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Katarina Johnson : une rétrospective entre reflets et transparence à la Chocolaterie

Depuis le 5 février 2025, l’École de la nature et du paysage, à Blois, accueille une exposition consacrée à Katarina Johnson, photographe disparue au printemps dernier. Conçue par Christophe Le Toquin, photographe, enseignant et son compagnon pendant trente ans, cette rétrospective offre un regard sur trois décennies de création.

Cette rétrospective – qui ne se veut pas commémoration – s’inscrit dans une démarche plus large, où l’intime se mêle à la transmission et à l’ouverture. En investissant le hall de la Chocolaterie, l’exposition invite le public à franchir ses portes pour découvrir un regard singulier sur le monde. Elle met en lumière l’œuvre de Katarina Johnson, une photographe discrète, dont la production, bien que rarement exposée, a toujours éveillé un vif intérêt chez ses proches et ses amis artistes. Enfin, elle s’impose comme un outil de pédagogie, offrant aux étudiants l’opportunité d’explorer d’autres approches photographiques et de plonger dans le processus même de création, des planches contact aux tirages définitifs, en passant par les choix esthétiques et techniques qui façonnent une image.

« L’idée était de proposer une exposition où l’on peut manipuler les images, toucher les tirages, voir le cheminement du travail, explique Christophe Le Toquin. Katarina n’aimait pas exposer, mais beaucoup d’amis la poussaient à le faire. Cette rétrospective est à la fois un hommage et une manière de prolonger son regard. »

Katarina Johnson expo

Trente ans de photographie : entre figuration et abstraction

L’exposition retrace l’évolution du regard photographique de Katarina Johnson, depuis ses premiers clichés en argentique noir et blanc, dans les années 1990, jusqu’à son passage au numérique couleur au début des années 2000.

« Les images en noir et blanc sont les plus anciennes, explique Christophe Le Toquin. Elles ont été réalisées en photographie argentique, avec des tirages conventionnels. Puis, au tournant des années 2000, elle est passée au numérique, ce qui lui a permis d’explorer d’autres formes, d’autres textures, sans jamais altérer son regard. Mais il n’y a jamais eu de trucage, jamais de surimpression. Tout ce que vous voyez ici a été capté à la prise de vue. »

L’un des aspects marquants de son travail est son exploration du reflet et de la transparence. Katarina Johnson jouait avec la perception du spectateur, créant des images où l’intérieur et l’extérieur se confondent, où le regard est troublé par des superpositions de plans.

« Son travail interrogeait sans cesse la réalité de ce que nous voyons, explique Christophe Le Toquin. On ne sait jamais vraiment où l’on est, si l’on regarde à travers une vitre, un miroir, ou une surface qui déforme. Il y a quelque chose d’assez déroutant, qui oblige à s’attarder sur l’image. »

Cette approche se retrouve dans plusieurs séries exposées, où l’on distingue des silhouettes floues derrière des vitres, des paysages urbains entrecoupés de reflets, ou encore des compositions où le spectateur ne sait plus distinguer le premier plan de l’arrière-plan.

Katarina Johnson expo

Un lien intime avec la bande dessinée

Si une grande partie de son œuvre s’inscrit dans cette recherche esthétique sur l’illusion optique et la perception, certaines séries adoptent un ton plus figuratif. Notamment, une série consacrée aux dessinateurs de bande dessinée, avec lesquels elle entretenait une forte amitié. « Elle faisait partie du collectif d’auteurs fondé par Jean-Christophe Menu, Lewis Trondheim et d’autres, qui ont joué un rôle majeur dans la bande dessinée indépendante en France », raconte Christophe Le Toquin.

Ses portraits de dessinateurs témoignent d’une approche sensible et immersive. Elle ne réalisait pas de simples clichés en pied, mais prenait le temps d’échanger avec les artistes, enregistrant des heures de discussion avant de saisir un moment naturel. « Chaque portrait représentait une à deux heures de travail, où elle enregistrait ses échanges avec eux, explique Christophe Le Toquin. Progressivement, les dessinateurs se relâchaient, et c’est dans ce climat de confiance et de spontanéité qu’elle capturait ses images. » Sur la table centrale de l’exposition, le public peut découvrir des planches contact, où l’on voit l’évolution progressive des poses, jusqu’à l’instant capté dans le tirage final.

Katarina Johnson expo

Une exposition « manipulable« 

Au-delà des tirages exposés sur les murs, une table centrale permet au public de manipuler des tirages de travail, des versions alternatives, et des planches contact. « J’avais envie que cette exposition ne soit pas figée, explique Christophe Le Toquin. On a tous connu ces expositions où l’on regarde des œuvres accrochées, sans pouvoir interagir avec elles. Ici, j’ai voulu que les visiteurs puissent toucher les images, manipuler les documents, découvrir la photographie autrement. »

Parmi les œuvres présentées, certaines intriguent particulièrement. Par exemple, une grande photographie en noir et blanc montre un intérieur d’appartement, sombre et épuré. Autre image marquante : un barrage vu du dessous, où l’on distingue la roche et le béton dans une composition abstraite. « C’est une photographie qui joue avec les lignes et la matière », explique Christophe Le Toquin.

Katarina Johnson expo

« Ce qui me touche dans son travail, confie Christophe Le Toquin. Chacun peut projeter ses propres émotions. Il y a des images plus figuratives, mais aussi des photographies où l’on ne sait plus trop ce que l’on voit. Son regard était unique. »

Katarina Johnson expo

Un espace d’échange entre l’école et la ville

L’exposition s’inscrit dans une programmation plus large de la Chocolaterie, qui accueille régulièrement des événements artistiques ouverts au public. « L’idée a toujours été d’en faire un lieu de rencontre, entre l’école et la ville, explique Christophe Le Toquin. Nous y exposons souvent les travaux des étudiants, mais aussi des artistes extérieurs. » D’autres expositions sont déjà prévues en 2025 et 2026, dont un événement pour les 30 ans de l’école à l’automne.

En attendant, les visiteurs ont jusqu’au 28 février pour découvrir cette rétrospective qui, au-delà de l’hommage, met en lumière une œuvre singulière, subtile et profondément humaine.

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