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Cinéma : les coups de cœur de Laëtitia Scherier pour la semaine aux Lobis

Chaque semaine, Blois Capitale donne carte blanche à Laëtitia Scherier, directrice du cinéma Les Lobis, pour présenter ses coups de cœur et les temps forts de la programmation.
À partir de ce mercredi, plusieurs films marquent la nouvelle semaine cinématographique : Deux Procureurs de Sergei Loznitsa, Marcel et Monsieur Pagnol de Sylvain Chomet, La Vie de château pour le jeune public, et, en avant-première mardi prochain, Les Aigles de la République du réalisateur suédo-égyptien Tarik Saleh. Sans oublier un documentaire engagé signé Alexe Poukine, et la relance du bar au cœur du cinéma.


« Deux Procureurs » : vérité et dérive sous Staline

« C’est mon grand coup de cœur de la semaine », confie Laëtitia Scherier. Réalisé par Sergei Loznitsa, Deux Procureurs plonge dans les abîmes de l’Union soviétique, en 1937, au plus fort des grandes purges staliniennes. Loznitsa, cinéaste ukrainien reconnu, avait déjà présenté quatre longs-métrages de fiction à Cannes — tous salués — mais reste d’abord un documentariste, passionné par la mémoire des peuples et la mécanique du pouvoir. « Ce qui est fascinant, c’est qu’il vient des mathématiques », souligne Laëtitia. « Il a travaillé sur l’intelligence artificielle avant de se tourner vers le cinéma, et je trouve que cette rigueur, cette précision mathématique, se ressent beaucoup dans sa mise en scène. »

Le film est adapté d’un roman écrit par un scientifique qui avait passé près de quinze ans dans un goulag. Rédigé à la fin des années 1960, confisqué par le KGB, le texte n’avait été publié qu’en 2008. Le réalisateur en tire une œuvre austère, dense et tendue : un jeune procureur naïf, croyant en la justice de son pays, tente de rouvrir les dossiers de prisonniers condamnés à tort. Mais sous le régime totalitaire, la vérité elle-même devient un crime.

« La mise en scène est magistrale », commente Laëtitia Scherier. « Loznitsa filme au plus près, dans des cellules étroites, des cadres carrés, des couleurs ternes. On ressent physiquement l’enfermement. Le film nous plonge dans la mécanique d’un pouvoir autoritaire et dans la question : dans un monde où tout est sous contrôle, est-ce qu’il reste encore une place pour la vérité ? »

Tourné en langue russe, coproduit par six pays européens dont la France, Le Procureur est à la fois un film politique et un thriller à part entière. « On a peur pour ce jeune homme du début à la fin », ajoute-t-elle.
« Et même si Loznitsa ne veut pas faire un parallèle direct avec l’actualité, on ne peut pas s’empêcher de penser à tous ces pays où les droits humains reculent, où des opposants disparaissent, où la parole libre est muselée. C’est un film qui parle du passé, mais qui résonne terriblement avec aujourd’hui. »


« Marcel et Monsieur Pagnol » : la mémoire et l’enfance retrouvée

Autre ambiance avec Marcel et Monsieur Pagnol, le nouveau long-métrage d’animation de Sylvain Chomet, réalisateur des Triplettes de Belleville et de L’Illusionniste. « C’est un film très doux, très poétique », explique Laëtitia. « Ce n’est pas une initiative personnelle du réalisateur, c’est une commande du petit-fils de Marcel Pagnol, qui voulait rendre hommage à son grand-père pour les 130 ans de sa naissance. »

Le scénario est inspiré de Confidences, un essai autobiographique de Marcel Pagnol. Dans le film, un Pagnol vieillissant, devenu un auteur célèbre, se voit proposer par un magazine de raconter chaque semaine un souvenir de son enfance. Face à la page blanche, il convoque l’enfant qu’il fut : le petit Marcel de dix ans, qui vient le visiter et l’aider à se souvenir.

« Ce ressort narratif est vraiment intelligent, dit-elle. On découvre un Pagnol attendrissant, un homme qui cherche ses mots, qui dialogue avec lui-même, avec son passé. Le film croise mémoire personnelle et mémoire du cinéma, parce que Pagnol est né en même temps que le septième art, et qu’il en a accompagné toutes les grandes étapes. » Sylvain Chomet restitue cette nostalgie provençale avec sa délicatesse habituelle : un dessin élégant, des couleurs chaudes, des changements d’époque subtils. « Même si c’est un film d’animation, ce n’est pas un film pour les petits », précise Laëtitia Scherier. « Je le classe en “tout public”, à partir de neuf ans. C’est une œuvre sur la création, sur la transmission, sur le temps qui passe. Et pour les enfants, la présence du petit Marcel et la beauté des images en font quand même une belle porte d’entrée. »


« La Vie de château, mon enfance à Versailles »

Le film jeune public de la semaine s’intitule La Vie de château, mon enfance à Versailles. « C’est un projet qui me tient à cœur, parce qu’il est né d’un moyen-métrage que j’avais adoré. Les réalisateurs ont enfin trouvé les financements pour en faire un long », raconte Laëtitia.

