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Frédéric Orain : « Ne pas voir notre mission de sécurité publique que sous un angle négatif »

Les questions de sécurité semblent être un sujet important dans l’opinion. La gestion et les réponses données se jouent à plusieurs échelles. Au niveau municipal, les villes ont plusieurs prérogatives en matière de sécurité publique, notamment la mise en place de la police municipale, la surveillance de la voie publique, l’organisation de la prévention de la délinquance, la mise en œuvre de politiques locales de sécurité et la collaboration avec les services de l’État (police nationale, gendarmerie). Elles peuvent aussi initier des actions de médiation sociale et de prévention des conflits, ainsi que gérer la vidéo surveillance dans les espaces publics.

Frédéric Orain, adjoint au maire à la sécurité, la tranquillité publique et la prévention de la délinquance, a reçu Blois Capitale à l’Hôtel de Ville, accompagné de Perrine Cugny, directrice de la sécurité et de la tranquillité publique, et Jonathan Dogan, chargé de mission au cabinet du maire et attaché aux questions de sécurité, afin de faire un point sur le sujet.

Blois Capitale : Quel est le cap fixé, quelle est la ligne choisie en termes de sécurité au niveau municipal ?

Frédéric Orain : Nous poursuivrons la direction et les grandes lignes établies par mon prédécesseur (Yann Bourseguin), à qui je rends hommage. Notre objectif principal est de contribuer à la sécurité publique. La mission de la Police Municipale est complémentaire à celle de la Police Nationale : nous luttons contre toutes les formes d’incivilités qui nuisent au quotidien des citoyens, y compris le vandalisme et les nuisances sonores, contribuant ainsi à une sensation générale de sécurité. Notre mission première est la sécurité, mais elle s’étend à d’autres domaines, comme la prévention. Notre approche est transversale et touche presque tous les domaines. Un avantage de notre position est notre capacité à mener des actions préventives, par exemple en intervenant régulièrement dans les écoles, tout en restant prêts à adopter des mesures répressives si nécessaire.

Blois Capitale : Votre préférence va à la prévention ou à la répression ?

Frédéric Orain : Je suis pour une politique de sécurité équilibrée, évitant les écueils des discours unilatéraux qui privilégient soit la prévention soit la répression. Cette dualité n’est pas toujours présente dans les approches de droite, qui peuvent parfois présenter des contradictions, surtout en ce qui concerne les changements de doctrine au sein du Ministère de l’Intérieur. En tant que professeur d’histoire-géographie et d’éducation morale, je valorise le respect mutuel.

Blois Capitale : Une enquête publiée il y a 48 heures souligne que la sécurité est le principal facteur contribuant à la qualité de vie dans une ville, 68 % des personnes interrogées la considérant comme essentielle…

Frédéric Orain : Cela reflète une tendance nationale. Notre ville, Blois, se distingue par un climat de sécurité relativement meilleur que dans d’autres régions. Notre effort pour maintenir Blois comme une ville où il fait bon vivre implique une collaboration étroite avec la Police Nationale et le système judiciaire, créant une synergie efficace pour la sécurité de tous, même si chaque incident est un rappel que notre travail doit continuer sans relâche.

Blois Capitale : Nous avons proposé à un élu de l’opposition municipale de poser une question à Frédéric Orain. Etienne Panchout a accepté. Voici sa question : « L’absence d’un hôtel de police municipale suite aux dernières émeutes peut soulever des inquiétudes parmi les citoyens. Comment justifie-t-il cette apparente négligence, puisque cet hôtel de police n’est pas la priorité de la municipalité à la lecture du budget, envers un élément crucial de la sécurité urbaine et du bien être des agents municipaux alors même que tout est fait pour que d’autres projets plus contestés aboutissent ? »

Frédéric Orain : Actuellement, nous n’avons pas d’absence de locaux ; nous sommes installés dans un espace qui, bien que provisoire, est fonctionnel et présente certains avantages. Toutefois, trouver des locaux parfaitement adaptés à nos besoins reste une priorité absolue pour nous. Nous réfléchissons sérieusement à notre future localisation et aux caractéristiques essentielles de ce lieu. Cela ne nous empêche pas, entre-temps, d’apporter des aménagements nécessaires à notre espace actuel. Contrairement à ce qui peut être perçu comme un manque d’urgence de la part de la mairie, je tiens à souligner qu’il s’agit là d’une fausse impression. Des études prospectives ont déjà été réalisées pour envisager nos options futures, et nous avons exploré la viabilité de certains sites. Notre objectif n’est pas de nous livrer à une simple opération de communication, mais de nous concentrer sur des actions concrètes. Nous souhaitons être évalués sur la base de nos réalisations, notamment en termes d’améliorations possibles pour la Police Municipale, pour renforcer notre efficacité. Au passage, je tiens à saluer l’approche constructive adoptée récemment par les écologistes – qui font partie de la majorité de gauche – concernant les questions de sécurité. Leur soutien total est une avancée significative pour nous. Il est crucial de trouver le bon emplacement et de planifier minutieusement les travaux à venir. Il est regrettable que certains utilisent la situation actuelle à des fins politiques, en minimisant la gravité des incidents auxquels nous avons été confrontés. Cette attitude est indigne et manque de respect envers les victimes. Quant à mon prédécesseur, sa décision de démissionner n’était pas liée à l’attaque des locaux en juin.

