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Derrière la Duchesse, le miroir de Laurent Costa

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Il faut imaginer la scène : une maison, le silence de journées suspendues, un temps ralenti où l’on cherche un exutoire. C’est là, dans la solitude du confinement lié au Covid, qu’est née la Duchesse. Laurent Costa en raconte l’origine avec simplicité. « Au départ, c’était un personnage pour m’occuper, parce que tout seul, dans une maison, sans rien créer, j’avais besoin de ça. J’ai créé ce personnage pour faire rire un peu mes amis. » L’histoire commence ainsi : une invention née de l’ennui et du besoin de partage.

La Duchesse n’était donc pas préméditée. Elle s’est imposée. Comme une évidence après quelques essais. « J’ai essayé plusieurs choses. Et puis, je trouvais que la duchesse, c’était pas mal. » Une femme recluse dans son château imaginaire, vivant hors du temps. « Elle vivait déjà dans le confinement, bien avant le confinement », dit Laurent Costa. La figure s’esquisse.Le comédien, coiffeur de métier, trouve là un terrain de jeu privilégié : choisir des coiffures, se déguiser, goûter au travestissement. « Cela m’a toujours plu et amusé », confie-t-il. Ce plaisir s’est cristallisé dans une silhouette : perruques, lunettes, accessoires, une Duchesse qui allait peu à peu dépasser le simple amusement durant une période de Covid.

À ce moment, la Duchesse n’est encore qu’un personnage improvisé, sans texte ni dramaturgie. Le travail avec Gérard Davin lui donne une ossature. Laurent Costa raconte leur collaboration. Deux ans plus tôt, il avait joué dans une pièce écrite par Davin, plongée dans des thématiques lourdes, « très psy ». « C’était sur la relation entre une mère et un fils de cinquante ans, qui n’arrive pas à se défaire de sa mère. » Laurent Costa, qui s’occupe beaucoup de sa propre mère, reconnaissait l’écho intime de cette histoire, mais il redoutait le poids tragique. « J’avais dit : écoute, ta pièce j’aime bien, mais c’est lourd, j’ai l’impression de retomber dans une tragédie. »

Ils décident alors d’alléger, de déplacer le regard. Laurent Costa ajoute du second degré, de la drôlerie, une mise en scène décalée. « On essaye de faire du drôle, et ça a bien fonctionné. Tout le monde nous disait : ses textes et ma mise en scène, plus mon petit grain de folie, ça marchait bien. » De là, Laurent Costa propose à Gérard Davin d’écrire pour la Duchesse. Il lui montre des vidéos, lui parle de ses goûts, de sa musique. Il évoque Dalida et Michel Serrault, deux figures cardinales pour lui. Gérard Davin écrit un texte, d’abord centré sur Laurent lui-même. Puis ils le retravaillent, le réorientent vers la Duchesse, ce double fictif mais si proche de l’intime.

Dalida, Michel Serrault et les héritages

Laurent Costa insiste sur ces influences. Dalida, d’abord, pour l’émotion brute, la puissance mélancolique d’une voix. Michel Serrault ensuite, dans La Cage aux folles. « Ce que j’aimais chez ce personnage ambigu, c’est que les gens ne voyaient que le côté drôle, alors que moi, gamin, je ressentais autre chose. Je comprenais pas pourquoi ça pouvait me faire pleurer. » L’enfant qu’il était pressentait la profondeur derrière la caricature, l’émotion derrière le rire. Aujourd’hui, il retrouve ce mélange dans la Duchesse.

C’est une figure de surface et de profondeur. Elle amuse, bien sûr, mais derrière la drôlerie affleure une sensibilité. « Je me rends compte que ce n’est pas forcément le côté drôle qui ressort, mais quelque chose qui me ressemble, ma sensibilité. » Ce glissement de ton fait partie du spectacle. Le rire n’est pas simple, il est parfois gêné, déplacé par l’émotion. Certains spectateurs disent « quelle émotion » avant de dire « c’est drôle ». Laurent Costa en est heureux.

