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Européennes 2024 : Zoom sur le programme du Parti Socialiste

Le programme du Parti Socialiste pour les élections européennes de 2024 (le 9 juin) met l’accent sur un modèle de société plus social, écologique, démocratique, et féministe. La tête de liste, Raphaël Glucksmann, le qualifie d’ « humaniste et juste ». Tout le programme (337 mesures) peut être résumé sous le vocable « puissance écologique européenne ». Pour aller plus loin, nous avons interrogé Dylan Boutiflat, Frédéric Orain (qui figurent sur la liste PS-Place Publique) et Cléo Marchand, jeune socialiste.

Blois Capitale : Que faut-il comprendre par « puissance écologique européenne » ?

Frédéric Orain : Je pense qu’il est temps pour l’Europe de s’assumer pleinement, de ne pas être dépendante des résultats des élections américaines. Cette puissance requiert une souveraineté propre, notamment dans notre propre industrie, et ne peut ignorer les enjeux environnementaux et sociaux. ‘Fin du monde, fin du mois’, même combat. Nous devons donc agir sur tous les fronts simultanément, bien que cela puisse effrayer certains qui préfèrent se replier sur eux-mêmes. Je pense que notre liste est la seule à aborder ces questions avec sincérité, y compris sur des sujets complexes comme l’immigration. La stratégie du RN est suicidaire, tandis que la stratégie de Macron est illisible. Nous proposons de réinstaurer de vrais sujets, comme la possibilité de voyager de manière légale. L’Europe, puissance écologique, sociale et souveraine, doit se réapproprier ces notions que la gauche doit revaloriser.

Blois Capitale : Le fonctionnement du Parlement européen est marqué par le compromis, ce qui pose la question de l’application complète d’un programme…

Frédéric Orain : Effectivement le fonctionnement est différent, mais la culture du compromis est basée sur le programme. Avec plus de 300 mesures dans notre programme, nous devons évaluer quelles parties sont réalisables en fonction du rapport de forces. Celui-ci se fera en fonction du nombre de députés. Le PPE (groupe centre-droite) peut garder le pouvoir. On peut aussi retrouver l’Europe d’avant 1995 qui cherche à se bâtir, un modèle soutenu par les sociaux-démocrates. Après, le grand danger de cette élection, c’est que le PPE, pour conserver le pouvoir à tout prix, préfère former une alliance avec l’extrême droite, ce qui représente un risque tant au niveau européen que français. Nous nous positionnons comme une force de proposition pour sortir de cette impasse stérile.

Blois Capitale : Le programme du PS français est-il aligné sur celui du PSE ?

Frédéric Orain : C’est un reproche qui a été fait. Mais il est intéressant de noter que nous n’avons pas voté de la même manière sur certains sujets, comme le traité de libre-échange. Aujourd’hui, les sociaux-démocrates allemands sont plutôt en difficulté, tandis que nous sommes plutôt dans une position avantageuse. Il y a la possibilité que la vision française l’emporte au sein de la social-démocratie. D’autant plus qu’il y a le bilan de Raphaël Glucksmann qui montre que certains sociaux-démocrates, y compris les allemands, ont été trop passifs face à la Russie, une attitude que nous n’avons pas partagée. Nous pouvons maintenant récolter les fruits de ce que nous avons semé avant.

Blois Capitale : Dès le début du programme socialiste, on lit qu’il faut donner à l’Europe les moyens de se défendre. Il est écrit que « le moment est venu pour l’Europe de devenir adulte ». Que faut-il comprendre ?

