Chérine Machado explore l’autisme à travers un album jeunesse

Il arrive que les projets prennent corps entre une tablette lumineuse, quelques croquis griffonnés au crayon et une phrase que l’on couche sur une page blanche. Pour la blésoise Chérine Machado, 22 ans, c’est ainsi que tout a commencé, avec une conviction chevillée au cœur : offrir aux enfants un autre regard sur la différence par les images, les couleurs pastel et les mots qui racontent sans expliquer, qui touchent sans jamais forcer.
Son premier livre, Le Jardin des émotions – Livre I : L’autisme (Biloba Studio), actuellement proposé en financement participatif (lien vers le crowdfunding ici), aborde ce sujet à travers le regard d’une grande sœur. « Mon petit frère, il a un super pouvoir. Il peut ressentir et voir des choses que personne n’arrive à percevoir. » L’intention est claire : pas de discours technique, pas de pédagogie sèche, mais une histoire racontée « à hauteur d’enfant », qui donne à ressentir plutôt qu’à comprendre l’autisme. « Ce n’est pas un livre pour expliquer, c’est un livre pour faire ressentir », précise l’autrice, qui a elle-même écrit, illustré, autoédité et porté son projet.

Le parcours de Chérine Machado est atypique : un bac pro en prothèse dentaire, un BTS en alternance dans une chocolaterie, une licence en ressources humaines… « Ce que je fais aujourd’hui n’a rien à voir avec ce que j’ai étudié. Mais j’ai toujours dessiné. Mon père dessinait, ma mère est décoratrice florale, ma grand-mère écrit et milite depuis toujours pour l’inclusion. J’ai grandi dans un bain de culture, de valeurs et d’énergie créative. »
Le dessin n’est jamais loin, et l’envie de raconter non plus. À 18 ans, elle s’achète une première tablette graphique. Elle apprend seule, expérimente. D’abord, elle veut vendre ses illustrations. Mais très vite, elle comprend qu’il manque quelque chose : une histoire. « On n’achète pas une image seule, sauf si elle raconte quelque chose. J’ai commencé à écrire pour donner une âme à mes dessins. » C’est ainsi que naît Le Jardin des émotions. L’image en couverture a été le déclencheur. « Elle m’a inspiré le texte, et ensuite j’ai construit l’histoire en découpant ce texte global en scènes. »
Son style est immédiatement reconnaissable : des lignes douces, des teintes pastel, beaucoup de bleu, de violet, de rose. Une lumière diffusée avec subtilité. « Je veux que l’on perçoive tout de suite une forme de douceur. C’est lié au message, bien sûr, mais aussi à mon instinct graphique. Pour ce livre, j’ai accentué encore ce style. Le deuxième volume, qui portera sur Alzheimer, aura des couleurs plus ternes. » Elle dessine à la main, sur cahier, puis retravaille ses esquisses sur iPad, avec l’application Procreate. « C’est du digital painting, mais tout est fait à la main, au stylet. » Son souci du détail est constant, mais ce qui la guide, ce sont d’abord les émotions. « J’ai été inspirée par des histoires, des musiques, des sons. Parfois une simple phrase suffit à me faire visualiser une scène. » Le style, elle l’a affiné seule.
Le sujet de l’autisme n’est pas issu de son expérience familiale. Elle s’est documentée, a échangé avec des personnes concernées. « C’est un handicap qui ne se voit pas, et si on ne sensibilise pas les enfants, ils ne comprennent pas. C’est facile de se moquer de quelqu’un qui agit différemment. » Elle a choisi ce thème parce qu’il lui parlait graphiquement, parce qu’il permettait une approche par la poésie. Elle l’a écrit du point de vue d’un enfant, pour que les lecteurs s’identifient sans barrière. Et les retours sont éloquents : sa petite sœur, en lisant le texte, s’est mise à pleurer. « Elle connaissait déjà l’autisme, on lui avait expliqué. Mais les mots d’adultes, ça reste abstrait. Là, elle a compris autrement. »
Pour Chérine Machado, un album jeunesse est un outil de transmission, mais aussi un outil d’émotion. « Je ne veux pas expliquer, parce que je ne suis pas légitime pour ça. Je veux simplement faire ressentir. Et accompagner les parents, qui ne trouvent pas toujours les mots justes. »
Le financement participatif qu’elle a lancé sur Ulule (ici) doit lui permettre de franchir l’étape de l’impression en série. Objectif : 2000 euros. Le livre y est proposé à 13,90 €. Des contreparties sont prévues selon les formules : marque-pages, stickers, illustrations. « Ce n’est pas pour que les gens financent le projet à ma place. C’est pour qu’ils avancent les frais. S’ils précommandent, ils recevront leur exemplaire. »
Et après ? Elle a déjà deux autres projets en tête. Le prochain sera sur Alzheimer, raconté à travers un couple. Un sujet plus mûr, qui s’adresse à des enfants plus âgés. Le troisième est en gestation. Elle se laisse guider par les thèmes, par ce qu’elle juge pertinent d’aborder. « Je veux que ce soit bienveillant, mais aussi réel. Je ne veux pas édulcorer. Il faut montrer que le monde n’est pas toujours rose, sans pour autant désespérer. »
En parallèle, elle reçoit des commandes : portraits animaliers, illustrations pour d’autres auteurs jeunesse, projets personnels. Son style doux, identifiable, attire. Mais c’est dans Biloba Studio, son entité d’autrice-illustratrice, qu’elle investit son énergie. Le nom est un clin d’œil à sa mère, fleuriste, et au ginkgo biloba, cet arbre qui résista à Hiroshima. « Elle voulait même m’appeler Biloba, c’est un peu spécial, mais j’ai gardé ce nom. Il évoque la résilience. »
Ressemblance troublante. Car tout, chez Chérine Machado, parle de cela : résilience, douceur, détermination. Ce mélange de délicatesse et de volonté. Elle trace, image après image, mot après mot, un chemin sensible, humble et déjà singulier. Un chemin qui commence.
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