Dans les sillons de l’agriculture paysanne : un appel citoyen pour « Arpentages », exposition documentaire en quête de sens
Il y a des projets qui, tout en racontant le monde, le façonnent un peu. L’exposition itinérante Arpentages – des fermes et des systèmes est de ceux-là. Portée par la photographe Sandra-Vanessa Liégeois et le dessinateur Guillaume Boutanox, cette œuvre documentaire hybride donne à voir, à entendre et à comprendre vingt fermes paysannes, saisies dans leur complexité et leur singularité. Pour permettre à cette exposition de voir le jour à l’été 2025, ses initiateurs lancent un appel à participation citoyenne, via un financement participatif hébergé sur la plateforme efferve’sens. Il est urgent de réunir les fonds nécessaires avant la date butoir du 18 juin.

Arpentages, c’est d’abord une démarche de fond, patiemment construite depuis 2018. À l’origine, un duo qui travaille « à quatre mains » depuis une quinzaine d’années, dans le sillage de l’éducation populaire. Sandra-Vanessa Liégeois, photographe de reportage social formée aux Gobelins, travaille en argentique noir et blanc ; Guillaume Boutanox, illustrateur et auteur de bande dessinée, intervient par le dessin. Ensemble, ils revendiquent une approche résolument humaine. « On voulait sortir du reportage long cours, où l’on revient à chaque saison, explique Sandra-Vanessa. C’est lourd, pour nous comme pour les personnes photographiées. Alors on a pensé à un projet plus direct, mais qui laisse de la place à l’échange, à la co-construction. »

Ici, chaque fermier ou fermière choisit lui-même la thématique sur laquelle il souhaite être photographié. « J’arrive avec une idée en tête, mais si elle ne leur convient pas, c’est leur choix qui prévaut. Ensuite, je réalise les prises de vue, on sélectionne ensemble, et je mène un entretien sonore. Guillaume, lui, dessine à partir des photos et des paroles, sans jamais être allé sur place. » D’où le titre Arpentages : chaque ferme est traversée successivement par le regard des paysans, de la photographe, du dessinateur et enfin du public.
Une galerie de portraits paysans
L’exposition s’articule autour de 20 fermes. La moitié sont situées en Loir-et-Cher, à Averdon, Loreux, Blois, Lancôme, Azé ou encore Thésée. Chacune est abordée à travers une entrée singulière : « L’autonomie, un choix de vie », « Le travail avec la nature », « En compagnie des bêtes », « À la bonne taille », « Paysanne cueilleuse », etc. Ces thèmes émergent des discussions avec les paysans et paysannes, souvent engagés dans des pratiques alternatives ou résilientes. « Ce ne sont pas des objets de reportage, précise Sandra-Vanessa. Ils sont sujets. Certains nous disent ce qu’ils veulent montrer, dans quel ordre, avec quelle intention. Et si une photo ne leur plaît pas, elle ne sera pas gardée. »
L’ensemble constitue une véritable cartographie sensible de l’agriculture paysanne contemporaine. Chaque portrait donne lieu à un panneau photographique, un montage photo-dessin, une « carte mentale » illustrée et une capsule sonore permettant d’entendre directement la voix du paysan ou de la paysanne.
Un dispositif pensé pour circuler
Le projet a été conçu pour une diffusion itinérante, en intérieur comme en extérieur. L’exposition complète comprendra douze panneaux autoportants, trois boîtes sonores, une table d’écoute dédiée aux témoignages, et une table de consultation des tirages argentiques.
Mais Arpentages, c’est aussi un outil de médiation, pensé pour voyager au sein des fermes, centres sociaux, collèges, festivals, lieux culturels ou espaces publics, avec des ateliers en photographie, en dessin documentaire, en cuisine ou autour de l’alimentation. « On ne voulait pas simplement exposer. On veut que les gens s’en emparent. »
Dans certains cas, ce sont les fermes elles-mêmes qui rediffuseront l’exposition. D’autres accueilleront des ateliers participatifs, des temps d’échange. Et déjà, certaines cartes postales créées à partir des photographies ont été commandées par les paysans, pour parler de leur travail, présenter leur ferme, transmettre ce qu’ils font.
Une démarche artisanale… et collective
Chaque élément du dispositif est le fruit d’un travail collectif, confié à des professionnels. Une scénographe conçoit l’agencement général, une soudeuse fabrique les structures métalliques, un menuisier réalise les tables de consultation et les boîtes sonores, une monteuse travaille à transformer les heures d’entretiens en capsules audio denses, accessibles. « Ce n’est pas notre métier, reconnaît la photographe. On a des intentions éditoriales et documentaires, mais on ne sait pas souder, fabriquer une table ou faire un montage sonore. Alors on fait appel à des gens qui savent. »
Un financement participatif vital
C’est ici que réside l’urgence du moment. Si les reportages sont terminés, les photographies réalisées, les témoignages enregistrés, la scénographie pensée, il manque encore le financement pour fabriquer l’exposition.
Un appel au financement participatif a été lancé sur effervesens-centrevaldeloire.org, la plateforme régionale dédiée aux projets engagés. Il est actif jusqu’au 18 juin 2025. Chaque contribution citoyenne est abondée à hauteur de 1 € pour 3 € versés par la Région Centre-Val de Loire et des banques partenaires.
L’objectif ? Atteindre 9 000 €, palier nécessaire pour rémunérer les artisans et finaliser l’ensemble du dispositif. En cas de succès, l’exposition pourra entamer sa tournée dès l’automne 2025, notamment en région Centre-Val de Loire, mais aussi dans l’Ain, la Bretagne ou la Dordogne, là où les fermes ont été photographiées.
Une démarche politique et poétique
Inspiré par les luttes de la Confédération Paysanne, Arpentages assume son point de vue. « Pour toujours plus de petites fermes, il faut montrer qu’elles existent », résume sa devise. Mais c’est dans la délicatesse que le message passe. Sandra-Vanessa insiste : « On ne fait pas du plaidoyer. On montre ce qui marche. Dans les entretiens, les paysans abordent aussi des sujets très durs, des échecs, des conflits, des désillusions. Mais ce qu’on donne à voir, ce sont des fermes vivantes, des fermes humaines. »
En cela, le choix de l’argentique n’est pas anodin. Il s’agit d’un geste lent, artisanal, incertain. Un procédé qui épouse la temporalité de la terre, la fragilité des gestes, l’exigence du soin. « Ce n’est pas de la nostalgie, c’est une esthétique du présent. L’argentique, c’est ce qui me permet d’être autonome, d’avoir un rapport complet à l’image, de la prise de vue au tirage. »
Une agriculture du futur ?
Il y a dans ce projet une forme d’espoir, sans naïveté. Un espoir réaliste, ancré, presque modeste : celui de montrer qu’un autre modèle agricole existe, et qu’il tient souvent à peu de chose — un choix de vie, une transmission, une échelle, une conviction. « On ne s’en sortira pas avec des fermes industrielles. Ce sont les systèmes paysans qui nous sauveront. »
Il ne reste que quelques jours pour soutenir Arpentages. D’ici le 18 juin, chacun peut y contribuer, selon ses moyens. Chaque don compte. Il s’agit de rendre possible une exposition collective, sensible, et urgente, au service de celles et ceux qui nourrissent la terre — et nos imaginaires.
🔗 Pour contribuer : effervesens-centrevaldeloire.org/decouvrez-les-projets/detail/arpentages-des-fermes-et-des-systemes
📅 Clôture de la campagne : 18 juin 2025