Frédéric Orain : Le programme commence par les questions géopolitiques, un choix que j’assume pleinement. Il y a un chiffre que j’aime donner, la France donne 3.000 obus par mois à l’Ukraine, et en ce moment la Russie utilise 60.000 obus par jour ! On voit bien que ce n’est pas tenable. L’Europe doit pouvoir assurer sa propre défense, ce qui inclut le renforcement de l’industrie de l’armement, par exemple à Bourges. Cette autonomie s’étend au-delà de la défense, touchant aussi la santé. Rappelez-vous la crise des masques : initialement, nous avions détruit nos stocks puis nous avons dû en importer de Chine. Pour éviter de répéter ces erreurs, nous avons ouvert des usines de masques en France, mais la dernière en Bretagne a récemment fermé. Il est essentiel de développer un vrai modèle européen durable, en incluant des clauses miroir sociales et environnementales dans tous nos accords de libre-échange.

Dylan Boutiflat : Lors de notre entrée en campagne il y a deux mois, lorsque nous avons commencé à distribuer des tracts avec Fred, Cléo, et les autres camarades de la région, notre objectif était de répondre aux peurs de nos concitoyens, notamment en ce qui concerne le risque d’embrasement en Europe et la désindustrialisation, à travers des actes très concrets de régulation et de protection de l’emploi. Ce que Fred disait à propos de la santé, ou ce qu’il mentionnait sur l’armement, est applicable à tous les outils industriels. Notre rencontre avec l’intersyndicale de Duralex est un exemple ; il est important que nous nous rassurions nos concitoyens avec une Europe qui est là pour les protéger et pour développer la production, car nous les avons négligés pendant trop d’années, les laissant à la merci du capitalisme financier. Cela est l’héritage des libéraux, l’héritage de Macron, Merkel, et Sarkozy. Aujourd’hui, nous avons besoin de redonner de la crédibilité en précisant les moyens de développement que nous envisageons. Nous avons parlé d’un fonds d’investissement pour la défense de 100 milliards, qui bénéficiera à nos productions, de MBDA à Nexter dans la vallée du Cher, jusqu’à Biogaran dans l’industrie pharmaceutique. Nous ne voulons pas que la capacité de produire des médicaments génériques soit délocalisée en Inde, comme c’est le cas prévu par Servier, et nous le savons bien dans le Loiret, car Servier représente plusieurs milliers d’emplois. Il faut être conscient que l’Europe dispose des moyens, des politiques et des outils, et nous voulons réinvestir dans l’Union européenne par l’investissement public pour que notre industrie et nos salariés soient protégés.

Blois Capitale : Ce n’est pas atypique pour le PS de parler de réarmement ?

Dylan Boutiflat : Du tout ! Contrairement à ce que Madame Hayer prétendait hier soir sur LCI, nos parlementaires ont voté pour la loi de programmation militaire et ont soutenu l’accord militaire avec l’Ukraine. Personne ne peut nous reprocher de négliger la défense. Quand François Hollande disait, il y a 10 ans, qu’il fallait penser à la capacité de projection sur plusieurs décennies, y compris à la construction d’un deuxième porte-avions, il ne s’agissait pas de le faire seul, mais en coopération. À un moment donné, quand on voit des partenaires qui préfèrent acheter aux Américains ou aux Indiens, comme les Allemands, il faut s’interroger sur ce que signifie une défense européenne concrète. Nous voulons privilégier l’investissement européen pour les Européens, pas seulement pour les Français, et nous voulons établir une politique européenne de réindustrialisation pour garantir notre propre sécurité. Je ne choisis pas entre différents blocs ; je veux que les Européens comptent sur l’Europe. C’est le travail que nous faisons avec Anna Pic à l’Assemblée, avec Hélène Conway-Mouret au Sénat, ou avec nos parlementaires européens à Strasbourg. Parler de réarmement, ce n’est pas idéologique, mais une nécessité face aux risques de conflits majeurs avec la Russie et la Chine, et d’autres puissances émergentes comme l’Inde, le Brésil, et l’Afrique du Sud. Dans l’histoire des socialistes, depuis Jaurès jusqu’à maintenant, nous avons été des militants de la paix, mais la paix se gagne avec une armée, avec une capacité de projection reconnue.

Zoom sur le programme du Parti Socialiste
Dylan Boutiflat, Frédéric Orain et Cléo Marchand

Blois Capitale : L’Europe doit prendre sa part sur tous les terrains ? Qui dirigerait une armée européenne ?