L’histoire est celle d’une petite fille vive et têtue, qui perd ses parents et se retrouve confiée à son oncle, un homme taciturne, jardinier au château de Versailles. « C’est un film sur le deuil, mais aussi sur la résilience. Le château devient pour elle un immense terrain de jeu, un refuge, un espace de reconstruction. » Les décors, entièrement dessinés en animation 2D, redonnent au palais son éclat poétique. « C’est un film sur la famille de cœur, sur l’amour sous toutes ses formes. Un très beau film d’animation, accessible dès sept ans. »


L’Inconnu de la Grande Arche : architecture et politique au cinéma

Ce mardi 4 novembre (20h30), une avant-première : L’Inconnu de la Grande Arche de Stéphane Demoustier. Le cinéaste connaît bien son sujet : avant de passer à la réalisation, il travaillait au ministère de la Culture, département architecture. Le film revient sur le grand concours – anonyme pour donner sa chance à tous – lancé par Mitterrand dans les années 80 dans la perspective de la sortie de terre de cet édifice. Contre toute attente, il fut remporté par un architecte danois inconnu : Johan Otto von Spreckelsen. « Le film raconte son combat pour défendre sa vision contre les puissances politiques et financières, dans un contexte d’élections incertaines et de budgets colossaux. »

Au casting : Swann Arlaud, Xavier Dolan, et un acteur danois francophone. Pour la présentation du film aux Lobis (mardi 4 novembre à 20h30), Laëtitia Scherier s’associera à trois enseignants de l’École de la Nature et du Paysage – Olivier Gaudin, Sébastien Lemaire et Camille Michel – afin d’apporter un éclairage architectural et politique.


Avant-première : « Les Aigles de la République », de Tarik Saleh

Mardi prochain, les Lobis accueilleront en avant-première Les Aigles de la République, dernier film du réalisateur Tarik Saleh. « C’est un cinéaste suédo-égyptien, né au Caire mais exilé très jeune, parce que son père, opposant politique, avait dû fuir le pays. Il vit en Europe, mais ses films tournent toujours autour de l’Égypte, de la corruption, de la censure et du pouvoir. »

Après Le Caire confidentiel et La Conspiration du Caire, Saleh revient avec un film où un acteur adulé se retrouve contraint d’incarner le président Abdel Fattah al-Sissi dans un film de propagande. Le film explore les liens étroits entre l’armée égyptienne, l’économie et les médias. « À l’arrivée d’al-Sissi au pouvoir, le budget de l’armée représentait environ 30 % du PIB du pays. Elle possédait des entreprises dans tous les secteurs, y compris la production cinématographique. Ce film dénonce ce contrôle total sur les images, sur les récits, sur la vérité. »

Mais Les Aigles de la République n’est pas seulement politique. « C’est un film noir, un vrai thriller », précise Laëtitia Scherier. « On retrouve les codes du genre, la tension, la peur, les faux-semblants. Et le réalisateur assume même un côté kitsch : l’affiche rappelle les polars des années 80, c’est volontaire, jusque dans la mise en scène. » Le casting réunit Fares Fares, fidèle collaborateur du cinéaste, et Lyna Khoudri, déjà remarquée dans Les Trois Mousquetaires, Papicha et L’Empire.


« Sauve qui peut » : le regard social d’Alexe Poukine

Autre nouveauté, côté Ciné’fil : Sauve qui peut, documentaire de Alexe Poukine, réalisatrice française installée à Bruxelles. « C’est une cinéaste très engagée », rappelle Laëtitia. « Son premier film, Dormir dans les pierres, parlait des morts invisibles de la rue. Le suivant, Sans frapper, questionnait la banalisation du viol. Là, elle s’attaque à l’hôpital public. » Le film suit des ateliers de formation où des comédiens jouent de faux patients pour apprendre aux soignants à annoncer une mauvaise nouvelle : un décès, une maladie grave, un accident. « Ce dispositif existe vraiment, ce n’est pas un prétexte de tournage. Elle y mêle les témoignages des soignants et une réflexion sur la perte de sens et de moyens dans le service public. » Une séance présentée par Ciné’fil sera suivie d’un ciné-débat la semaine prochaine.


Le bar des Lobis, redevenir un lieu vivant

« On essaie aussi de redonner vie au bar des Lobis », nous explique enfin Laëtitia. « Avant le Covid, c’était un lieu de rencontre important, mais la reprise a été difficile. Depuis la rentrée, avec Guillaume, notre nouveau projectionniste, on relance le concept. » Deux vendredis par mois, le bar devient un espace partagé pour des entrepreneurs itinérants : une fois par mois, Le Salon qui bouge, salon de coiffure mobile ; et une fois par mois, Dérapages, atelier de diagnostic et de réparation de vélos. « Les gens viennent déposer leur vélo, vont voir un film, et le récupèrent en sortant. Ça crée de la vie, du passage, et ça permet à des publics nouveaux de découvrir le cinéma. »


Plus d’informations ici : blois-les-lobis.cap-cine.fr

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