Blois Capitale : Y-a-t-il un feedback concernant cette nuit d’émeute avec l’attaque de l’hôtel de police municipale ?

Frédéric Orain : Il y a beaucoup de retours, mais il est important que certaines informations restent confidentielles, conformément à nos obligations. En tant que Police Municipale, nous opérons dans un cadre légal spécifique, et bien que notre collaboration avec la Police Nationale et d’autres services de secours soit excellente, il est essentiel de réfléchir à l’évolution de nos responsabilités et autorités, surtout à la lumière des changements législatifs récents. Nous nous efforçons de répondre au mieux aux défis qui se présentent à nous, en fournissant des informations et des analyses pertinentes pour faciliter les enquêtes et les interventions rapides.

Blois Capitale : Quelle analyse a été faite ?

Frédéric Orain : Concernant l’établissement de notre nouveau local, ma priorité première, que je ne considère pas comme un secret, est la sécurité de nos agents. Il est essentiel que, en cas de situation d’urgence ou de menace grave, nos agents et le personnel puissent s’extraire en toute sécurité. Par exemple, le réaménagement des locaux de la Garenne s’est avéré impossible, car ces locaux n’étaient plus adaptés. Peut-être l’étaient-ils à une époque, mais ils sont devenus obsolètes et vulnérables.

Blois Capitale : Quelle prévention est réalisée ?

Frédéric Orain : La prévention de la délinquance est l’une de nos prérogatives. Nous intervenons activement, notamment en collaboration avec le secteur associatif, pour comprendre ce qui se passe, où, quand et comment. Nous sommes également présents dans les écoles et les maisons de quartier, et nous jouons un rôle dans l’éducation à la citoyenneté. Nous menons une multitude de petites actions en collaboration avec nos collègues de l’associatif et de la culture, ce qui nous permet d’atteindre tous les secteurs de la société et toutes les classes d’âge. Si nécessaire, nous pouvons convoquer des individus pour leur rappeler les règles ou la loi, bien que les affaires plus graves soient du ressort du procureur. Récemment, j’ai participé à un ciné-débat sur le consentement, en compagnie du président du tribunal, suivi d’un débat sur les violences intrafamiliales. Depuis le début de la pandémie de Covid, il y a eu une augmentation notable des violences intrafamiliales. Face à l’ampleur des enjeux, notre délégation peut sembler fragile, mais nous ne sommes pas seuls. Nous sommes soutenus par de nombreux services, y compris la Police Municipale sur le terrain, et nous bénéficions de l’aide de nombreux acteurs, y compris les citoyens eux-mêmes. Nous nous efforçons de répondre rapidement à toutes les sollicitations.

Blois Capitale : Comment prenez-vous la température, comment se font les remontées d’information ?

Frédéric Orain : Nous utilisons divers moyens pour recueillir des informations et évaluer la situation dans la ville, en croisant les rapports de la Police Nationale, de la justice, du secteur associatif et du personnel sur le terrain. Cette approche nous permet d’identifier les urgences et de prioriser nos actions.

Blois Capitale : Quelle est la situation actuelle ?

Frédéric Orain : Bien que nous ayons traversé des périodes de tension, en 2021 et en 2023, la fin de l’année a été relativement calme ici. Cependant, nous restons vigilants, car la situation peut rapidement évoluer. Nous ne ralentissons jamais nos efforts, même lorsque la situation semble s’améliorer, et nous continuons à collaborer étroitement avec la Police Nationale et le procureur. Outre la prévention, nous travaillons également sur des projets positifs, comme établir des partenariats avec la direction de la prison locale et des associations. Il est crucial de ne pas voir notre mission uniquement sous un angle négatif, mais aussi comme une opportunité de créer des liens et de construire des ponts. En résumé, nous agissons sur plusieurs fronts, contrairement à l’opposition municipale qui, parfois, privilégie des discours simplistes.

Blois Capitale : Quelle est votre position sur la vidéo-surveillance ?

Frédéric Orain : Blois est déjà bien équipée en caméras de surveillance pour une ville de notre taille, mais il y a certainement des domaines où nous pourrions encore nous améliorer. Je ne suis pas contre l’installation de nouvelles caméras, mais il est important de ne pas vendre l’idée qu’une multiplication des caméras garantira automatiquement une sécurité accrue. Et puis il faut mettre des agents devant les écrans… Ces caméras sont utiles, notamment pour comprendre les événements après qu’ils se sont produits, mais leur efficacité préventive est limitée. Les délinquants savent souvent les contourner, donc il faut voir les caméras comme un outil parmi d’autres, et non comme une solution miracle. J’attends toujours des propositions concrètes de Monsieur Benakcha (conseiller d’opposition) en ce qui concerne l’augmentation du nombre de caméras de surveillance et son financement… L’opposition municipale devrait s’éloigner des postures idéologiques et se concentrer sur des solutions efficaces et pragmatiques pour la sécurité. Un développement possible au sein de la police municipale est l’utilisation de caméras piétonnes. Pour moi, c’est essentiel, car cela permet de confirmer que nos forces de police agissent toujours dans le respect des règles. Elles protègent à la fois les citoyens et les agents. Ces types de caméras sont plus efficaces en termes de prévention.