Frédéric Orain : L’Europe, aujourd’hui, doit pouvoir agir de manière autonome, et il est anormal que les élections américaines semblent parfois plus déterminantes que les élections européennes dans la perception des gens, car ce sont elles qui influencent notre défense. Nous représentons une Europe respectueuse des droits humains et du droit international. Je suis à l’aise dans cette campagne car nous n’avons pas de double discours ; nous n’avons pas été pris à défaut sur l’Ukraine, sur Gaza, ni sur le Karabakh, contrairement à d’autres partis. Nous sommes un pays fondateur des droits de l’homme, et notre but est de valoriser la démocratie. Nous avons été trop timides avec la Russie, et la stratégie des libéraux consistant à échanger des faveurs avec la Russie contre du gaz et du pétrole a échoué, comme l’a montré le retour de Sarkozy, pensant avoir sauvé la paix en rentrant de Géorgie mais en réalité, nous avons seulement ouvert un nouveau chapitre de conflits.

Blois Capitale : Mais au sein de l’Europe les lignes divergent, on le voit avec Gaza…

Frédéric Orain : La plupart des pays soutiennent une solution à deux États, mais l’absence de l’Europe dans le conflit est flagrante. L’Europe aurait dû être garante d’une solution à deux États dans la région, mais pour y parvenir, elle aurait d’abord dû être capable de gérer les conflits sur son propre continent, comme ceux en Ukraine, Moldavie, et Géorgie. On dit souvent que l’Union européenne apporte la paix, c’est vrai. Mais ceux qui ne sont pas dans l’UE ? Ce sont les accords américains qui ont ramené la paix en Yougoslavie, pas nous. Être véritablement souverains signifie gérer notre propre espace et avoir une voix influente, sans craindre d’intégrer des pays comme la Macédoine, dont la population est comparable à celle de Lyon. Aujourd’hui, l’Europe ne semble pas crédible pour apporter la paix à Gaza si elle n’est même pas capable de ramener la paix en Géorgie…

Blois Capitale : Que signifie être une Europe de la défense adulte ?

Dylan Boutiflat : C’est, à un moment donné, être capable de prendre son autonomie par rapport à ses « parents », ici les États-Unis qui ont aidé à la fondation de l’Europe via le plan Marshall. Aujourd’hui, nous avons la capacité de nous autonomiser. Parler d’autonomie signifie affirmer notre rôle européen et notre capacité à assumer nos propres choix, car jusqu’à maintenant, nous avons trop souvent délégué notre défense ou notre industrie à d’autres. Nous ne voulons plus laisser les Chinois et les Indiens industrialiser nos médicaments ou gérer notre santé. L’autonomie stratégique signifie avoir la capacité de faire nos propres choix et de ne pas dépendre des Américains. Imaginez, si le 5 novembre, les Etats-Unis élisent président Trump, nous pourrions voir beaucoup de nos choix stratégiques compromis, que ce soit en Ukraine, au Proche-Orient ou en Afrique. Il s’agit aussi de notre modèle de civilisation qui est en jeu, de nos rapports avec la démocratie, et de notre capacité à défendre nos valeurs. C’est cela, l’autonomie : montrer que nous avons notre propre récit à écrire pour le XXIe siècle. Depuis 1957, nous avons l’impression que l’Europe s’est construite sans vraiment affirmer sa dimension politique, c’est pourquoi, avec Raphaël sur notre liste, nous parlons d’un horizon fédéraliste. Nous devons discuter ouvertement et sincèrement avec les Français et tous les Européens de ce que nous voulons pour l’Europe. Nous voulons une Europe fédérale et démocratique où les citoyens ont le dernier mot.

Blois Capitale : Dans le programme socialiste on trouve une approche humaine des migrations avec une mission européenne de sauvetages et des voies légales. Une politique migratoire?

