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Pagaille sort son 1er EP Des bâtons dans les jantes

Les futurs professionnels de santé du Loir-et-Cher sont déjà parmi vos proches !

On commence par une formule qui dit la couleur, jetée comme une claque et gardée telle quelle : « Pagaille, c’est de la musique de cassos faite par des cassos pour les riches. » Derrière l’auto-dérision, il y a un duo, Luce et Trish, une ville – Blois – et une manière d’assembler des mots et des beats qui s’est imposée sans plan, à la faveur d’une rencontre et d’un morceau. Le point d’origine porte un nom double, resté constant d’un support à l’autre : Latence. Le poème existait avant la chanson, publié dans le recueil Tout feu tout flamme de Luce, au Lys Bleu. Quand Crush, d’Ultramoderne, tend à Trish une maquette, le texte trouve sa pulsation. Trish improvise, envoie la prod’, Luce répond immédiatement par des paroles. « En une fraction de seconde », dit-il, le groupe existe.

Cette naissance n’efface pas ce qui précède : Luce avait longtemps écrit « des chansons qui n’étaient jamais mises en musique », devenues poèmes. Trish bricolait, « en mode MacGyver », un studio à Les Temps d’Arts : une cabine d’enregistrement montée avec de la mousse de canapé et de matelas, dont l’ingéniosité fait sourire les ingénieurs du son. Le cadre pédagogique n’est pas anodin : ateliers MAO au Chato’do, session au Studio Pôle Nord, présence de Crush qui passe, écoute, propose un son. Le chaînon se ferme quand le texte de Latence s’aimante à la boucle. À partir de là, tout va très vite.

Le travail commun s’installe comme une résidence permanente. « On allait au restaurant, on écrivait… » Carnets, téléphones, mémos : tout recueille des fragments qui s’agrègent en chansons. Chacun écrit ses seize mesures, l’un ou l’autre décide d’un refrain quand une phrase « sonne » juste. Parfois, ce refrain arrive avant tout le reste. Acquisition d’une illusion naît d’un motif scandé dans un dictaphone – « Tu te reposes sur des acquis, même pas acquis » – qu’un beatmaker transforme en métrique praticable. Le matériau textuel commande la musique autant qu’il s’y ajuste.

Crédit photo : Claire Goldmann


L’autre morceau-totem s’appelle Kir cassis. Tout part d’un détail banal – des verres servis – que Luce fixe dans un quatrain griffonné : « A grandes gorgées de kir cassis, / on sirote notre cirrhose heureuse. / On enjamble les interstices / et les bâtons dans les jantes. » L’expression « bâtons dans les jantes » vient de Trish, comme le Kir cassis lui-même ; mais c’est Luce qui l’arrête par écrit et lui donne sa forme. Ce va-et-vient résume la méthode : l’un impulse, l’autre cadre, puis la prod’ prend appui. Crush compose, « beats assez hauts, 180 », des textures nerveuses et dansantes. La chanson devient « la plus difficile à faire en concert » tant le débit est rapide ; elle s’impose aussi comme leur titre le plus fédérateur.

Rien, dans cette trajectoire, n’a été cherché de façon classique. « On n’a jamais cherché une date », disent-ils. Le premier concert enclenche une mécanique discrète : à chaque passage, deux propositions de plus. « Avant même que des gens aient écouté Pagaille, on était déjà Pagaille pour eux », note Luce, évoquant une identité visuelle « bariolée » qui précède parfois l’écoute. Le Chato’do ouvre des « cartes blanches » à Les Temps d’Arts, Studio Zef appelle, d’autres lieux suivent. L’ancrage local est assumé jusqu’à la formule : « mondialement locaux. »

Ce qui va vite se grippe pourtant du côté de l’intendance : « Monter une association. Faire une feuille de route. Un dossier de presse. » Apprendre les algorithmes, fabriquer des vidéos, penser « reels », formats, calendriers de stories, préparer l’Instagram « avant même de sortir le truc ». Huit mois d’amont absorbent la disponibilité d’écrire. Les répétitions rejouent des titres « écrits il y a un an », l’élan se fige. « On a découvert ce monde-là, on a voulu le faire, et on s’y est épuisés littéralement. » Trish ajoute le constat frontal : seul, « TDAH », derrière un ordinateur, « je galère grave ». Il avance une hypothèse rétrospective : « On aurait dû faire comme nos parents musicaux, s’en foutre. » Au lieu de quoi, Pagaille a voulu « faire fonctionner le monde d’aujourd’hui » en le prenant au sérieux, tout en s’en disant « anti-réseaux sociaux » et « anti-QR code ». Le paradoxe, ici, n’est pas théorique : il entame la possibilité même de créer.

Sortie du premier EP et concert ce jeudi

Malgré les épreuves le premier EP, Des bâtons dans les jantes, sort jeudi 28 aout, avec une fête au Saint-Lubin, à partir de 19h30, en warm up du festival La Connexion ce weekend. Le message l’énonce dans une ironie caressante, fidèle à leur ton : « Nous, Pagaille, groupe de renommée mondialement locale, sommes fiers de vous inviter à notre fête de sortie d’album, le jeudi 28 août au Saint Lubin ! En plus d’être le jour où vous pourrez enfin écouter Des bâtons dans les jantes en boucle sur votre plateforme préférée, nous partagerons cette soirée avec le génial duo Ultramoderne, nos parents musicaux, sans qui Pagaille n’aurait jamais vu le jour. (…) Des bisous en Pagaille et des paillettes multicolores biodégradables. » L’EP compte six titres, travaillés dans l’intensité de la première année et retenus pendant les mois de mise au carré.

Le clip de Kir cassis accompagne cette bascule. Réalisé par Gabriel Ariñ Pillot, il a été tourné à Les Temps d’Arts, au Lobis et en bord de Loire, avec la Rosalie de la Vitrine itinérante, ce dispositif cyclable venu de l’école du paysage.

Les titres doivent arriver sur toutes les plateformes, Spotify, Deezer, YouTube Music, Amazon et autres : l’important est que « les gens puissent enfin écouter » des paroles que certain·es chantent déjà.

La sortie de l’EP fige un moment, sans le résoudre. Elle rassemble ce que la première année a produit, ce que la deuxième a mis en attente. Elle prend la mesure d’un groupe « mondialement local », qui a rendu sa poésie praticable sur scène, au prix d’une fatigue qu’il n’a jamais dissimulée. « On ira au rythme de la vie et au rythme de nos envies », disent-ils encore à propos de la suite. Cela suffit à donner au concert du Saint-Lubin la portée d’un point d’orgue. Si l’histoire continue, elle se racontera sur les plateformes et peut-être à nouveau sur scène. Si elle se suspend, elle laisse un disque et un clip qui disent l’essentiel : Pagaille n’est pas un effet, mais une manière de tenir ensemble un poème, une voix et un beat, malgré les bâtons.

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