Une famille blésoise à travers les siècles : l’enquête généalogique de Cécile Aubry

Présenté comme un roman, le livre « Histoire d’une famille blésoise – Vallon » (Le Lys Bleu) de Cécile Aubry n’en est pas un. L’ouvrage – disponible à la boutique Blois Capitale – relève d’un autre registre : une histoire de famille, une biographie collective, une saga inscrite dans le temps long. Une saga qui commence bien avant le XVIIᵉ siècle et qui, à travers la famille Léonnar-Vallon, raconte aussi Blois, ses bouleversements, ses crises et ses continuités.
Un point de départ inattendu
L’origine de cette enquête prend naissance dans un autre ouvrage, Gabriel Bayeux… un maire pas comme les autres. En travaillant sur ce personnage, Cécile Aubry croise le nom Vallon. Elle découvre alors qu’il s’inscrit dans une lignée plus vaste, celle de la famille Léonnar-Vallon. Aucun lien direct, pourtant, avec Gabriel Bayeux. Mais une coïncidence géographique — Tour-en-Sologne — et une présence récurrente dans les archives suffisent à éveiller la curiosité.
Ce qui aurait pu rester une piste secondaire devient un travail de longue haleine. Parce que, très vite, une évidence s’impose : « Ils avaient tous fait quelque chose d’important pour la ville de Blois, au travers de leur histoire. »

Une lignée ancrée à Blois depuis 1660
Ce qui est établi avec certitude, c’est la présence des Vallon à Blois depuis 1660. Le livre le pose clairement : à partir de cette date, la famille s’inscrit durablement dans le tissu blésois et y laisse une trace continue sur plusieurs générations.
Les Léonnar-Vallon forment alors une lignée marquée par des fonctions liées au soin, au droit et à l’administration. Le livre recense notamment cinq chirurgiens, deux prêtres, un échevin, quatre notaires, deux avocats, un juge, deux juges de paix et deux sous-préfets. Tous n’ont pas connu des destins éclatants, mais chacun, selon l’autrice, mérite attention. Certains parcours sont plus modestes, mais ils participent pleinement à l’histoire collective de leur famille et de leur territoire.
Raconter cette lignée, c’est donc aussi raconter Blois à travers les siècles. La ville n’est pas un simple décor, mais un espace traversé par des engagements successifs, des métiers, des responsabilités assumées.
L’origine écossaise
Cécile Aubry pose une hypothèse structurante : celle d’une origine écossaise ancienne de la famille Léonnar-Vallon, à une époque indéterminée, dans un contexte où la chirurgie semble se transmettre de manière héréditaire. Cette hypothèse s’inscrit dans une histoire plus large, celle de l’Auld Alliance, scellée en 1295 entre la France et l’Écosse.
L’autrice fait ensuite le lien avec la présence des Stuarts dans le Cher. À partir de 1421, Charles VII remet la seigneurie d’Aubigny à John Stuart de Darnley. Après lui, plusieurs Stuart marquent durablement le territoire. La dynastie s’éteint en 1672, avant que la cité ne soit attribuée, quelques années plus tard, à Louise Renée de Penancoët de Kéroualle.
Sans jamais affirmer une filiation certaine, Cécile Aubry situe cette hypothèse dans un faisceau d’indices historiques cohérents, qui permettent d’éclairer l’installation possible d’ancêtres venus d’Écosse.
Une enquête patiente et documentée
Pour reconstituer ces trajectoires, l’autrice s’appuie sur une enquête méthodique. Archives en ligne, journaux anciens, annuaires, bibliothèques, travaux existants : les sources se croisent et se répondent. La presse ancienne offre également de nombreuses traces. Parmi les épisodes marquants figure la crue de 1846. Cécile Aubry évoque l’histoire de cet événement majeur, au cours duquel un membre de la famille Vallon participe au sauvetage de nombreuses personnes. Blois, avertie à temps par le préfet de Nevers, ne déplore aucun mort. Si la ville est épargnée, les eaux charrient cependant des cadavres d’animaux et de personnes provenant des villes en amont.
Des figures marquantes, des engagements contrastés
Au fil des générations, certaines figures s’imposent plus nettement. Des maîtres chirurgiens, des notaires, un préfet de Lille — Paul Vallon — dont l’action marque durablement la ville. La période révolutionnaire occupe une place centrale dans le récit. Des membres de la famille, royalistes engagés, cachent des proches, des prêtres réfractaires refusant de prêter serment à la République. Ils prennent des risques considérables. Certains y laissent la vie.
Valeurs et continuités
À travers ces parcours se dessinent des valeurs récurrentes : l’engagement, l’investissement au service des autres, le souci du bien commun. « Leurs valeurs, c’est s’investir et faire des choses pour les autres. »
Que ce soit à Blois, à Angers, à Lille ou à Chantilly, les membres de la famille laissent une empreinte. Ils administrent, soignent, protègent, organisent. Cette continuité n’exclut pas les divergences. La famille compte à la fois des royalistes et des républicains. Les engagements varient selon les époques, mais tous participent, à leur manière, à la vie de la cité.
La généalogie comme outil de compréhension historique
En avançant dans son travail, Cécile Aubry découvre aussi des pans entiers de l’histoire qu’elle ignorait. Les épidémies, les catastrophes naturelles, les effets concrets des décisions administratives. La généalogie devient alors un outil de compréhension du passé. « La généalogie nous apprend d’où l’on vient, qui l’on est, et comment, à travers notre histoire familiale, on contribue à la grande histoire de la France. »
Ce travail s’inscrit dans une pratique ancienne. Cécile Aubry s’intéresse à la généalogie depuis l’âge de vingt ans. Elle commence par répondre à une demande de son père, plâtrier, désireux de connaître l’ancienneté de la transmission de son métier. Puis la passion s’installe, s’interrompt un temps, avant de reprendre il y a une quinzaine d’années. Elle reconstitue ensuite l’histoire de sa propre famille, organise une vaste cousinade, retrouve plus d’un millier de personnes. Avec son mari, elle mène un travail similaire, retrouvant des descendants dispersés à travers le monde, de l’Australie à Hong Kong. Parmi les découvertes marquantes figure le portrait original de Gabriel Bayeux, conservé par une descendante qui ignorait jusqu’alors son identité précise.
Une enquête volontairement arrêtée
Le travail n’est jamais totalement achevé. Pourtant, Cécile Aubry choisit de s’arrêter. Elle ne dépasse pas la génération de son grand-père. « Après, c’est trop contemporain. » Elle refuse d’entrer dans la vie privée des vivants.
La généalogie reste néanmoins une enquête perpétuelle, une manière de relier les existences, de faire émerger des figures oubliées, et de comprendre comment une famille, à travers ses engagements successifs, participe à l’histoire collective. Avec cette histoire de la famille Vallon, c’est un pan discret de la mémoire blésoise qui se révèle.