Frédéric Orain : La politique n’est pas du marketing, comme certains le font… Nous ne sommes peut-être pas majoritaires sur ce thème. Mais, nous ne pouvons pas continuer à répéter les mêmes erreurs et échouer à chaque fois. Actuellement, nous avons confié les clés de notre politique migratoire à des puissances extérieures comme la Turquie et la Tunisie. Des gens sont morts. En tant qu’Européens qui défendent les valeurs humaines, nous ne pouvons pas tolérer cela. Les gens se lancent dans la Méditerranée sur des rafiots parce qu’ils n’ont aucun moyen légal d’arriver en Europe. Si les gens pouvaient arriver et repartir légalement, la situation serait différente. Beaucoup de personnes originaires du Maroc, d’Algérie ou de Tunisie qui vivent en France retournent dans leur pays d’origine pour les vacances. Pourquoi ce n’est pas possible pour d’autres? Il est temps de réaliser que des centaines de milliers d’immigrés travaillent illégalement sur notre sol, payent des impôts sans aucun droit en retour. Comment avons-nous pu dériver si loin de nos valeurs ? Être français, ce n’est pas être nécessairement blanc ou catholique. L’histoire de France a toujours été une histoire d’intégration, des Polonais, des Italiens, etc. Moi-même, Breton d’origine, je mange du beurre salé et cela ne m’empêche pas d’être français. Je me sens autant français qu’européen, et aucune de ces citoyennetés n’entre en contradiction avec l’autre. Nous devons être fermes sur les valeurs qui définissent la France, le respect des droits de chacun, des femmes, du droit de croire ou de ne pas croire.

Dylan Boutiflat : Notre approche de l’immigration est basée sur la vérité, contrairement aux discours alarmistes qui prétendent que nous sommes submergés par une ‘vague migratoire’. La réalité, c’est que la plupart des migrations se font au sein des continents, notamment en Afrique, en Asie et en Amérique du Sud. L’Europe n’est donc pas sous une pression migratoire extrême. Il peut y avoir des mouvements, l’Allemagne a accueilli 1,2 million de Syriens et d’Afghans, alors que la France en a accueilli seulement 30.000. Ces dernières années, les Allemands ont également accueilli plus d’un million d’Ukrainiens, tandis que la France en a accueilli 100.000. Il est donc temps de mettre fin à ces fantasmes et d’adopter une approche réaliste. Notre tête de liste a récemment expliqué qu’il est nécessaire d’établir des voies légales de migration, en particulier avec nos partenaires africains. Nous avons discuté avec des leaders de plusieurs pays africains qui soulignent le besoin de réexaminer la question de la fuite des cerveaux et de la captation de leurs médecins et ingénieurs. Il est crucial d’établir des voies légales de migration et de ne plus déléguer notre politique migratoire à des pays qui agissent contre nos valeurs en bloquant des réfugiés avec l’argent de l’UE, que ce soit en Libye, en Syrie ou en Turquie. Enfin, toute personne qui ne bénéficie pas du statut de réfugié ou d’un titre de séjour valide devra être reconduite à la frontière. C’est la position de Raphaël Glucksmann et c’est aussi ce qu’être de gauche signifie aujourd’hui : tenir un discours responsable et honnête sur ces questions.

Blois Capitale : Produire en Europe avec par exemple une loi « acheter européen » (« Buy European Act »), avec une taxe carbone prégnante, des souverainetés énergétiques, sanitaires, et alimentaires… c’est aussi un grand sujet…

