nombre d’étudiants à Blois dans la prochaine, c’est évident…

Notre objectif est de rendre la ville accueillante et inclusive pour tous, y compris les étudiants. En améliorant l’accès à un logement de qualité, à une alimentation saine, et à des soins médicaux, nous contribuons à l’attractivité académique de la ville. Le problème des déserts médicaux et l’accès aux soins restent des enjeux majeurs. Nous valorisons les aspects qui rendent la vie quotidienne agréable, comme l’accès à des produits locaux et de qualité. Blois est une ville où je suis heureux de vivre, et nous travaillons pour que cela reste le cas pour tous.

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