Une légèreté nécessaire

Pour lui, il s’agissait aussi de sortir des lourdeurs du théâtre dramatique. Il voulait « apporter un peu de légèreté » tout en disant des choses essentielles. Le spectacle aborde l’homophobie, le suicide, thèmes liés à sa propre histoire familiale. Mais il les traite dans la dérision, pour éviter l’écrasement tragique. « Je ne voulais pas que ce soit trop grave, j’avais envie que les gens se détendent. » Surtout, il refusait de faire de la Duchesse un véhicule pour les débats contemporains. « Pas de sujet ni sur l’environnement, ni sur la politique. Je voulais vraiment qu’on sorte de quelque chose de complètement différent, pour que les gens oublient un peu tout ce qui se passe aujourd’hui et hier. » Un espace de respiration, de décalage.

Mais ce qui se joue dans Duchesse, c’est tout, c’est une ambiguïté : un personnage de comédie qui ouvre à ses blessures réelles. Une figure travestie qui devient révélatrice d’une identité. Une Duchesse qui, derrière ses lunettes et ses perruques, montre l’homme dans sa vérité.

Identité et miroir

Laurent Costa confie que le rôle l’a aidé à comprendre des choses sur lui-même. À 58 ans, il observe les évolutions de la société, les débats sur le genre. « À mon époque, quand j’avais 20 ans, on ne parlait pas de ces choses-là. » Il se décrit comme un homme homosexuel, assumant son orientation, mais porteur d’une forte féminité. La Duchesse devient un espace où celle-ci peut s’exprimer sans ridicule. Sur scène, elle révèle, plutôt qu’elle ne cache. Ce n’est pas un carnaval : c’est un dévoilement.

Sur scène, la Duchesse incarne aussi la solitude. Une lassitude affleure, perceptible jusque dans le regard. Laurent Costa ne le revendique pas explicitement, mais il l’admet à demi-mot. « Peut-être, oui. » Le regard, dit-il, est toujours délicat. Il aime regarder le public dans les yeux, mais craint parfois l’effet de certains regards, cette inquiétude d’être perturbé par ce qu’on lui renvoie. La Duchesse est une bulle. Elle regarde et se laisse regarder, entre crainte et dévoilement.

Du Seul en scène in situ

Le spectacle s’inscrit dans un choix de longue date : le théâtre in situ. Laurent Costa fait partie du Petit Orme Project (Le POP), troupe qui joue chez les particuliers. Avant le Covid, ils avaient monté Juste la fin du monde de Jean-Luc Lagarce. Ils l’ont joué plus de 80 fois, dans des salons, des maisons, des lieux privés.

La Duchesse

L’avantage, dit-il, est évident : pas besoin de financer une scène, pas de limitation à quelques représentations. L’invitation crée la continuité. « En amateur, jouer dans un théâtre, c’est compliqué. Quand on met une pièce en place, on joue trois, quatre, cinq fois, puis c’est galère. Quand on joue chez les gens, c’est non-stop. » Duchesse, c’est tout est portée par cette dynamique. Gérard Davin, issu d’un autre théâtre, a accepté de suivre cette voie. Sa femme, Béatrice Davin, a aidé à la mise en scène. Le spectacle est conçu pour ces espaces intimes, mais Laurent Costa n’exclut pas de le porter un jour sur une petite scène.

Laurent Costa joue depuis trente ans, toujours en amateur. Il n’a jamais cherché à devenir professionnel. « Déjà, financièrement, c’est compliqué. » Mais surtout, il tient à sa liberté. Le professionnalisme, pense-t-il, oblige parfois à jouer des pièces alimentaires, à accepter ce qui ne plaît pas. L’amateur, lui, joue par passion. « J’ai toujours eu la chance de me dire que je vis ma passion et je joue ce que j’aime. » Il joue ce qui lui ressemble, il incarne ce qu’il a choisi. La Duchesse est le fruit de cette fidélité.


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