Frédéric Orain : Prenons l’exemple de nos enjeux de production, notamment l’agriculture. Vous allez dire que je reviens souvent sur le conflit ukrainien, mais c’est une réalité : si la Russie gagne en Ukraine, elle possédera deux tiers de la production mondiale de blé. Si l’Europe veut être souveraine, elle doit être capable de s’alimenter correctement. Nous parlons souvent du coût de l’adhésion de l’Ukraine ou du coût de la non-adhésion, surtout à ce niveau-là. Tout le monde se rappelle de l’explosion de l’inflation suite au conflit ukrainien. Une Europe productive doit être capable de gérer son alimentation, son énergie, ainsi que la production de biens, remettant en cause un système absurde où nous faisons produire l’essentiel de nos produits en Chine, et finalement, nous ne sommes que des clients. […] Concernant les importations de véhicules électriques chinois, il faut une clause miroir. Si la Chine souhaite exporter en Europe, très bien, mais elle doit alors respecter des clauses sociales et environnementales. Si elle ne le souhaite pas, alors nous devons surtaxer ses produits, comme d’autres puissances le font. Les États-Unis taxent à hauteur de 25%, tandis que nous ne taxons qu’à 16%, ce qui est absurde.

Dylan Boutiflat : Notre délégation élue en 2019 au Parlement européen s’est systématiquement opposée à tous les traités de libre-échange. Il faut arrêter d’être dans la demi mesure. Si aujourd’hui c’est une course effrénée au libéralisme, nous ne suivrons pas les Américains. Et je suis franco-américain ! Nous devons réaffirmer nos principes et valeurs dans l’industrie, l’écologie, et les droits humains.

Blois Capitale : Quid de la partie sociale dans le programme ?

Frédéric Orain : Il est crucial d’aborder les questions sociales et fiscales, car elles sont étroitement liées. Une particularité de la politique fiscale en Europe est qu’elle nécessite l’approbation du Conseil pour progresser, ce qui nous mène à la nécessité d’une réforme structurelle de l’Union européenne pour adopter la majorité qualifiée. Le système de majorité qualifiée est bien conçu car il prend en compte à la fois le poids démographique des pays et le nombre de pays, empêchant ainsi une alliance des grands pays contre les petits, ou inversement, des petits pays imposant leur volonté malgré une faible population. Il n’est pas normal aujourd’hui que la France perde 100 milliards d’euros d’impôts chaque année, profits qui bénéficient à des pays comme le Luxembourg ou l’Irlande. Ces 100 milliards seraient extrêmement utiles pour soutenir nos aides sociales, nos hôpitaux ou nos écoles. Et ici, je ne parle que de la fraude fiscale sans même aborder l’optimisation fiscale, qui représente des sommes encore plus importantes. Il est peut-être temps de penser à une approche plus fédérale, là où nous avons la plus grande marge de manœuvre. Nous avons commencé à mettre en place des mesures telles que la limitation du temps de travail à 48 heures par semaine et l’introduction d’un salaire minimum dans plusieurs régions, ce qui est bien, mais nous sommes encore loin du compte. Chaque citoyen européen devrait avoir droit à un emploi et à un logement décent. En ce qui concerne le logement, nous devons nous inspirer des meilleures pratiques européennes, comme la Finlande avec ses initiatives contre le sans-abrisme et les ‘Tiny Houses’, qui proposent des solutions de logement à 30.000 euros. Cela coûte moins cher de fournir un logement aux personnes que de gérer les conséquences du sans-abrisme, qui incluent la délinquance, la maladie, etc. Il est temps de reconnaître ces solutions qui sont déjà sous nos yeux mais souvent ignorées, soit par déni de réalité, soit par aveuglement idéologique, que ce soit de l’extrême droite ou du libéralisme. Il est temps de mûrir et de prendre de la hauteur sur ces questions.

Blois Capitale : Il y a dans le programme une volonté d’augmenter le budget européen, de taxer les plus gros patrimoines (pour un gain de 200 milliards par an), de taxer les superprofits, de taxer certaines multinationales à l’entrée sur le territoire, de mettre une taxe sur le kérosène. Une révolution fiscale est possible en Europe ?

