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Frédéric Luong Chauvain dessine l’après : aquarelles, performance et naissance d’une bande dessinée

Samedi 3 janvier 2026, à 19h30, la boutique Blois Capitale (16 rue Emile Laurens) se transformera en atelier ouvert, en scène et en laboratoire narratif. Le temps d’une soirée-performance, Frédéric Luong Chauvain y présentera ses aquarelles et dessins, fragments visibles d’un projet au long cours : une bande dessinée en gestation depuis près de neuf ans, dont la parution est annoncée pour 2026.

Au programme : dessin en direct, musique jouée en interaction avec Timnah et Mr T-mid, et lumière noire. Un moment charnière – synonyme de lancement d’un financement participatif dans la perspective de l’édition de la bd – pour un artiste qui a toujours avancé à la marge, entre peinture, art-thérapie et narration graphique, et qui choisit aujourd’hui Blois comme point d’ancrage pour révéler un monde.


Portrait

Frédéric Luong Chauvain n’est pas né à Blois, mais il s’y est installé il y a six ans. Avant cela, Châteauroux — sa ville d’origine — puis Paris, Lille, la Belgique. Des villes comme des strates, des passages successifs qui nourrissent un rapport très concret aux lieux. Blois, pour lui, n’est pas un décor : c’est une respiration. La Loire, l’architecture, l’épaisseur historique de la ville ont infusé son imaginaire au point de devenir un matériau de travail. Cette relation au territoire irrigue directement sa bande dessinée : un récit de ruines, de traces, de mémoire, où le paysage n’est jamais neutre, mais porteur d’une histoire longue.

Chez Frédéric, le dessin est là depuis l’enfance. Très tôt, le geste s’impose. À dix-sept ans, la couleur arrive, puis l’aquarelle. Le médium s’impose comme une évidence, autant pour sa fluidité que pour son imprévisibilité. Autodidacte, il apprend seul, par l’observation et la reproduction de tableaux de maîtres. Là où d’autres passent des examens, lui passe des heures à comprendre comment une lumière se construit, comment une couleur respire. Cette formation solitaire forge un rapport très organique à la peinture.

L’école d’art, puis la rupture

Il tentera pourtant une prépa Beaux-Arts, à Châteauroux. Une expérience brève, et sans appel. Trop conceptuelle, trop éloignée de son rapport viscéral au visuel. L’art qu’on lui propose est porteur de message, de discours, de revendication. Lui se situe ailleurs : dans ce que l’art fait à l’être humain, plus que dans ce qu’il prétend dire. Il s’inscrit instinctivement dans une lignée plus philosophique que militante : celle d’un art qui résiste au temps, qui oppose à la mort et à l’effacement une forme de persistance sensible. Le décalage est trop fort. Il quitte l’école.

S’ensuit un passage plus rude : l’armée, puis des emplois alimentaires. Pendant plusieurs années, la peinture disparaît presque entièrement. Non par désamour, mais par nécessité. Il faut vivre, payer un loyer. La réalité impose ses règles.

Paris : le déclic et la désillusion

Le retour à la création se fait par un détour : des concours d’aquarelle remportés autour de Châteauroux, qui ravivent la confiance. Puis Paris. Le 59 Rivoli. Un atelier, des expositions, de grands formats — jusqu’à 1,60 m par 1,20 m — consacrés au corps humain, à sa fragilité, à sa tension interne.

Un concours international, opposant graffeurs américains et artistes parisiens, agit comme un révélateur. Seul peintre parmi des street-artistes, armé de ses aquarelles quand d’autres dégainent des bombes, Frédéric Luong Chauvain détonne. Il gagne pourtant. La reconnaissance médiatique suit. Mais Paris reste Paris. Un milieu saturé, exigeant une capacité permanente à se vendre, à se mettre en scène. Or l’artiste ne se reconnaît pas dans cette logique. Trois ans plus tard, il quitte la capitale.

Lille, l’art-thérapie et le retour au vivant

À Lille, il trouve un autre équilibre. Il devient coordinateur-animateur dans un groupe d’entraide mutuelle, puis se forme à l’art-thérapie. Depuis sept ans, cette pratique irrigue son rapport à la création comme compréhension fine de ce que l’acte de créer produit intérieurement. Parallèlement, il expose, performe, explore d’autres supports : maquillage artistique, peinture corporelle, tatouage éphémère lors d’événements électro. Le fluo, la lumière, le corps comme surface mouvante. Cette période est décisive : elle ouvre la voie à un nouvel imaginaire.

