Quand le cerveau prépare l’immunité à la seule vue d’une personne malade

Une étude conduite au Centre hospitalier universitaire de Lausanne* et publiée le 28 juillet dans Nature Neuroscience, établit une démonstration directe et minutieusement documentée : chez l’être humain, la perception visuelle de signes d’infection — même simulés en réalité virtuelle — suffit à mobiliser de façon proactive le système nerveux et à amorcer une réponse immunitaire innée comparable à celle observée lors d’un contact réel avec un agent pathogène. Le cœur du résultat tient dans l’articulation entre un mécanisme cérébral d’anticipation du contact dans l’« espace péripersonnel » et une cascade neuro-immunitaire passant par l’hypothalamus et l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien (HPA), jusqu’à l’activation mesurable des cellules lymphoïdes innées.
Des chercheurs suisses ont mené une expérience sur 248 volontaires en bonne santé, âgés de 18 à 49 ans, pour comprendre comment le cerveau réagit à la vue d’une personne malade. Les participants portaient un casque de réalité virtuelle et voyaient des visages s’approcher d’eux, sans contact physique. Certains visages montraient des signes évidents de maladie, d’autres étaient neutres, et d’autres exprimaient la peur sans être malades. Une autre partie des volontaires recevait un vaccin contre la grippe pour comparer avec une vraie exposition à un agent pathogène.
Les chercheurs ont observé que lorsque les volontaires voyaient un visage « malade » s’avancer, leur cerveau élargissait la zone autour du corps considérée comme « espace de vigilance ». Même sans contact, cette anticipation mobilisait rapidement des régions cérébrales spécialisées dans la détection des menaces, capables ensuite d’alerter le reste du corps. Les signaux circulaient jusqu’à l’hypothalamus, un centre clé qui communique avec le système immunitaire par des voies nerveuses et hormonales.
Les analyses de sang ont confirmé que cette stimulation visuelle activait réellement des cellules immunitaires de première ligne, de la même façon qu’après une vaccination contre la grippe. Certaines cellules migraient vers les tissus, prêtes à intervenir en cas d’attaque, tandis que d’autres changeaient d’état pour mieux réagir.
En combinant mesures cérébrales, analyses biologiques et modèles informatiques, l’équipe a montré que cette réponse n’apparaît pas face à une menace générique, mais bien lorsque le cerveau identifie des signes concrets de maladie. Les auteurs estiment que ce lien direct entre perception et immunité pourrait un jour être utilisé pour améliorer l’efficacité de certains vaccins, tout en rappelant que des recherches complémentaires sont nécessaires.
*Trabanelli, S., Akselrod, M., Fellrath, J. et al. L’anticipation neuronale d’une infection virtuelle déclenche une réponse immunitaire. Nat Neurosci (2025). https://doi.org/10.1038/s41593-025-02008-y