Dylan Boutiflat : Il est essentiel que l’Union européenne dispose d’une capacité d’investissement pour développer une Europe industrielle et productive. Cela inclut notamment l’importance de développer une fiscalité progressiste, taxant davantage les plus riches pour financer des mesures sociales. L’Europe a déjà démontré sa capacité à améliorer la vie des citoyens, comme lorsqu’elle a permis, après un combat mené par les sociaux-démocrates au Parlement européen, l’autorisation des aides directes telles que le chèque énergie, qui n’aurait pas été possible sans cette bataille, car l’Union interdit normalement les aides directes aux citoyens. Nous avons également lutté pour la directive protégeant les travailleurs des plateformes numériques, malgré l’opposition initiale de la France. Nous souhaitons poursuivre sur cette lancée pour réguler des plateformes telles qu’Airbnb, qui profitent des difficultés de logement des gens. Nous voulons instaurer un tarif réglementé pour l’énergie, notamment pour l’électricité et le gaz, et mettre en place une tarification sociale pour l’accès à l’eau dès les premiers mètres cubes pour les familles les plus défavorisées. Cela fait partie de notre programme et est à la fois réalisable et finançable. Il est important de communiquer à nos concitoyens que l’Europe possède une capacité d’investissement significative. Nous proposons de quadrupler le budget européen pour assurer le financement de ces politiques sociales, sans nécessairement augmenter les impôts mais plutôt en visant une redistribution plus équitable. Cela contraste avec les décisions du gouvernement actuel, telles que la suppression de l’ISF, la baisse des allocations logement, et la remise en cause de l’allocation chômage, qui sont le bilan de Macron et de Madame Hayer. Nous devons affirmer que notre perspective n’est pas de soutenir le libéralisme mais de favoriser une transformation de l’Union européenne à travers une victoire des sociaux-démocrates au Parlement européen, ce qui pourrait avoir des conséquences immédiates et bénéfiques sur le quotidien des citoyens.

Blois Capitale : Dans le programme, on trouve l’expression d’une volonté de défendre tous les textes votés du pacte vert ou « Green Deal », et d’initier une phase 2 avec une planification écologique qui inclut de la sobriété, une grande place pour le train, une lutte contre la surconsommation (limitation de la fast fashion), une Europe de l’eau, la protection du vivant, etc.

Frédéric Orain : Il y a un pacte bleu aussi car on a du mal à protéger notre espace maritime qui est le 2e au monde. Tout cela est vital pour le dire simplement. Et la meilleure énergie, c’est celle qu’on ne dépense pas. Cette idée n’est pas nouvelle ; il y a environ dix ans, nous avons commencé à comprendre que ne pas produire de déchets permettait une meilleure gestion des résidus. Il en va de même pour l’énergie. Par exemple, nous avons un plan pour la rénovation de toutes les écoles européennes afin qu’elles répondent aux normes de qualité environnementale. Et même si nous découvrions du pétrole au cœur de l’Europe, nous ne devrions pas l’exploiter. Nous savons construire des bâtiments à faible consommation, voire passifs. Pourquoi ne pas commencer par là ? Éviter le gaspillage, protéger l’eau et nos sols pour nous nourrir ensuite, être sobre en énergie, c’est tellement évident. Nous sommes capables de nous adapter. Nous ne préconisons pas une sortie immédiate du nucléaire car notre objectif principal reste la réduction du CO2. L’exemple allemand a malheureusement montré que ce serait inconséquent.

Blois Capitale : Vous souhaitez également un doublement du budget européen pour la culture, une extension d’Erasmus, et un fonds européen de l’innovation et de la recherche.

Cléo Marchand : Erasmus est, à mon avis, un outil puissant d’ouverture, cultivant un esprit européen et culturel parmi les jeunes. Cela est particulièrement utile en ces temps où beaucoup se désintéressent de la politique ou se tournent vers des partis d’extrême droite, fondés sur le repli sur soi. Erasmus favorise l’échange et la compréhension mutuelle, renforcée par la liberté de mouvement qu’offre l’espace Schengen. La situation post-Brexit a suscité des regrets, notamment chez les étudiants qui ne peuvent plus aussi facilement étudier au Royaume-Uni, et vice versa. Cela montre les défis engendrés par les politiques d’extrême droite, qui promeuvent souvent l’isolement et exploitent les peurs.

