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Le Loir-et-Cher mobilise les Loir-et-Chériens pour attirer des soignants

Faire face à la pénurie médicale en mobilisant un atout insoupçonné : les familles elles-mêmes. Cette stratégie originale est portée par l’Agence d’attractivité du Loir-et-Cher (Be LC), qui déploie une campagne intitulée « Pour votre santé, jouez la carte de la famille ». Objectif : inciter les Loir-et-Chériens à identifier, dans leur entourage, des étudiants ou professionnels de santé susceptibles de venir exercer dans leur territoire d’origine.

Une initiative née d’un constat

« Pendant longtemps, le critère principal d’installation pour les jeunes médecins, c’était la rémunération. Aujourd’hui, c’est l’environnement, la qualité de vie, les infrastructures et la proximité de la famille », rappelle Philippe Gouet, président du Conseil départemental et de l’Agence Be LC. Un récent sondage vient appuyer ses propos : 60 % des étudiants en médecine et des jeunes professionnels de santé considèrent désormais la proximité familiale comme un critère décisif dans leur choix de localisation.

Cette évolution sociologique, accélérée par les bouleversements de la crise sanitaire, conduit les responsables publics à réévaluer en profondeur leurs approches. « Ce n’est plus le temps du médecin corvéable à merci, du ‘curé de campagne’ qui fait des visites à toute heure », note Bruno Harnois, médecin, maire adjoint de Romorantin, conseiller départemental délégué à la santé et membre du Conseil de l’Ordre. « Les jeunes veulent travailler dans des structures collectives, en horaires humains, avec une reconnaissance de leur équilibre de vie. »

Une campagne en forme de jeu… et de stratégie collective

Le visuel de la campagne se veut ludique, reprenant les codes du jeu des sept familles, avec des slogans comme « Dans la famille médecin, je voudrais le neveu », ou « Dans la famille dentiste, je voudrais la cousine ». Mais le fond, lui, est d’un sérieux absolu. Il s’agit de déclencher, à travers les cercles familiaux et amicaux, une dynamique de bouche-à-oreille capable de compléter — voire de devancer — les dispositifs institutionnels classiques.

« Les gens rouspètent parfois : il manque de médecins, d’infirmiers, de dentistes… Mais ils oublient qu’ils ont peut-être, dans leur propre entourage, un professionnel de santé qui pourrait venir ici », souligne Karine Gourault, directrice de l’Agence d’attractivité de Loir-et-Cher. « Notre idée, c’est de leur dire : jouez votre carte, soyez acteur. » Et les outils sont déjà en place : QR code sur les affiches, formulaire en ligne, site Internet attractif et bien référencé, contacts directs avec l’équipe santé.

Le dispositif s’appuie sur une connaissance des outils. « Nous avons déjà accompagné 104 professionnels de santé dans leur installation depuis 2022 », indique Karine Gourault. « Et parmi eux, 70 % sont venus grâce à notre prospection directe. » L’accompagnement est total, du premier contact à l’installation effective. « Trouver un logement, un emploi pour le conjoint, inscrire les enfants, organiser la visite des cabinets disponibles, présenter les élus locaux et les autres professionnels de santé… c’est notre quotidien. »

Un travail reconnu par le Conseil de l’Ordre de Loir-et-Cher : « Il y a quelques années, quand on recevait un médecin pour son inscription, on lui parlait de l’agence d’attractivité, il découvrait. Aujourd’hui, il connaît déjà », témoigne Évelyne Cristol, sa présidente.

Les idées foisonnent. Ainsi, trois anciens logements au-dessus d’agences bancaires sont transformés en studios pour internes à bas coût, en partenariat avec le Crédit Agricole. BeLC – l’agence d’attractivité – organise des soirées conviviales pour faire découvrir le territoire aux jeunes soignants : escape games à la Maison de la Magie, dégustations devant Chambord, rencontres au « Roi Hérisson » à Blois. « Cela crée du lien. Ils se revoient, ils se rappellent de nous. Et quand arrive le moment de choisir, ils savent qui appeler. »

Caroline Janvier, directrice départementale de l’ARS, a rappelé que 19 étudiants en quatrième année de médecine arriveront en 2026, dans le cadre du nouveau dispositif national. Elle insiste sur la nécessité d’un accueil digne de ce nom : « Les jeunes ont besoin d’un cadre, d’un accompagnement, d’un logement. »

Des métiers en tension, une priorité collective

Si la campagne met en avant médecins et dentistes, c’est autant pour leur lisibilité symbolique que pour la réalité du terrain. « Nous manquons de tout », affirme sans détour Philippe Gouet. « Dentistes, médecins, sages-femmes, infirmières, aides-soignants, manipulateurs radio… » Certaines spécialités sont dans une détresse absolue. « En pédopsychiatrie, on a un seul professionnel dans le département, et un psychiatre avec une compétence complémentaire. » À Romorantin, « ce sont les psychiatres adultes qui interviennent chez les enfants, sinon l’unité fermerait », alerte Bruno Harnois. « C’est une catastrophe. On a des enfants hospitalisés sous camisole chimique, qui ressortent sans solution. »

La santé mentale fait face à un effet ciseau : augmentation massive des besoins, raréfaction des professionnels, faible attractivité de la spécialité, manque de prévention en amont. « On est passés de l’idée d’une crise à une situation structurellement critique », constate Caroline Janvier.

L’Agence d’attractivité de Loir-et-Cher le rappelle : aucune profession de santé n’est hiérarchisée dans son action. « Une aide-soignante, on s’en occupe comme d’un médecin spécialiste. Il n’y a pas de différence de traitement », insiste Karine Gourault. Les EHPAD ne trouvent plus d’aides-soignants. L’hôpital de Romorantin manque de 17 infirmières, 3 sages-femmes. Blois, Vendôme : même constat.

Le déficit de soins bucco-dentaires est lui aussi criant. « La santé bucco-dentaire des Français est la pire d’Europe », déclare Philippe Gouet. « Un tiers des décès en EHPAD ont pour origine une infection buccale qui dégénère en septicémie, en complications cardiaques. Il manque 250 dentistes dans le Loir-et-Cher. »

Le sérieux de l’action menée par BeLC n’est pas un sujet. « Nous faisons partie des cinq départements les plus performants de France pour l’installation de professionnels de santé en peu de temps, toutes professions confondues », observe Philippe Gouet. « Et nous avons été repérés par le ministère de la Santé, qui a envoyé son pôle attractivité nous rencontrer. »

Un modèle salué jusque dans les Ordres professionnels : « Vous innovez sans cesse, vous ne vous contentez pas de reconduire les outils déjà en place », résume le Dr Cristol. Interrogée sur l’ouverture à l’international, elle rappelle que l’Ordre accepte tout professionnel dont le diplôme est reconnu équivalent à un diplôme français ou européen. Mais Bruno Harnois alerte sur les limites d’un recrutement hors des frontières : « On aspire des médecins étrangers pendant que les nôtres partent en Suisse ou au Canada. On ne peut pas, d’un côté, vider les systèmes de soins d’autres pays, et de l’autre, perdre nos propres formés. » Et de conclure : « Les dispositifs coercitifs risquent d’amplifier la fuite des cerveaux. Il faut rester lucide. »

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