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Jean de La Fontaine et les bossus de Blois

Au XVIIe siècle, Jean de La Fontaine, l’illustre fabuliste, a marqué de son passage la ville de Blois, laissant derrière lui des écrits empreints d’observations. En 1663, alors qu’il voyage en direction du Limousin, il fait halte à Blois et consigne ses impressions. Certaines d’entre elles, notamment une curieuse affaire impliquant des bossus, ne manquent pas de surprendre.

Blois: un « amphithéâtre » aux yeux de La Fontaine

« Blois est en pente comme Orléans, mais plus petit et plus ramassé ; les toits des maisons y sont disposés, en beaucoup d’endroits, de telle manière qu’ils ressemblent aux degrés d’un amphithéâtre, » nous dit La Fontaine. En quelques mots, le fabuliste a saisi l’essence topographique de Blois mais a également donné à la ville une dimension quasi théâtrale. Il envisage la ville comme une scène de la vie, où chaque bâtiment est un acteur contribuant à l’histoire de Blois.

Un éloge du climat et du paysage

Le texte de La Fontaine s’inscrit dans une tradition ancienne qui célèbre la douceur du climat de Blois. Déjà en 1528, Andrea Navagero, un ambassadeur vénitien, louait la beauté du paysage, parlant de « bellissima terra e in bellissimo sito », un très beau pays avantageusement situé. Ce n’est pas étonnant, dès lors, que La Fontaine ait été charmé par la ville. Sa description de Blois comme un amphithéâtre montre un appréciation profonde non seulement de l’architecture mais aussi du cadre naturel qui la complète.

La Fontaine, touriste avant l’heure

Ce qui frappe, c’est l’oeil attentif du fabuliste qui va au-delà des apparences et s’intéresse aussi aux habitants. Son texte « Relation d’un voyage de Paris en Limousin » est un mélange de descriptions poétiques, d’observations sociales et de réflexions philosophiques. La Fontaine se comporte en véritable touriste avant l’heure, bien avant l’invention du terme. Son voyage, un des rares qu’il effectuera dans sa vie, montre une volonté d’appréhender le monde, de le comprendre et de le relater.

Les bossus de Blois et Orléans

Un sujet qui a intéressé de La Fontaine à Blois et Orléans est donc l’étrange prévalence de bossus dans les deux villes.

« On me voulut outre cela montrer des bossus, chose assez commune dans Blois, à ce qu’on me dit ; encore plus commune dans Orléans, » écrivait-il. « Je crus que le ciel, ami de ces peuples, leur envoyait de l’esprit par cette voie-là : car on dit que bossu n’en manqua jamais ; et cependant il y a de vieilles traditions qui en donnent une autre raison. La voici telle qu’on me l’a apprise. Elle regarde aussi de la constitution de la Beauce et du Limousin. La Beauce avait jadis des monts en abondance, Comme le reste de la France : De quoi la ville d’Orléans , Pleine de gens heureux, délicats , fainéants , Qui voulaient marcher à leur aise,
Se plaignit, et fit la mauvaise ; Et messieurs les Orléanais Dirent au Sort, tout d’une voix, Une fois , deux fois , et trois fois, Qu’il eût à leur ôter la peine De monter, de descendre, et remonter encor. Quoi toujours mont, et jamais plaine ! Faites- nous avoir triple haleine , Jambes de fer, naturel fort, Ou nous donnez une campagne
Qui n’ait plus ni mont, ni montagne. Oh ! oh ! leur repartit le Sort, Vous faites les mutins ! et dans toutes les Gaules. Je ne vois que vous seuls qui des monts vous plaigniez. Puisqu’ils vous nuisent à vos pieds, Vous les aurez sur vos épaules. Lors la Beauce de s’aplanir, De s’égaler, de devenir Un terroir uni comme glace ; Et bossus de naître en la place, Et monts de déloger des champs. Tout ne put tenir sur les gens : Si bien que la troupe céleste, Ne sachant que faire du reste, S’en allait les placer dans le terroir voisin, Lorsque Jupiter dit : épargnons la Touraine, Et le Blésois ; car ce domaine Doit un jour être à mon cousin :
Mettons-les dans le Limousin.« 

Dans cette fable, les habitants d’Orléans se plaignent de la géographie accidentée de leur région. En réponse, le Sort décide de mettre les montagnes sur leurs épaules, créant ainsi une population de bossus. Blois n’est pas en reste, car selon la légende, les montagnes épargnées sont presque déplacées vers Blois, mais Jupiter intervient pour sauver la ville et la Touraine, destinée à être la demeure de son « cousin. »

De l’observation à la fable

A cette époque, La Fontaine était en quête permanente d’inspiration. Et son passage par Blois, bien que court, a joué, comme d’autres étapes, un rôle dans la maturation de son art. La « Relation d’un voyage de Paris en Limousin » représente un laboratoire d’idées pour ses futurs Contes et Fables (parutions en 1665, 1666, et 1671). On y retrouve tous les ingrédients qui feront le succès de ses œuvres : une observation minutieuse de la société, un goût pour l’humour et l’ironie, et un talent inégalé pour raconter des histoires. Ici, La Fontaine nous rappelle que Blois, avec sa topographie unique et ses habitants parfois intrigants, est un lieu de mystère et de poésie, une source d’inspiration pour tous ceux qui savent regarder et écouter.

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