Blois Capitale : Comment expliquez-vous qu’autant de jeunes affirment dans les sondages vouloir voter Jordan Bardella ?

Cléo Marchand : Pour beaucoup c’est une résignation reflétée par des intentions élevées de votes pour l’extrême droite ou d’abstention. La crise du COVID-19 a exacerbé la précarité chez les jeunes, laissant beaucoup sur le côté, livrés à eux-mêmes. Une partie de cette jeunesse ne vote pas, tandis que l’autre peut se tourner vers l’extrême droite qui propose des ennemis fictifs comme les immigrants venant ‘prendre leur travail’. On a un travail à faire. Au niveau européen, on propose des alternatives réalistes, comme l’allocation d’autonomie pour les jeunes européens, des solutions concrètes pour les sortir de la précarité sans recourir au repli identitaire promu par l’extrême droite. Ce n’est pas en sous-estimant l’intelligence de la jeunesse, ni en prétendant qu’ils sont simplement influencés par des plateformes comme TikTok, que nous avancerons. Beaucoup s’informent et discernent les enjeux réels, souvent obscurcis par des thèmes idéologiques sur-représentés par l’extrême droite dans les médias. Il est essentiel de chercher à engager ceux qui ne sont pas encore fermement ancrés dans l’idéologie extrémiste, en leur proposant un plan tangible qui ne se base pas uniquement sur l’exploitation des peurs. Nous avons la responsabilité de récupérer ces jeunes avec des propositions constructives.

Blois Capitale : Concernant le fonctionnement du Parlement européen, quelles mesures pour éviter le pantouflage, limiter le lobbying, et éviter la corruption ?

Frédéric Orain : L’Union européenne est en perpétuelle construction. Elle n’est pas très lisible dans sa manière de se structurer. Par exemple, si l’on visait une clarté accrue, nous pourrions renommer la Commission en ‘gouvernement européen’ et les commissaires en ‘ministres’. Cela n’est pas fait, probablement par peur. Il est temps de grandir et d’adopter une attitude adulte. Concernant le lobbying au sein de l’Union européenne, pourquoi pas, si le système est clair. Je pense d’ailleurs qu’il est peut-être plus transparent au niveau européen qu’au niveau français. La France réalise qu’elle doit peut-être réformer davantage ses propres règles que celles de l’Europe. La lutte contre la corruption doit aussi inclure la lutte contre les ingérences des puissances étrangères, et nous avons vu plusieurs scandales, notamment la corruption dite ‘classique’ parmi le personnel, comme dans le cas du Rassemblement National. J’ai du mal à comprendre comment certaines personnes luttent pour être élues députés européens alors qu’elles ne s’engagent pas réellement en Europe. Prenons l’exemple de Bardella : son poste de député européen ressemble presque à un emploi fictif, et il rejette même l’idée d’une Europe unie. Si l’Union européenne ne les intéresse pas, pourquoi se présenter ?

Dylan Boutiflat : J’ajoute une illustration de notre fermeté et de notre intransigeance face aux tentatives d’influence des lobbys et la corruption de nos élus. Par exemple, les députés de notre groupe social-démocrate ayant eu des liens condamnables avec le Maroc, l’Azerbaïdjan, ou le Qatar ont été non seulement exclus de notre groupe, mais nous avons aussi fourni toutes les informations nécessaires à la justice pour enquêter et condamner ces actes. Lors de cette campagne ici en France, des partisans de l’extrême droite et d’autres partis de gauche ont utilisé des visuels avec notre tête de liste pour suggérer qu’il serait sous influence, ce qui est totalement inacceptable. Ces insinuations sont inadmissibles et cela laissera des traces dans notre capacité à nous projeter. Il est crucial que, d’ici à 2027, nous évitions une présidence de l’extrême droite. La situation est grave, et il est inacceptable que des personnes prétendant être républicaines de gauche participent à ce genre de comportement !

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