Blois Capitale : La vidéo-surveillance une atteinte à la vie privée ?

Frédéric Orain : En matière de vidéo-surveillance, il y a un cadre. Par exemple, lors de ma visite au centre de contrôle, j’ai bien constaté que les caméras ne peuvent pas filmer les propriétés privées sans autorisation. L’utilisation abusive de ces images à des fins personnelles constituerait une faute grave.

Blois Capitale : Concernant les statistiques des crimes et délits, il y a une hausse des cambriolages. Et qu’en est-il du nombre de points de deal ?

Frédéric Orain : Entre 2019 et 2022, il y a eu une augmentation, bien que je n’aie pas encore les chiffres complets pour 2023. Cependant, ces chiffres concernent le département, et non spécifiquement notre ville. Nous tentons d’apporter du conseil, un audit gratuit pour prévenir. Mais il y a parfois des bandes organisées qui viennent sur nos territoires… En ce qui concerne les points de deal et le trafic de drogues, notre objectif est de rendre ces points invivables pour les vendeurs, en collaboration avec les services sociaux et la police. Nous travaillons également avec les habitants qui nous envoient fréquemment leurs plaintes et préoccupations.

Blois Capitale : Justement, quelles sont les préoccupations qui remontent le plus ?

Frédéric Orain : Les incivilités du quotidien. Par exemple, les comportements aux abords des écoles sont un problème récurrent. Nous avons mis en place des opérations spécifiques pour y faire face, comme la rue-école, mais il est impossible pour la police municipale d’être présente devant chaque école à chaque heure. Cela nécessite également un effort de la part des citoyens pour adopter des comportements plus responsables.

Blois Capitale : Le criminologue Alain Bauer explique que les crimes et délits se produisant pour beaucoup la nuit, il faudrait plus de police la nuit… Est-ce entendable ?

Frédéric Orain : Certains actes de délinquance se déroulent effectivement plus souvent la nuit, cherchant la discrétion. Cependant, cette perception peut être trompeuse. Il y a des idées reçues… par exemple, la majorité des viols ne se produisent pas dans des parkings sombres mais plutôt dans un environnement proche et avec des connaissances. Il est important d’adopter une approche scientifique et rationnelle en criminologie, plutôt que de se fier uniquement à des perceptions ou des stéréotypes. Et puis les agents ont le droit à une vie privée.

police municipale

Blois Capitale : Y-a-t-il des tendances de délinquance spécifique en termes de quartiers à Blois ?

Frédéric Orain : Les délits varient en fonction des quartiers et de leur évolution. Certains quartiers s’améliorent grâce à nos efforts, tandis que d’autres deviennent plus difficiles en raison de changements démographiques ou immobiliers. Il est tentant de segmenter la ville en quartiers distincts, mais la réalité est plus complexe. Mais, oui nous surveillons certains points de manière plus intensive. En ce qui concerne les problèmes liés aux squats, nous travaillons à trouver des solutions pour que les bâtiments abandonnés ne deviennent pas des foyers de délinquance.

Blois Capitale : Quid des rodéos ?

Frédéric Orain : Nous sommes confrontés à un dilemme entre la nécessité d’intervenir et le risque de mettre en danger d’autres personnes. C’est une question délicate, surtout lorsqu’on considère les conséquences potentielles d’une arrestation, comme les émeutes qui peuvent être déclenchées en cas d’accident. Nous essayons de développer des méthodes d’intervention sécurisées pour tous, mais même avec la plus grande prudence, des incidents peuvent survenir, comme en mars 2021 (mort de Yanis suite à une course-poursuite avec la police). Cela soulève la question de la justice et de la perception de la police dans la société.

Blois Capitale : Quel est le moral aujourd’hui au sein de la Police Municipal ?

Frédéric Orain : Nous avons constaté une solidarité importante au sein des forces de l’ordre, en particulier pendant les périodes de crise. Cette solidarité est essentielle pour reconstruire la confiance après un traumatisme. Mais, pour faire bref, le moral est bon. Enfin, il est important de noter que la société dans son ensemble traverse plusieurs traumatismes importants, et cela se reflète dans le comportement quotidien.

Blois Capitale : Que diriez-vous aux Blésoises et Blésois ?

Frédéric Orain : Je leur dis qu’il peuvent faire confiance à notre Police Municipale. Mais la sécurité publique est l’affaire de chacune et chacun. Nous devons tous ensemble contribuer à créer un environnement sûr et agréable dans notre ville.

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