(c) Frédéric Luong Chauvain

Le bestiaire mécanique : naissance d’un monde

La bande dessinée naît il y a neuf ans, presque par accident. D’abord imaginée comme un court film d’animation, le projet se heurte à des contraintes techniques et humaines. Il se replie alors sur le dessin, la narration, le temps long. Peu à peu, l’histoire se structure. Formations en storyboard, travail en arborescence, construction en actes. Les tableaux existants deviennent des jalons narratifs : certains seront intégrés tels quels, en pleines pages, à la manière de respirations visuelles.

C’est à Lille qu’ont surgi les animaux mécaniques. Un bestiaire hybride, où engrenages, pompes et structures métalliques se greffent au vivant. Loin du simple steampunk, ces figures portent un récit : celui d’un monde post-humain, où l’homme, dans un excès d’ego, a épuisé jusqu’à l’oxygène. Avant de disparaître, il aura pourtant équipé les animaux de systèmes de survie et d’intelligences artificielles. Le renversement est total : l’humain n’est plus le centre, mais la cause d’un effondrement. Les animaux, eux, deviennent les dépositaires d’un avenir possible.

(c) Frédéric Luong Chauvain

Le récit imaginé par Frédéric Chauvain se situe en 3084, dans un monde où la technologie n’existe plus comme promesse de progrès, mais comme trace, ruine, vestige. L’humanité, dans un ego qu’il qualifie lui-même de démesuré, a donc exploité les ressources jusqu’à leur épuisement total, allant jusqu’à faire disparaître l’oxygène. Ce monde est celui de l’après : après l’homme, après la croissance, après l’illusion de maîtrise.

Avant cet effondrement final, l’homme a pourtant posé un dernier geste. Conscient — trop tardivement — de sa propre disparition, il a équipé les animaux de pompes à oxygène et d’intelligences artificielles, leur permettant de survivre dans un environnement devenu irrespirable. C’est de là que naissent les animaux mécaniques qui traversent l’univers de la bande dessinée : non pas des robots, mais des êtres vivants hybridés, des corps animaux auxquels la mécanique a été greffée comme un dispositif de survie.

La mécanique est visible, apparente, parfois fragile. Elle ne remplace pas le vivant : elle le maintient en vie. Les engrenages, pompes et structures métalliques ne sont pas des armes, mais les stigmates d’un monde rendu inhabitable par l’homme. Ils disent une chose simple : l’homme est passé par là.

C’est dans ce monde post-humain que s’inscrit la figure d’Odin, dieu observateur, inquiet du devenir des hommes. Constatant que « quelque chose n’allait pas depuis plusieurs années », il envoie sur Terre ses deux corbeaux, Hugin et Munin, afin de lui rapporter ce qui se joue désormais sur cette planète transformée. La bande dessinée se déploie ainsi sous leurs yeux, à travers leur regard.

Ce dispositif est central. Hugin et Munin incarnent deux temporalités distinctes et complémentaires.
Hugin est dans la voie du passé : il voit ce qui a été, il porte la mémoire des actes humains, des choix qui ont conduit à l’effondrement. Munin, lui, est ancré dans le présent : il observe ce qui est, ce qui subsiste, ce qui continue à fonctionner — autrement — dans un monde privé de son souffle.

Le récit s’articule précisément autour de cette tension entre passé et présent. Le lecteur est placé dans un va-et-vient constant entre ce qui a conduit à la disparition de l’homme et ce qui subsiste après lui. Les animaux mécaniques deviennent alors des figures centrales de cette narration : ils sont les survivants, les porteurs d’un héritage imposé, les témoins silencieux d’un monde qu’ils n’ont pas détruit mais qu’ils habitent désormais.

La bande dessinée se déroule également sous le regard des loups envoyés par Odin, renforçant cette idée d’une observation extérieure de l’humanité. Le monde est vu « d’en haut », depuis les dieux, mais aussi « d’en face », depuis l’animal, depuis l’autre que l’homme a longtemps dominé, exploité ou instrumentalisé. Cette distance permet d’interroger la façon dont l’être humain s’organise, agit et se pense comme groupe, en miroir de la manière dont les animaux, eux, parviennent à fonctionner collectivement.

À cette structure narrative s’ajoute un dispositif matériel qui prolonge le sens même du récit. Frédéric Chauvain intègre à sa bande dessinée un travail à la lumière noire. Certains éléments graphiques, certaines informations, certains indices ne se révèlent qu’à condition d’activer ce second niveau de lecture. Le livre devient alors un objet à explorer, presque un livre-jeu, dans lequel le lecteur découvre progressivement des clés lui permettant de comprendre vers quelle issue le récit se dirige.

L’artiste évoque explicitement l’idée d’un livre « dont on est le héros » par l’implication active du lecteur. Comprendre l’histoire suppose d’observer, de chercher, de relier des éléments disséminés. Le récit ne se livre pas entièrement d’un bloc : il se dévoile par strates, à l’image de ce monde fragmenté, composé de ruines, de survivances et de regards croisés.

Frédéric Chauvain
(c) Frédéric Chauvain

L’auto-édition comme acte de liberté

Pourquoi ne pas passer par un éditeur classique ? Parce que l’objet échappe aux catégories. Livre-objet, lumière noire, interaction : trop atypique pour les circuits traditionnels. Frédéric Luong Chauvain choisit donc l’auto-édition et le financement participatif, non par défaut, mais par cohérence. Les tableaux vendus, les objets dérivés participeront à financer la publication. L’exposition-performance de samedi marque ainsi le véritable point de départ public du projet.

Samedi, à Blois, un monde s’ouvre

À Blois Capitale, samedi soir, le public assistera à bien plus qu’un vernissage. Dessin en direct, musique jouée en interaction avec Mr T-mid et la pianiste Timnah, lumière noire : la bande dessinée prendra forme sous les yeux des spectateurs. Un moment suspendu, à la croisée des disciplines, fidèle au parcours d’un artiste qui n’a jamais cessé de chercher des chemins de traverse.


La musique de Mr T-mid et de Timnah en dialogue avec le dessin

À la performance dessinée, samedi prochain à la boutique Blois Capitale, s’ajoutera la musique comme matière vivante, évolutive, en dialogue direct. Cette dimension sonore, c’est Séb, ou plutôt Mr T-mid qui la portera avec la jeune pianiste Timnah.

Mr T-mid, une identité construite

Derrière ce nom volontairement paradoxal de Mr T-mid se cache une trajectoire faite de détours, d’expérimentations et d’un rapport très instinctif à la création. « Mr T-mid, c’est une construction », explique Sébastien. L’origine du projet est presque accidentelle : l’écriture de chansons, puis le désir de jouer en public, avec ce que cela implique pour un timide. Mais Séb choisit de l’assumer pleinement, jusqu’à en faire un nom de scène.

Avec le temps, la timidité s’est atténuée, mais le nom est resté. Parce qu’il continue de dire quelque chose de juste : un rapport à la scène qui n’est ni bravache ni démonstratif, mais traversé par une forme de tension intérieure.

La chanson française… punk de salon

Mr T-mid se définit d’abord comme auteur-compositeur de chanson française, qu’il qualifie lui-même de « punk de salon ». Une appellation qui dit bien l’équilibre qu’il cherche : une écriture intime parfois abrasive. Lorsqu’il travaille seul, cette base chanson se prolonge dans l’électro, mêlée à la guimbarde, au didgeridoo, à la guitare et à la voix. En parallèle, il joue au sein d’un groupe, Minis’ Terre, formation plus électrique — guitare, basse, batterie, guitariste solo — avec laquelle il se produit régulièrement et vient d’enregistrer. Cette pluralité de formats n’est pas un éparpillement : elle répond à un même besoin de création, qui l’a naturellement conduit à s’intéresser à l’électronique et au travail du son, jusqu’à développer des compétences d’ingénierie sonore.

Improvisation, machines et hybridation

Pour le projet présenté samedi 4 janvier 2026, Mr T-mid s’inscrit dans une autre dynamique. Il évoque un set électro hybride, combinant looper, guitare et instruments acoustiques. Le dispositif est encore en cours de mise en place. Certains morceaux existent déjà, sélectionnés parce qu’ils résonnent avec l’univers de la bande dessinée de Frédéric Chauvain. Le reste se construira dans le travail commun.

Ce type de projet est, pour lui, particulièrement stimulant. Parce qu’il sort des formats habituels. Parce qu’il introduit une dimension presque théâtrale. Piano en direct, musique électronique, dessin projeté, lumière noire : l’ensemble forme un dispositif rare, difficile à classer, assumé comme tel. Dans cette performance, la musique n’illustrera pas le dessin, pas plus que le dessin n’illustrera la musique. Les deux se construiront ensemble, dans un même temps, dans un même espace. Une expérience à vivre, plus qu’un spectacle à consommer. Rendez-vous samedi !

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